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Temps choisi, télétravail, mobilités : les RH s’emparent de l’autonomie

« Accompagner les libertés », « entendre les salariés qui demandent plus de marges de manoeuvre », « rapprocher du monde du travail ceux qui en sont trop éloignés » : Philippe Vivien, ancien DRH d’Areva et secrétaire général de la Fondation ITG « Travailler autrement, vers les nouvelles formes d’emploi », résume ainsi les challenges RH qui ont émaillé le colloque de lancement du think-tank. Comment les entreprises peuvent-elles concilier des cadres de travail épanouissants et poreux, favorisant l’autonomie des collaborateurs, tout en leur garantissant des protections ?

Accompagner les libertés, recréer de la sécurité

[encadre]Alors que dans certains pays, le CDI représente moins de la moitié des contrats de travail (avec 86% de CDI, la France est bien au-dessus loin de ce ratio), le défi RH du moment est bien celui de l’invention de nouvelles sécurités. Un enjeu qui n’appelle pas seulement des réponses « solubles dans le contrat de travail » : au-delà des formes – juridiques – d’emploi, l’organisation du travail dans l’entreprise se redessine.

La moitié des actifs français ont changé d’orientation professionnelle durant leur carrière : les parcours professionnels sont devenus multiples, parfois morcelés. Les fonctions RH des entreprises sont donc appelées à embrasser cette ère de mobilité et de changement permanents. Et l’on parle déjà d’« entreprise agile » pour désigner les décloisonnements et les logiques d’ouverture à l’oeuvre. Voici les grandes innovations sociales présentées par la Fondation ITG lors de son colloque.

Le temps choisi

Philippe de Gibon - ConversLaisser les collaborateurs choisir leurs horaires de travail… Loin de l’utopie, c’est ce qu’a mis en oeuvre, Philippe de Gibon, PDG et cofondateur de Convers, centre d’appels de plus de 200 salariés situé, importance du cadre de travail oblige, … sur la promenade des Anglais ! Le principe est simple : l’organisation du travail est entièrement centrée sur les rythmes de vie des salariés, par nature instables. Ceux-ci choisissent chaque semaine leurs horaires de travail de la semaine suivante, dans le cadre d’un forfait hebdomadaire d’heures qui lui reste fixe, mais est modifiable deux fois par an. Ainsi, rassembler ses horaires sur 3 jours, se dégager une journée ou travailler exceptionnellement le week-end devient possible, tout comme le fait de moduler son activité en fonction de l’évolution du rythme de sa vie personnelle.

Dans un contexte de fort turn-over, ce dispositif de flexibilité (aussi appelé temps convenu) est, d’après une enquête interne, le premier facteur de fidélisation des salariés. D’après la même enquête, les salariés de Convers choisissent d’abord les mots « dynamisme », « convivialité » et « liberté » pour qualifier leur entreprise. Un exploit, un gadget de RSE ? « Une stratégie d’entreprise et un levier de performance », répond de Gibon.

La validation des acquis : les compétences avant tout

Hubert Mongon - McDonald'sMcDonald’s, 70 000 salariés en France et un des premiers employeurs du pays, a l’avantage de fonctionner comme un groupement de PME, explique Hubert Mongon, Senior Vice President Ressources Humaines McDonald’s France et Europe du Sud. En conséquence, le recrutement s’effectue de manière ultra-localisée, et a tendance à ne pas se focaliser sur le niveau de diplôme. La Validation des Acquis de l’Expérience, lancée en 2004, s’inscrit dans cette démarche, qui valorise les talents et compétences intrinsèques à l’individu. Piloté en partenariat avec l’Education nationale, le réseau des Chambres de commerce et des écoles de commerce, ce dispositif permet aux salariés McDo’ de suivre une formation qui peut aboutir à une équivalence bac +3.

C’est le cas de Mohamed Bouarfa, directeur de marché, qui avait arrêté ses études au niveau bac, et raconte son expérience : mémoire de 50 pages, compétences opérationnelles, la formation est assez lourde, mais elle a structuré quelques unes de ses méthodes de travail et, surtout, lui a ajouté une ligne sur son CV… Pour Hubert Mongon, la VAE et le titre professionnel auquel elle aboutit ne sont pas un instrument de fidélisation (elle n’équivaut pas à augmentation ou promotion), mais elle dope l’employabilité, interne comme externe, de ceux qui s’y engagent. Suffisamment qualifiante, elle a donc son intérêt pour l’employeur comme pour l’employé…

Le télétravail, oui mais comment ?

Emmannuelle Lièvremont - L'OréalJean-Marie Simon, Directeur Général d’Atos France, l’affirme : même le DRH d’une entité de 11 000 personnes peut télétravailler ! L’ensemble du groupe compte 16% de télétravailleurs, jusqu’à deux jours et demi par semaine…

Et si le télétravail doit être une « convergence entre une volonté de l’entreprise et les attentes des collaborateurs », les enquêtes internes montrant des taux de satisfaction avoisinant les 99% sont la preuve d’une certaine réussite. Instrument de conciliation vie personnelle/vie professionnelle, le télétravail est de plus en plus utilisé par les entreprises françaises, malgré une culture du présentéisme très marquée.

En interne, la conduite du changement est cruciale selon Emmanuelle Lièvrement (photo), Directrice Diversité & Santé au Travail à L’Oréal, où les enquêtes de satisfaction remplies par les 500 télétravailleurs du groupe ne sont pas moins unanimes… Une pédagogie de long terme est nécessaire, de même que des principes clairement affichés : volontariat (sous réserve de l’accord du manager), pas de catégorisation selon le statut et le métier (sous réserve que l’activité le permette, tout le monde peut télétravailler), réversibilité, rythme régulier (un jour par semaine).

Gestion active de l’emploi : mobilité interne et sauvegarde d’emploi

Loic Mahé - ex ThalèsOutre l’autonomie, l’innovation sociale sert aussi plus directement la sauvegarde d’emploi : alors que les métiers se transforment sans cesse, au risque de rendre obsolètes les compétences des collaborateurs, comment anticiper au mieux les besoins en formations qui en découlent ? Et comment réconcilier le temps long de la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et le temps court de l’entreprise ? Loic Mahé, ancien DRH du groupe Thalès, évoque la Gestion active de l’emploi (GAE) à l’oeuvre dans une grande entreprise qui connait bien la transformation, notamment technologique, des métiers.

Cette démarche innovante d’accompagnement de l’évolution des métiers se pose comme une alternative aux plans sociaux et s’appuie sur un dialogue social performant. Le premier accord, signé en 2010 à l’unanimité, a été reconduit les deux années suivantes. Sur une période de douze mois, la GAE crée un appui à la mobilité, sur la base du volontariat, à des salariés appartenant à des secteurs en sureffectif, en leur transférant des compétences qui seront utilisables dans des secteurs identifiés eux comme étant en sous-effectifs.

Cela nécessite d’identifier en amont le périmètre de ce jeu d’adaptation, en conciliant :

  • l’approche par les compétences : quels métiers disparaissent ?, de quelles compétences aura-t-on de plus en plus besoin ?
  • et l’approche par activité : sur quelles activités le groupe est-il amené à reculer/à se développer ?

Ce jeu de mobilité avant tout interne, et fonctionnelle bien plus que géographique, a accouché sur de véritables reconversions professionnelles, grâce à une mobilisation suffisante des structures de formation autour de cet ajustement des nouveaux besoins en compétences. Résultat : aucun départ sec malgré la disparition de près de 1 200 emplois…  Et si la GAE fait figure d’innovation, sans existence dans le droit du travail, la réforme du marché du travail fournit quelques nouveaux instruments de mobilité (ici interne), souligne Franck Morel (Barthélémy Avocats)…

Transitions professionnelles : « droits de retour » et entreprise étendue

Philippe Dorge - PSALa « mobilité professionnelle volontaire sécurisée » fait partie de ces nouveaux outils. En sécurisant davantage et en déployant un dispositif déjà existant, la réforme du marché du travail a ouvert la voie à une gestion innovante de la mobilité, cette fois externe : au-delà d’une gestion prospective permettant d’identifier des métiers « en tension » (qui recrutent) ou « sensibles », et de cellules de veille visant à pérenniser les emplois disponibles, PSA a mis en place des plateformes régionales de mobilité sécurisée. Celles-ci, explique Philippe Dorge (photo), DRH du groupe PSA Peugeot-Citroën, crée des périodes de mobilité d’un an renouvelable, avec à son terme un droit de retour à PSA voire une compensation salariale.

A cette réponse en forme de recherche permanente de l’adéquation des compétences, il faut ajouter les contrats de transition professionnelle, signés avec de grandes entreprises partenaires (SNCF, Aéroports de Paris, la RATP) et qui constituent des hubs, des passerelles sécurisées sur des métiers identifiés fragilisés a priori.

Il faut que « les DRH et entreprises, elles aussi, travaillent autrement », enchérit Philippe Vivien. L’ex-DRH d’Areva souligne l’importance des liens entre grandes et petites entreprises cohabitant sur le même bassin d’emploi : les sites d’Areva fonctionnent ainsi en entreprise étendue (voir aussi l’exemple d’Airbus en région toulousaine), en étroite relation avec ses sous-traitants et les PME locales, via notamment des bourses de l’emploi et de l’apprentissage. Appuyant la vision également portée par McDonald’s, Philippe Vivien refuse toute guerre des talents : « Ce n’est pas la rétention qui fait la performance, c’est le développement des compétences ».

Ce jeu gagnant-gagnant de perméabilité entre entreprises, y compris de métiers différents, ne concerne pas que les « compétences transversales » ; les compétences pointues sont aussi concernées… à condition de porter le changement en interne, et de donner à la formation les moyens de ses ambitions…

> Lire : Pass’ Compétences – Pour faire grandir les PME, des grands groupes leur prêtent un senior

L’étude européenne de la Fondation ITG
sur les nouvelles formes d’emploi

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