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Territoires

Entreprises : vingt mille lieues sur leurs terres

« Revisiter la carte du monde ». Le dernier exercice de prospective de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris Île-de-France appelait les entreprises à se poser en « nouveaux explorateurs » et à redessiner leur vision du monde : non plus un planisphère centré sur l’Europe, les Etats-Unis ou la Chine, mais une carte en réseaux, où les lieux importent autant que les connexions qui les relient.

A la recherche de « l’effet local »

[encadre]Et quand l’international et le global ne sont pas accessibles – comme c’est le cas pour de trop nombreuses PME -, le développement économique local peut constituer bien plus qu’une issue de secours pour les entreprises. Une récente étude de la Caisse des Dépôts et de l’Assemblée des Communautés de France, auto-présentée comme un « plaidoyer en faveur d’une action locale fondée sur les réseaux d’entreprises », a étudié la réussite de ces « écosystèmes locaux de croissance ». 

Leur conclusion : il y a bel et bien des spécificités territoriales, cet « effet local » qui explique qu’à environnement égal, une ville crée plus d’emplois qu’une autre, voisine. Produit de la rencontre entre les entreprises et des « ambiances locales », les dynamiques territoriales s’appuient dans une large mesure sur les réseaux :

  • entre les entreprises : partage de compétences, coopération PME-grands groupes (la fameuse « entreprise étendue »), écosystèmes collaboratifs intégrés (les clusters ou grappes d’entreprises ; deux exemples parmi d’autres (200 en France), cités par l’AdCF : RMVO en Île-de-France, Eco-Energies en Rhône-Alpes) ;
  • entre l’entreprise et son territoire : des échanges denses et structurés avec les différentes couches du mille-feuille territorial, notamment les régions, et ses acteurs (usagers, universités, financements).

> Lire : Intelligence économique, filières, partenariats multi-niveaux : les entreprises ont du réseau

Des Silicon Valley à la française (ou pas)

Les réseaux s’organisent. Début octobre, les premiers « French Clusters Days » se sont tenus à Lille, sous le parrainage de la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq. « Mutualiser les moyens pour les PME qui sont motivées par l’innovation porteuse d’internationalisation » : ces « armes anti-crise » visent à remplir la mission officielle des pôles de compétitivité, dont la phase 3 lancée début 2013 met l’accent sur les débouchés sur l’économie réelle et sur l’emploi.

Carte de France des pôles de compétitivité
Carte Les Echos

> Lire : Les pôles de compétitivité : usines à emploi

Toutes les entreprises sont à la recherche du « chaînon manquant » dans leur « parcours de croissance », note le directeur général du pôle de compétitivité Pégase, membre du « réseau des réseaux » France Clusters. Et pour entrer dans une dynamique de croissance riche en création d’emplois, ce petit quelque chose se trouve… via le réseau. Faut-il pour autant faire fleurir des Silicon Valley en France ? Pour Xavier Roy, directeur de France Clusters, la France idéale ne devrait pas s’entêter à copier le modèle grandeur nature de la Bay Area, mais se concentrer sur « quelques domaines d’excellence privilégiés » et bâtir sur l’ensemble du territoire « un réseau dense d’entreprises connectées, développant des habitudes de coopération, capables de réactivité », informées et au fait des innovations. Un écho à une préoccupation croissante : y aurait-il trop d’écosystèmes d’innovation en France ?

Plus loin, plus près : vers une « politique territoriale de l’entreprise » ?

L’Institut de l’entreprise, qui a formulé des propositions pour « faire émerger des Silicon Valley françaises » (pdf), ne dit finalement pas autre chose en recommandant de « réduire le nombre de pôles et les concentrer sur les secteurs à plus fort potentiel ». Aller plus loin vers une économie en phase avec ses territoires, c’est ainsi jouer la proximité. Et pour améliorer la performance des pôles de compétitivité, le même rapport préconise d’« accroître le rôle des grandes entreprises », elles qui représentent plus du tiers de la valeur ajoutée de l’économie française et plus de la moitié des exportations.

A l’image du vaste plan « innovation » mis en place par la région Rhône-Alpes, qui cible grands groupes et PME, toutes les entreprises sont concernées par la compétitivité des écosystèmes locaux. C’est même cet objectif qui doit ressouder le lien entreprises-territoires, jusque-là marqué par une dommageable « ignorance mutuelle ».

> A lire : Emploi et compétitivité : les territoires n’attendent pas la loi « décentralisation »

Les quinze propositions du dernier rapport de l’Institut de l’entreprise visent à dépasser la « recomposition de la géographie économique française » pour passer d’une logique de décentralisation imparfaite à une appropriation par les entreprises d’une authentique stratégie de territoire. D’où trois recommandations directement à destination de l’organisation des entreprises :

  • faire des territoires un enjeu de direction générale, au niveau groupe ;
  • associer à la politique territoriale d’autres fonctions de l’entreprise, au-delà de la R&D, notamment les départements innovation, le marketing et les achats ;
  • renouveler l’engagement citoyen de l’entreprise en cohérence avec les « buts de guerre » des territoires et créer des fonds d’investissement à vocation territoriale.

Prêts, partez… du territoire

Une révolution stratégique ? L’action publique s’apprête elle aussi à prendre le virage « territoire ». Alors que les experts appellent les entreprises à anticiper leurs besoins en compétence (GPEC) non plus à leur échelle, mais à celle du bassin d’emploi, les politiques de l’emploi, elles aussi, se « territorialisent ». Entendre : prennent pour point de départ de leur action le territoire.

Carte interactive - chômage 2003-2013

> Lire : 10 cartes à connaître pour comprendre la situation de l’emploi en France

C’est l’orientation donnée par le récent rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS), qui évalue les imperfections actuelles et en appelle à l’avènement d’une authentique « politique régionale de l’emploi ». 

Avant l’acte III du vaste projet de décentralisation, la réforme de la formation professionnelle sera l’occasion, dès 2013, de déplacer les politiques de l’emploi dans les territoires : en donnant un rôle accru aux régions voire, comme le demande l’Association des Régions de France, en créant un « Pass régional première qualification ».

Une première illustration ? Le « plan de formations prioritaires pour l’emploi » (qui vise à former 100 000 candidats, dont 30 000 avant la fin de l’année, pour pourvoir les trop nombreux emplois « vacants ») est « parti » du besoin des entreprises… et d’un recensement territorialisé pour faire coïncider l’offre et la demande d’emploi. Avec le mouvement « Horizon 2015 » de Pôle emploi vers une action davantage localisée, la création – enfin ! – de l’agence France locale et donc le renforcement amorcé du lien « entreprise-territoires », n’assisterait-on pas à une révolution ?

 

> Crédit image : B.Romain/Flickr (licence CC)
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