Au début de l’année 2024, seulement 32 % des entreprises prévoient d’augmenter leurs effectifs, contre 42 % au trimestre précédent. La prévision nette d’emploi est de +19 %, toujours positive, mais en baisse également. Des chiffres qui reflètent la crise économique qui s’installe, à laquelle les entreprises françaises n’échappent pas.
Ce recul des projets d’ouvertures de postes révélé par le Baromètre trimestriel de ManpowerGroup dévoile les défis économiques auxquels les entreprises font face : conséquences de l’inflation, inquiétudes liées au remboursement de la dette Covid, accès au crédit plus difficile, manque de visibilité sur l’avenir.
Toutefois, il est intéressant de noter que la part des entreprises (13 %) projetant de réduire leurs effectifs début 2024 reste stable. Elles étaient déjà 14 % au premier trimestre 2023, et cette part avait même grimpé jusqu’à 19 % l’été dernier. Si les dirigeants d’entreprises ralentissent le rythme de leurs embauches, ils ne semblent pas pour autant s’attendre à des difficultés prolongées. La moitié d’entre eux (51 %) jugent le statu quo préférable.
La prévision nette d’emploi qui en ressort s’établit à +19 % en données brutes, sur la période janvier-mars 2024. Cela représente une baisse de 9 points par rapport au dernier trimestre de 2023 et de 8 points en un an.
L’analyse d’Alain Roumilhac, Président de ManpowerGroup Europe du Sud :
« Tout comme pour la conjoncture économique, c’est un début d’année 2024 en demi-teinte qui s’annonce. Le marché de l’emploi demeure dynamique, avec des entreprises de tous secteurs qui poursuivent leurs recrutements, cependant nous constatons que l’ensemble des chiffres sont à la baisse par rapport à l’année passée. Bien que nous soyons toujours dans un contexte de pénurie des talents, les entreprises font face à leur réalité économique et ralentissent et priorisent les embauches. La demande persistante de recrutements vise à combler des besoins en nouvelles compétences pour répondre à leurs différents enjeux : digitalisation, innovation et transition écologique… »
Des intentions de recrutement qui diminuent avec la taille de l’entreprise
En tête de liste, les groupes de très grande envergure, employant entre 1 000 et 4 999 salariés, affichent un optimisme exceptionnel avec une prévision nette d’emploi de +41 %. Ce chiffre, en hausse de 13 points par rapport au trimestre précédent, surpasse également les résultats de la même période l’année précédente de 8 points. Très internationalisées, elles parient certainement sur le rebond de l’activité sur les marchés étrangers.
Les grandes entreprises, comptant entre 250 et 999 salariés, qui menaient le classement le trimestre dernier, se placent désormais en deuxième position. Leur prévision nette d’emploi s’établit à +32 %, un recul de 7 points par rapport au trimestre précédent et de 10 points par rapport à la même période l’an passé.
Les entreprises de taille moyenne, de 50 à 249 salariés, ont une prévision nette atteignant +15 %, en baisse de 17 points par rapport au dernier trimestre 2023, et de 8 points en comparaison annuelle.
Pour les petites PME, employant de 10 à 49 salariés, la tendance à la baisse se poursuit. Leur prévision nette d’emploi est de +12 % pour ce trimestre, soit une diminution de 4 points par rapport au trimestre précédent et une chute considérable de 19 points en glissement annuel. Enfin, chez les TPE de moins de 10 salariés, la prévision nette d’emploi est de +10 %. Ce qui représente une légère hausse de 3 points en l’espace d’un an, mais une baisse de 8 points par rapport au trimestre précédent.
Les intentions d’embauche baissent à mesure que la taille des entreprises diminue. À ce titre, une récente étude de La Banque Postale montre comment les TPE sont fragilisées par un « triple choc »” (hausse des taux d’intérêts, hausse des prix de l’énergie, et hausse des salaires), qui impacte négativement leur trésorerie. Un phénomène qui affecte toutes les entreprises, mais plus difficile à absorber pour les petites structures.
Les projets de recrutement varient selon les régions
À savoir : Le Baromètre trimestriel ManpowerGroup présente désormais les intentions d’embauche en fonction des régions administratives, et non plus des régions géographiques.
L’Auvergne-Rhône-Alpes et la Provence-Alpes-Côte d’Azur ont des perspectives très encourageantes (+28 %), tandis que la Nouvelle-Aquitaine affiche une prévision nette de +26 % et les Pays de la Loire de +24 %.
En revanche, certaines régions connaissent une situation moins favorable. En Bretagne, par exemple, les perspectives sont neutres : 24 % des entreprises envisagent d’embaucher, mais un pourcentage équivalent prévoit de réduire leurs effectifs, résultant en une prévision nette d’emploi nulle. La Normandie, quant à elle, affiche un solde net de +2 %.
Les autres régions françaises prévoient des performances moyennes, allant de +11 % pour le Centre-Val de Loire à +16 % pour l’Occitanie et l’Île-de-France. Cependant, dans le cas de la région parisienne, des fluctuations importantes sont à prévoir en 2024 en raison, bien sûr, de l’organisation des Jeux Olympiques, qui devraient entraîner des variations significatives des besoins en main-d’œuvre dans divers secteurs d’activité.
Les secteurs des Technologies et de la Communication toujours très dynamiques, le Commerce à la peine
Le secteur des Technologies de l’information, avec une prévision nette d’emploi de +30 %, soit une baisse de 8 points en un trimestre et de 5 points en un an, demeure en tête des domaines d’activité les plus dynamiques en France, malgré ce léger recul. Stimulé par les avancées constantes en matière de nouvelles technologies, il continue de croître et d’embaucher. L’industrie technologique européenne a ainsi triplé ses effectifs en 5 ans, passant de 750 000 salariés en 2018 à 2,3 millions en 2023.
Le secteur Communication et services, qui affiche également une prévision nette d’emploi de +30 %, connaît une baisse légère de 2 points depuis le dernier trimestre 2023. Néanmoins, il affiche une croissance remarquable de 22 points en rythme annuel. Faut-il y voir un effet de l’anticipation des Jeux Olympiques 2024, un événement majeur pour le secteur ?
Concernant l’Énergie, la prévision nette d’emploi est de +24 %, retrouvant plus ou moins son niveau de l’an passé à la même période. Ce ne sont pas les offres qui manquent, des milliers de postes sont à pourvoir pour soutenir la transition énergétique, mais plutôt les candidats. Tant et si bien que les entreprises du secteur semblent privilégier la formation interne pour développer les compétences nécessaires.
En revanche, du côté des Biens de consommation et services, l’atmosphère est bien plus morose, avec un solde net des intentions d’embauche de seulement +8 %, -18 points en un trimestre et en chute de 20 points en l’espace d’une année. Ce qui n’est guère étonnant, car les commerces de proximité traversent un moment difficile, avec un chiffre d’affaires en diminution malgré la hausse des prix.
Dans les Transports, la logistique et l’automobile, la prévision nette d’emploi de +23 % est soutenue et prévisible tant les besoins en nouvelles compétences sont importants dans ce secteur. Toutefois, ce solde net est en baisse constante depuis un an (-14 points par rapport au dernier trimestre et -18 points par rapport à l’année passée).
La France moins dynamique que les autres pays européens début 2024
Le solde net des perspectives d’emploi (+19 %) de la France apparaît plutôt moyen comparé à ses voisins européens. En effet, nombreux sont les pays qui bénéficient durant le premier trimestre 2024 d’évolutions plus favorables avec une perspective nette atteignant +37 % aux Pays-Bas, +33 % en Belgique, +31 % en Suisse, +28 % au Portugal, +27 % au Royaume-Uni, +26 % en Finlande, et +24 % en Allemagne. Une moindre performance que la France partage avec l’Espagne (+17 %) et l’Italie (+11 %).
Dans le reste du monde, plusieurs nations caracolent en tête des intentions d’embauche, avec un solde net des perspectives d’emploi de +38 % au Costa Rica, +37 % en Inde, 35 % aux États-Unis, 34 % au Mexique, +33 % en Chine, et +32 % au Brésil. Bénéficiant d’une forte croissance (au moins 6 % en 2023), l’Inde, qui occupe aujourd’hui la 5ème place, devrait devenir dans quelques années la 3ème puissance mondiale.
Quant aux États-Unis, la vitalité de leur économie ne cesse de surprendre. L’euphorie post-Covid ne s’est jamais vraiment essoufflée, malgré l’inflation. La consommation reste très soutenue, tandis que les plans de soutien aux investissements industriels continuent de produire leurs effets avec des recrutements importants, et une croissance qui accélère.
Les autres enseignements du baromètre : la pénurie de talents est la priorité des recruteurs
Dans ce contexte économique tendu, on pourrait s’attendre à une plus forte concurrence sur le marché du travail, avec des candidats contraints de mettre en avant des compétences toujours plus spécifiques pour se démarquer. Pour autant, les entreprises françaises continuent de rencontrer des difficultés pour embaucher.
- 80 % des dirigeants d’entreprises disent avoir du mal à trouver la perle rare (59 % disent avoir « quelques difficultés », 21 % disent « en avoir beaucoup »). Un taux grimpant à 92 % en Bretagne et même à 98 % en Centre-Val de Loire ! Cette pénurie de talents affecte davantage les secteurs de la santé, du transport, et de l’industrie.
- Les profils les plus difficiles à trouver pour les entreprises concernent les compétences en informatique (21 %), qui sont activement recherchées dans le secteur technologique comme dans celui de la communication, en ressources humaines (19 %), ainsi que celles utiles à la production industrielle (18 %).
- Pour surmonter leurs difficultés de recrutement, les entreprises françaises envisagent surtout d’offrir davantage de flexibilité concernant le lieu de travail (43 %), d’augmenter les salaires (32 %), de proposer du temps partiel ou des horaires plus flexibles (28 %), ou encore d’offrir des primes à l’embauche (24 %).
Le baromètre des prévisions d’embauche en France pour le début de l’année 2024 offre ainsi des perspectives mitigées. Certes, la France fait preuve d’une véritable résilience dans un contexte économique difficile, avec des entreprises qui continuent de recruter malgré un ralentissement de l’économie. Néanmoins, la comparaison avec les autres pays révèle une dynamique moins favorable, plaçant la France dans une position intermédiaire.
Cela invite à une réflexion sur les défis futurs du marché de l’emploi français. Avec la persistance de la pénurie de talents et les besoins croissants en compétences spécialisées, il devient crucial pour les entreprises de développer des stratégies innovantes en matière de recrutement et de formation. Ainsi, l’adaptabilité, la formation continue et l’investissement dans les compétences émergentes apparaissent comme des clés essentielles pour naviguer dans un paysage économique en mutation et pour maintenir la compétitivité.
À propos du baromètre :
Le Baromètre ManpowerGroup des perspectives d’emploi pour le premier trimestre 2024 a été réalisé dans 45 pays, entre le 2 et le 31 octobre 2023 auprès de 40 077 employeurs issus d’entreprises privées et d’organismes publics, dont 1 019 employeurs en France.
L’étude analyse les données obtenues en réponse à une unique question : « Comment anticipez-vous l’évolution des effectifs de votre entreprise au cours du prochain trimestre, jusqu’à fin mars 2024, par rapport au trimestre actuel ? ».