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Les soft skills sont-elles proprement humaines ? ChatGPT passe le test en entretien d’embauche ! 

L’étude ManpowerGroup sur les perspectives d’emploi du 2e trimestre 2023 révèle que les recruteurs peinent à trouver des profils de candidats présentant des soft skills parmi les plus recherchées, telles que : la fiabilité, la discipline et le sens des responsabilités (23%), la résistance au stress et la capacité d’adaptation (22%), la prise d’initiative (21%) ou encore la curiosité et le goût d’apprendre (20%). Parce que ces capacités sont difficiles à trouver, 50% d’entre eux sont prêts à investir dans la formation pour développer ces compétences chez leurs collaborateurs. Mais dans ce contexte de pénurie de Talents, est-ce que l’intelligence artificielle pourrait présenter ces caractéristiques typiquement humaines et tant recherchées par les employeurs ?  

Pour le découvrir, ChatGPT passe le test en se prêtant au jeu de l’entretien d’embauche, pour un poste d’ingénieur d’affaires en ESN, chez Experis. Un poste à la fois technique et commercial, où l’on attend du candidat des qualités humaines telles que l’aptitude à s’adapter, le goût du challenge et l’aisance relationnelle. 

Un résultat commenté par Virginie Le Forestier, Directrice du Recrutement chez Experis. 

Présentez-vous et votre parcours en quelques mots. 

ChatGPT (le candidat) :  Je m’appelle [Votre nom] et je suis un ingénieur d’affaires passionné avec une solide expérience dans le domaine des services numériques. J’ai obtenu mon diplôme en [Domaine d’études] et depuis lors, j’ai consacré ma carrière à travailler dans le secteur des ESN.  

J’ai acquis une expérience diversifiée en travaillant sur des projets de grande envergure pour des clients de divers secteurs. J’ai développé des compétences en gestion des ventes, en développement commercial et en gestion de comptes.  

Au cours de ma carrière, j’ai également eu l’occasion de développer des relations solides avec les clients, en établissant une communication ouverte et en fournissant un excellent service. Je suis quelqu’un de très axé sur les résultats et je m’efforce toujours de dépasser les attentes des clients et de contribuer à leur succès. 

Je suis très motivé à rejoindre Experis en tant qu’ingénieur d’affaires, car j’admire la réputation de votre entreprise en matière d’excellence et d’innovation dans les services numériques. Je suis convaincu que ma passion pour les technologies, mes compétences en gestion des ventes et ma capacité à établir des relations durables avec les clients seraient des atouts précieux pour contribuer à la croissance et au succès d’Experis. 

Le regard de Virginie Le ForestierLes formulations comme « j’admire », « passion », « grande envergure », « dépasser les attentes » sont très exagérées. L’IA insiste sur les points clés sans y mettre d’âme. C’est une réponse qui manque de relief. 

Quels ont été vos plus gros challenges commerciaux ? Qu’en avez-vous retenu ? 

ChatGPT : J’ai été confronté à divers défis stimulants. Voici quelques-uns de ces défis et ce que j’en ai retenu : 

  • XYZ Corporation :  L’un des défis majeurs était de comprendre les besoins complexes de XYZ Corporation, qui opérait dans un environnement technologique en constante évolution. J’ai dû apprendre à gérer des cycles de vente plus longs, impliquant plusieurs parties prenantes internes. Cela m’a aidé à développer mes compétences en gestion de relations avec les parties prenantes. 
  • ABC Industries : Lors de ma collaboration avec ABC Industries, l’un des principaux défis était de proposer des solutions technologiques qui s’intègrent à leurs processus de fabrication complexes. J’ai dû comprendre en détail leurs opérations et travailler en étroite collaboration avec leur équipe pour identifier les points de friction et les opportunités d’amélioration. J’ai appris l’importance de l’écoute active et de la flexibilité pour répondre aux besoins spécifiques des clients industriels. 
  • DEF Bank : Le défi majeur avec DEF Bank était de garantir la conformité réglementaire et la sécurité des solutions technologiques mises en place. Travailler dans le secteur bancaire nécessite une compréhension approfondie des normes et réglementations spécifiques. J’ai développé des compétences solides en matière de gestion des risques, de conformité et de sécurité des données. 

Dans l’ensemble, ces défis m’ont permis de renforcer mes compétences en matière de gestion de compte, de compréhension des besoins spécifiques des clients et de collaboration avec des équipes diverses.  

Le regard de Virginie Le Forestier :  C’est un bon exemple de réponse trop parfaite ; bien étudiée mais sans âme ni sens humain. Quand je pose cette question, j’attends du candidat qu’il me parle des difficultés rencontrées et qu’il me raconte comment il les a surmontées. Ici, l’IA se contente de lister pour chaque entreprise le résultat attendu, ce qu’il fallait mettre en œuvre et ce qu’il a appris mais sans m’expliquer comment il y est arrivé. En passant à côté du « comment », l’IA passe à côté de la question.   

Vous diriez que vous êtes plutôt dans le développement commercial ou plutôt dans la chasse ? 

ChatGPT : Je dirais que je suis à la fois dans le développement commercial et dans la chasse. Dans le développement commercial, je suis attentif à établir une communication ouverte et transparente, en travaillant en étroite collaboration avec les équipes internes pour assurer la satisfaction du client à long terme. En ce qui concerne la chasse, je suis également à l’aise pour rechercher activement de nouveaux clients potentiels. J’utilise différentes méthodes, telles que l’analyse du marché, la prospection ciblée, le réseautage et les recommandations pour identifier de nouvelles opportunités commerciales.

Le regard de Virginie Le ForestierL’IA contourne la question. Elle cherche à cocher toutes les cases alors que l’intérêt de la question est d’identifier ce dont le candidat a besoin pour donner le meilleur de lui-même.

Quelle a été votre plus belle négociation ? 

L’une de mes plus belles négociations remonte à ma dernière expérience en tant qu’ingénieur d’affaires. J’ai été chargé de négocier un contrat avec une entreprise de taille importante, leader dans son secteur d’activité.  

Pour cette négociation, j’ai adopté une approche proactive et stratégique. J’ai commencé par mener une recherche approfondie sur l’entreprise cliente afin de comprendre leurs besoins spécifiques, leurs objectifs et les défis auxquels ils étaient confrontés. J’ai organisé plusieurs réunions et échanges téléphoniques pour écouter leurs préoccupations, répondre à leurs questions et clarifier les détails de notre proposition. Lors des négociations proprement dites, j’ai adopté une approche collaborative plutôt que compétitive. J’ai cherché à trouver des solutions gagnant-gagnant, en mettant l’accent sur la valeur ajoutée que notre entreprise pouvait apporter. Finalement, après plusieurs rounds de négociation, nous avons réussi à parvenir à un accord satisfaisant pour les deux parties. Le contrat a été signé et le projet a été un succès, tant du point de vue de la réalisation des objectifs que de la satisfaction du client. 

Cette expérience de négociation a été particulièrement gratifiante pour moi, car elle a démontré ma capacité à gérer des négociations complexes, à construire des relations solides avec les clients et à parvenir à des résultats positifs. 

Le regard de Virginie Le Forestier : Comme dans beaucoup de réponses précédentes, la construction méthodique donne l’impression d’une réponse idéale. Néanmoins, sans chiffres, délais ou ressentis, le propos demeure théorique et aseptisé. J’aurais aimé que le candidat me transmette un peu de « l’adrénaline » vécue lors de cette négociation.   

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette approche collaborative ?

ChatGPT (le candidat) :  Bien sûr, permettez-moi de vous décrire comment la négociation s’est déroulée et comment j’ai mis en œuvre une approche collaborative : 

J’ai engagé des discussions ouvertes avec le client, en posant des questions pour mieux comprendre leurs perspectives, leurs priorités et leurs contraintes. J’ai encouragé le partage d’informations des deux côtés, en créant un environnement propice à l’échange d’idées et à la recherche de solutions communes. J’ai cherché à trouver des points d’accord dès le début de la négociation, mettant en évidence les avantages mutuels et les objectifs communs. J’ai également identifié les points de désaccord et les domaines où des compromis étaient nécessaires. Plutôt que de chercher à imposer nos conditions, j’ai adopté une approche de résolution de problèmes. J’ai cherché à comprendre les préoccupations du client et à trouver des solutions créatives qui répondraient à leurs besoins tout en préservant nos intérêts.  

Tout au long de la négociation, j’ai été attentif aux émotions et aux signaux non verbaux du client, en m’assurant de répondre de manière appropriée et de traiter les préoccupations qui ont été exprimées. Finalement, grâce à cette approche collaborative, nous avons réussi à trouver un accord qui a satisfait les intérêts des deux parties. 

Le regard de Virginie Le ForestierJ’aurais interrompu le candidat de nombreuses fois si j’avais eu ce type de réponse en entretien, par exemple, pour lui demander comment il s’y est pris pour « créer un environnement propice à l’échange d’idées et à la recherche de solutions communes ». Cela m’aurait permis d’évaluer sa créativité et sa réactivité.   

Dans cette question, l’important est moins la réponse que la personne qui répond. L’IA le sait, et évoque l’attention particulière qu’elle a eu au sujet des émotions et des signes non verbaux du client. Elle a très bien compris les enjeux de l’approche collaborative. C’est très fort ! Cependant, elle ne parvient pas à transmettre les émotions qu’elle mentionne. C’est dommage.   

Pouvez-vous nous parler de vos échecs ? Lesquels ont été les plus structurants pour vous ? 

L’un des échecs les plus structurants pour moi a été lorsque j’ai perdu une importante opportunité commerciale avec une entreprise clé dans mon précédent emploi. Malgré mes efforts et une préparation approfondie, j’ai finalement été incapable de répondre à leurs besoins spécifiques de manière adéquate. J’ai réalisé que la préparation seule ne suffisait pas toujours. J’ai compris l’importance de l’écoute active et de la compréhension profonde des besoins du client.  Cet échec m’a également appris l’importance de la résilience et de la persévérance.  

En fin de compte, cet échec m’a aidé à devenir un meilleur ingénieur d’affaires. Il m’a permis de développer ma capacité à apprendre de mes erreurs, à m’adapter aux défis et à améliorer mes compétences en matière de vente et de relation client. 

Le regard de Virginie Le ForestierL’IA met bien en avant les comportements attendus comme la résilience, la persévérance, la capacité à apprendre de ses échecs… mais, je ne perçois pas de vie dans sa réponse. Comme dans les réponses précédentes, c’est méthodiquement présenté et à propos mais il me manque l’intonation, le regard, la voix, la posture… pour évaluer la personne. 

Nous cherchons un profil capable de manager plusieurs personnes. Comment faites-vous grandir vos équipes ?  

Lorsqu’il s’agit de faire grandir mes équipes, j’adopte une approche axée sur le développement professionnel et personnel de chaque membre. Voici quelques méthodes que j’utilise pour favoriser la croissance de mes équipes : 

  1. Établir des objectifs clairs : je définis des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et temporellement définis (SMART) avec eux.  
  1. Offrir des formations et des opportunités d’apprentissage : je crois en l’importance de l’apprentissage continu. J’identifie les besoins en formation de chaque membre de l’équipe et je m’assure de leur fournir les ressources nécessaires pour développer leurs compétences. J’encourage également la participation à des conférences et à des événements professionnels pour élargir leurs horizons. 
  1. Favoriser l’autonomie et la responsabilisation : je les encourage à prendre des initiatives, à faire preuve de créativité et à proposer des idées novatrices. Je les responsabilise en leur confiant des projets stimulants qui les poussent à se dépasser et à développer leurs compétences. 
  1. Fournir des feedbacks constructifs : je fournis un feedback spécifique, objectif et orienté vers l’action, mettant en évidence leurs forces et identifiant des opportunités d’amélioration. J’encourage également l’échange de feedbacks entre membres de l’équipe pour favoriser un environnement de croissance mutuelle. 
  1. Favoriser le développement des soft skills : j’encourage mes collaborateurs à développer des compétences telles que la communication, la résolution de problèmes, la collaboration et le leadership.  

En utilisant ces approches, je m’efforce de créer un environnement propice à la croissance et à l’épanouissement professionnel de mes équipes.  

Le regard de Virginie Le Forestier : Les réponses sont plutôt justes mais l’IA ne parle pas de l’importance de considérer ses équipes. Je ne perçois pas sa capacité à fédérer ni son intelligence relationnelle qui sont pourtant des qualités essentielles pour ce poste. 



Les impressions globales de Virginie Le Forestier : 

  • Les bons points :  

D’un point de vue factuel, les réponses de l’IA sont toujours pertinentes. Elle comprend parfaitement les attendus du poste et les retranscrit de manière intelligible. Si le candidat adapte les réponses à son propre vécu, ChatGPT peut être un bon outil de préparation à un entretien.   

  • Les limites :  

À mon sens, la réussite d’un recrutement tient dans l’appréhension de quatre points essentiels : le candidat, l’organisation, le poste et le manager qui recrute. S’il revient au recruteur de connaître parfaitement l’organisation, le poste à pourvoir et le manager pour lequel on recrute, c’est la personnalité du candidat qui fait toute la différence. Pour éviter les erreurs de casting, il est indispensable d’échanger. Chez Experis, la première raison pour laquelle les candidats nous rejoignent (à plus de 63% sur plus de 1000 réponses) c’est la qualité des relations avec les interlocuteurs lors du processus de recrutement. À travers ce test, l’IA démontre qu’elle est incapable de créer un lien avec son interlocuteur. Elle n’est pas en mesure de se raconter professionnellement ni de témoigner des qualités humaines essentielles pour ce poste. Si l’IA peut être un bon outil de préparation pour les candidats, elle est encore loin de passer le test d’un entretien d’embauche ! 

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