En 2012, les agences d’emploi ont proposé 16 millions de missions d’intérim, faisant travailler plus de 525 000 personnes (ETP, équivalents temps plein), ce qui représente 3% de l’emploi salarié en France. Cela dit, le travail temporaire, dont la dégradation s’amorçait déjà fin 2011, a reculé en 2012 (-11,6%) et sur les cinq premiers mois de 2013 (-13,2%). Cette baisse advient dans une conjoncture économique marquée par une instabilité persistante – la « certitude de l’incertitude ».
Quand l’intérim se tasse, le chômage s’annonce à la hausse : le travail temporaire est un indicateur avancé de l’évolution de l’emploi, confirme le panorama mondial de l’activité des agences d’emploi privées (spécialistes du travail temporaire et du recrutement) dressé par le Ciett, leur confédération internationale. Les intérimaires (à l’échelle mondiale, on en recense 46 millions, soit 12,4 millions ETP) sont en effet ceux dont les emplois sont souvent les plus fragiles en période de déclin économique, et les plus dynamiques lors des rebonds, relève le Ciett.
Comme le révèle le bilan de Prism’emploi – nouveau nom du Prisme -, le repli de l’emploi intérimaire en 2012 est avant tout entraîné par les difficultés de l’industrie (-12,1% d’effectifs). Si ce secteur, auquel l’interim est traditionnellement associé, représente toujours à lui seul près de la moitié (43,1%) de l’emploi intérimaire, sa part relative a chuté de 8 points depuis 2000 alors que, dans le même temps, le BTP et le tertiaire en prenaient 4 chacun. Mais, sur la seule année 2012, tous les secteurs sont concernes par le recul : même dans le tertiaire, où la chute est un peu amortie (-7%), certaines branches comme la finance ou l’immobilier se dégradent très nettement.
Les intérimaires : dans l’emploi et de plus en plus qualifiés
Mais même – voire surtout – dans la crise, l’intérim porte l’accès à l’emploi et soutient l’employabilité. A ce titre, le Ciett met la lumière sur deux aspects de ce qui apparaît comme un modèle français :
On tombe 4 fois moins au chômage après une mission d’intérim qu’après un CDD
La part des candidats qui entrent dans l’intérim sans le bac en poche est de 23% dans le monde ; elle est de près de 60% en France. Les agences d’emploi, qui se sont engagées à lancer 75 millions de jeunes sur le marché du travail en cinq ans, bâtissent des transitions professionnelles progressives : pour les moins diplômés, et les plus vulnérables à l’entrée sur le marché du travail, l’intérim représente une « voie d’accès privilégiée à un premier emploi », note le Prisme. Un intérimaire français sur quatre a d’ailleurs moins de 25 ans, et l’intérim constitue pour cette population un premier rempart au chômage : alors que 91% d’entre eux n’étaient pas en emploi avant de devenir intérimaire, un an après, ils sont près de deux tiers à travailler. Les inscriptions au chômage sont ainsi quatre fois plus nombreuses à la fin d’un CDD qu’en fin de mission d’intérim.
Mutation : aujourd’hui, un quart des intérimaires sont des cols blancs
[encadre] Levier d’insertion ou de réinsertion sur le marché du travail, l’intérim se veut aussi vecteur de professionnalisation : au-delà de l’expérience opérationnelle, 14% des intérimaires français ont ainsi bénéficié d’une formation en 2012.
En France, 38% des missions d’intérim requièrent un haut niveau de compétences – un record. Le Prisme souligne la poursuite, en 2012, de « l’élévation du niveau de qualification des intérimaires » : symbole de cette tendance à la spécialisation, depuis 1999, la part des ouvriers non qualifiés parmi les intérimaires a chuté de plus de 12 points, au profit des ouvriers qualifiés (+9), mais aussi des cadres et professions intermédiaires (+5). Au total, l’intérim cadres a progressé de 120% en 13 ans, et, loin des clichés, près d’un quart des intérimaires sont aujourd’hui des « cols blancs », tant cadres techniques qu’administratifs et commerciaux.
Pour les employeurs, une réponse aux besoins de réactivité et une parade aux difficultés de recrutement
85% des employeurs voient l’intérim comme une réponse à des besoins « ponctuels », en complément du CDI, révèle une enquête citée par le bilan du Prisme. Les agences d’emploi sont ainsi pourvoyeuses de solutions de flexibilité pour ajuster l’emploi aux pics ou aux chutes d’activité, un souci de réactivité particulièrement crucial dans un contexte très chaotique.
La réactivité s’acquiert par l’anticipation et un positionnement tourné vers la reprise, en s’engageant par exemple sur la formation – 310 millions d’euros investis par les agences d’emploi en 2012 -, en particulier pour faire acquérir aux salaries intérimaires des compétences dont les besoins ne font pour l’heure qu’émerger.
Les agences d’emploi, levier de compétitivité par leur ancrage local
L’anticipation des besoins en compétences, levier d’un marché du travail faisant mieux coïncider offre et demande, est rendue possible par des démarches multi-acteurs et à l’échelle du territoire. Très ancrées dans les réalités économiques locales, les agences d’emploi développent une connaissance de l’environnement cruciale pour le développement et la pérennité des PME. Celles-ci concentrent ainsi la moitié des recrutements effectués par les agences d’emploi en 2012. L’enjeu n’est pas des moindres : les PME représentent plus de 80% des salariés français.
Les employeurs prennent enfin la mesure de l’impact sur leur compétitivité de leur difficulté à trouver les bons candidats, comme le révélait l’enquête Pénuries de talents 2013. Depuis, le gouvernement a ouvert la chasse aux emplois non-pourvus, préparant un plan d’urgence pour mieux faire coïncider besoins des entreprises et compétences disponibles sur le marché. Les agences d’emploi sont des acteurs de premier plan d’une réponse qui se veut territorialisée, à l’échelle du bassin d’emploi : la densité de leur maillage territorial rend possibles des relations de proximité et une expertise RH adaptée, qui permet aux employeurs de recruter, via les agences d’emploi, des candidats « aux compétences spécifiques difficiles à trouver ».
Du point de vue sectoriel, l’anticipation est aussi la clé : les prestations de recrutement des agences d’emploi se concentrent à 70% dans le tertiaire, un des gisements d’emplois les plus conséquents de la décennie. Parmi les branches de plus en plus concernées par le recrutement via agences d’emploi : les services à la personne (+6%), secteur déjà considéré comme particulièrement porteur dans l’enquête « Besoins en main-d’oeuvre 2013 » de Pôle emploi.
La « flexibilité responsable », cadre d’action pour la sécurisation des parcours
Un rapport de l’Institut Montaigne, prônant un engagement accru de l’entreprise dans la société et une gestion renouvelée des ressources humaines, soulignait que l’« agence d’emploi est un employeur responsable avec lequel les intérimaires peuvent négocier sur le long terme ».« La profession a fait le choix d’une flexibilité responsable« , commente le Prisme : pour développer l’employabilité des intérimaires (formation, validation des acquis professionnels, gestion de carrière, suivi personnalisé), en partenariat avec les premiers concernés, les agences d’emploi sont aussi un « laboratoire social ».
L’action sociale du FASTT, le Fonds d’Action Sociale du Travail Temporaire, s’ancre dans l’accompagnement individualisé, centré sur le quotidien des intérimaires : accès au logement (plus de 20 000 interventions en 2012), aide à la mobilité (service de garde d’enfant, locations à moindres coûts), conseil financier pour l’accès au crédit, une complémentaire santé – négociée – qui a bénéficié à plus de 25 000 intérimaires en 2012.
Le renforcement des parcours professionnels passe aussi par une évolution des normes. Le Prisme rappelle à ce titre la signature en 2012 de deux accords, tournés vers des « dispositifs de formation innovants » :
- L’accord relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie : visant une meilleure publicité des dispositifs existants, et organisant notamment la portabilité du droit individuel à la formation (DIF) des intérimaires.
- Le tutorat intérimaire, dispositif de transmission des compétences orienté vers le maintien dans l’emploi des seniors et l’ouverture de nouvelles perspectives de diversification des parcours.
Ces évolutions conventionnelles témoignent voire anticipent des évolutions structurelles du marché du travail… vers une flexisécurité à la française ?
> Bonus : les cartes de l’emploi intérimaire
Les cartes de l’évolution de l’emploi intérimaire témoignent-elles de nouvelles fractures territoriales ? Le quart sud-ouest, PACA et l’Île-de-France résistent le mieux, mais connaissent tout de même le repli : le recul de l’intérim est observable sur l’ensemble du territoire.