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Entreprise-Territoire

Émilie Bourdu : « S’ouvrir à son territoire, un moyen de résoudre les problématiques de compétences »

Industrie jardinière du territoire
Cliquer pour accéder à l’étude sur le site de La Fabrique de l’industrie

Pourquoi une entreprise devrait-elle aujourd’hui investir, comme vous le suggérez, dans « les ressources humaines de son territoire » ?

Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre industrielle, s’ouvrir à son territoire permet de diversifier son « vivier », via des personnes qui se trouvent dans l’écosystème local notamment les jeunes, les personnes peu qualifiées ou les demandeurs d’emploi.

C’est plus généralement une bonne façon de se développer via un meilleur accès au capital humain. C’est un enjeu vital dans la stratégie des entreprises qui, nous l’avons constaté dans l’industrie, ont de plus en plus besoin de personnels qualifiés, et à tous les niveaux, ouvriers, techniciens, cadres et ingénieurs. C’est notamment un bon moyen de se redéployer et d’accéder à de nouveaux marchés tout en permettant à ses salariés d’assurer la transition, en retrouvant un poste en interne mais aussi un emploi hors l’entreprise, auprès de partenaires.

C’est enfin essentiel dans l’optique de mieux connaître l’ensemble des acteurs de la formation et de l’emploi, notamment publics, qui se sont de plus en plus déployés dans une logique territoriale. Et ainsi de collaborer avec ses acteurs dans des projets liés aux compétences, que l’on ne pourrait pas construire seuls.

> Lire aussi Entreprises : 20 000 lieues sur leurs terres

« Les actions locales impliquant des entreprises sont rarement menées seul »

Les difficultés de recrutement, constatées par environ un tiers des employeurs, invitent-elles particulièrement les entreprises à s’ouvrir sur leurs territoires ? 

Tout-à-fait. Les difficultés de recrutement signifient qu’en interne, l’entreprise n’arrive pas à combler un besoin. Et c’est vrai pour les grandes entreprises, qui n’arrivent pas nécessairement à attirer tous les salariés dont elles auraient besoin !

S’ouvrir à son territoire permet de rencontrer des acteurs, publics, mais aussi privés, afin d’obtenir des financements pour des formations ou pour entrer dans des logiques de mutualisation. Une des illustrations de ces logiques de mutualisation sont les Groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ), qui recrutent – après les avoir formé à leurs métiers – des personnes éloignées de l’emploi. Les acteurs situés dans l’environnement proche des entreprises ont des idées, des compétences et des financements qui peuvent leur être utiles.

GTEC - L'entreprise sur son territoire
Les objectifs potentiels d’une démarche territorialisée de gestion des compétences (La Fabrique de l’industrie)

L’entreprise « jardinière de son territoire », c’est une entreprise en réseau ?

Sur des questions d’innovation ou de gestion des compétences, l’entreprise peut être « jardinière de son territoire », c’est-à-dire interagir avec des membres de son écosystème local, notamment à un moment de crise, face à une difficulté bien particulière. Certaines choisissent par exemple de collaborer ponctuellement avec Pôle emploi pour lancer des démarches de recrutement par simulation.

De grandes entreprises vont plus loin et mènent de vraies politiques de développement local en interne. C’est le cas par exemple de Thalès qui, sur le sujet de l’alternance, travaille avec sa filière Géris, dédiée à l’action territoriale [et qui serait par ailleurs à l’origine de « 3.500 créations d’emploi depuis 2008 dans plus de 500 PME », ndlr]. Thalès, n’ayant pas la possibilité de recruter tous ses alternants et ayant la connaissance des besoins en compétences des nombreuses PME avec lesquelles elle travaille, a ainsi construit des « parcours partagés d’apprentissage », qui peuvent aller jusqu’à une embauche conjointe de l’alternant, par la PME et par Thalès.

« Certaines entreprises mènent de véritables politiques de développement local »

Vous parlez également de l' »empreinte territoriale » d’une entreprise…

C’est une notion aussi utilisée par Géris pour mesurer l’impact, dans le tissu économique local, de la présence de chacun des établissements. Différentes dimensions sont observées : la formation, l’emploi/mobilité ou encore la R&D ou la qualité de vie. L’idée est de prendre conscience de son impact, en tant qu’entreprise, sur le territoire, et d’y répondre via des démarches appropriées, qui servent autant l’écosystème que l’entreprise. Les grandes entreprises industrielles implantées dans un territoire ont évidemment un impact très conséquent sur l’emploi dans un bassin donné, mais les PME aussi, via leur participation au dynamisme d’un territoire.

Empreinte territoriale - Thalès
En gris foncé, l’empreinte actuelle d’un site Thalès ; en jaune, l’objectif (La Fabrique de l’industrie)

Cela demande d’anticiper et de penser long terme…

Ce que l’on observe sur le terrain, ce sont en fait plutôt des stratégies territorialisées qui se mettent en œuvre via une réaction « à chaud », à un instant t : le déclencheur, cela reste des moments critiques, pour faire face à des volumes de recrutement exceptionnellement importants ou à l’inverse à des plans de restructuration. Les stratégies de long terme se mettent souvent en place après ces réactions à chaud, une fois que les entreprises se les approprient et distinguent mieux la nécessité d’anticiper.

> Lire aussi GPEC, GTEC : les territoires déjà en marche pour l’emploi et la compétitivité

« Tous les jours, des acteurs travaillent en bonne intelligence »

Quid des démarches territorialisées de GPEC, la Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, qui a vocation à amener de la capacité d’anticipation en même qu’une ouverture à son écosystème local ?

Les démarches de « GTEC », Gestion territoriale de l’emploi et des compétences, sont parfois jugées complexes à mettre en œuvre. Elles peuvent être remises en cause par des éléments de contexte perturbateurs tels que les moments de crise économique. L’anticipation de ses besoins en compétences, cela reste en fait toujours très difficile pour une entreprise. Et ces informations, souvent stratégiques, ne circulent pas toujours très facilement.

Mais on le voit bien, ce ne sont pas des raisons suffisantes pour ne pas entrer dans des logiques d’anticipation… quitte à n’avoir que des grandes tendances. Les logiques de filière, où les acteurs ont besoin les uns des autres, facilitent ce type de démarches : à l’évidence elles y sont plus fréquentes que dans des tissus économiques plus concurrentiels et plus hétérogènes…

> Lire aussi Intelligence économique, filières, partenariats multi-niveaux : les entreprises ont du réseau

C’est une bonne nouvelle, néanmoins, de voir fleurir des exemples de parcours de compétences « co-construits » ? 

On ne connaît en tout cas pas nécessairement toutes ces démarches lancées par les entreprises sur leur territoire. C’était l’un des buts de ce rapport, qui évoque notamment dans le détail plusieurs cas de partenariats public/privé : Schneider Electric et le service public de l’emploi sur l’opération « 100 chances 100 emplois », le cas de la branche plasturgie en Rhône-Alpes ou de la métallurgie qui soutient le développement de nombreux GEIQ en France… Tous les jours, des acteurs travaillent en bonne intelligence !

> Ces cas à retrouver dans l’étude de la Fabrique de l’industrie :

> La présentation de l’étude :

> Comment résoudre les difficultés de recrutement dans l’industrie :

Crédit image lawmurray/flickr (licence CC)
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