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Accord formation professionnelle : les 4 partis pris qui dessinent une révolution

Parmi les difficultés auxquelles devaient se confronter la réforme, Martin Richer, consultant en RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), pointait le manque d’investissement de la France dans son « capital humain », un handicap pour sa compétitivité qui naît de la « sous-estimation de l’impact de l’employabilité » des individus sur la performance de ses entreprises. La formation professionnelle : un « sujet sur lequel les intérêts des individus, des entreprises et du pays sont convergents », et qui « mérite une vraie réforme ».

Une « grande réforme » ? Cinq avancées majeures

Au-delà du différend sur une partie du financement du compte personnel de formation (CPF), une quasi unanimité a suivi l’annonce de la signature, au moins de la part des négociateurs : du Medef à Force Ouvrière, mais probablement sans passer par la CGPME ni la CGT. Il s’agit même d’une « grande réforme » pour le gouvernement, selon qui le texte « jette les bases d’une réforme en profondeur du paysage de la formation professionnelle dans notre pays », avec cinq avancées majeures :

  • Un meilleur ciblage de l’accès à la formation, vers « les demandeurs d’emploi et les salariés les plus fragiles, car les moins qualifiés », avec un effort porté sur les salariés des petites entreprises (voir notamment l’article 37 à la fin de ce billet). Au total, 900 millions d’euros seront consacrés chaque année à pour la formation des demandeurs d’emploi, contre environ 600 millions aujourd’hui.
  • [encadre]La création attendue du compte personnel de formation (CPF) : « Chaque salarié disposera à partir de 2015 d’un véritable accès à une formation qualifiante qui lui permettra de progresser dans son emploi et sa carrière ». Principale nouveauté, ce compte sera « portable tout au long de la vie professionnelle », et pourra être « alimenté jusqu’à 150 heures (+30% par rapport au DIF) ».
  • L’allègement des contraintes et la simplification de la mise en oeuvre pour les entreprises : fin de l’obligation légale contraignante du « 0,9% » (0,9% de la masse salariale devait jusque-là obligatoirement être dépensée dans un plan de formation ; dépenses en réalité à 2,7% en moyenne) et création d’un « 1 % formation » pour des contributions à hauteur de 1% de la masse salariale (0,7% aujourd’hui) sur des dispositifs mutualisés, type CPF ;
  • Le renforcement du dialogue social dans les entreprises, avec « la possibilité de négocier les objectifs du plan de formation, ainsi que les abondements du compte personnel de formation des salariés (davantage d’heures pour les moins qualifiés, etc.) » ;
  • La simplification des principes de collecte et de gestion des crédits, pensée pour alléger les coûts de gestion, et la déconnexion entre le financement de la formation et financement des organisations patronales et syndicales.

signature

Les quatre piliers de la formation de demain

Le texte en lui-même s’appuie sur un certain nombre de partis pris, qui dessinent l’esprit de la réforme… et le visage de la formation professionnelle de demain.

1- Le développement des compétences, pour l’évolution professionnelle des salariés ET la compétitivité des entreprises

Premier présupposé de la réforme, qui place la relation formation/emploi au cœur de la politique économique : « Le niveau et l’évolution des compétences des salariés sont un levier déterminant de la compétitivité des entreprises ». Face au risque accru de l’obsolescence des compétences des salariés et à l’ère du changement permanent – pour les entreprises comme pour les parcours professionnels individuels -, l’accompagnement de l’évolution des compétences devient un pilier de la logique de formation, avec l’obligation d’un entretien professionnel, « au moins tous les deux ans ».

Celui-ci permettra d’éventuellement mettre en lumière des failles (aucun bénéfice du salarié en termes de formation, salaire ou évolution professionnelle, VAE, etc.), directement répercutées sur l’accès du salarié à la formation – des heures supplémentaires sur le nouveau compte personnel. L’acquisition de nouvelles compétences et les actions de formation menées par le salarié doivent également « donner lieu à une reconnaissance par l’entreprise« , celle-ci étant « un levier d’implication pour le salarié », donc de compétitivité pour l’entreprise.

2- Une offre de formation pensée en fonction des besoins réels… et latents des entreprises

Point moins commenté mais pourtant crucial, le texte renforce de manière substantielle le rôle des branches professionnelles, en leur confiant des « missions d’appui » qui redéfinissent la logique de formation : de manière plus globale que la seule gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) au niveau de l’entreprise, c’est toute l’offre de formation qui est amenée à être définie en fonction de l’anticipation de l’évolution des métiers, pour rapprocher la formation des réels besoins en compétences des entreprises et se préparer à mieux « coller » aux « évolutions du marché et aux contraintes des entreprises ». Pour cela, et au-delà d’un rôle accru en terme d’élaboration et de suivi du plan de formation, les branches devront en particulier :

  • « Se doter d’un Observatoire paritaire Prospectif des Métiers des Qualifications et des Compétences (OPMQC)« , chargé de dresser un portrait des effectifs de la branche concernée, mais aussi d’« anticiper les évolutions qualitatives et quantitatives de l’emploi de la branche ; d’identifier les métiers et compétences clés nécessaires au développement des entreprises de la branche et les métiers à forte évolution potentielle […] et de mener tous travaux d’analyse et d’étude nécessaires à la mise en œuvre d’une GPEC ». On est ici proche de l’Observatoire TEC récemment créé par le Medef.
  • Construire, sur cette base, « un service ce proximité auprès des entreprises et en particulier des TPE/PME ».

Une évolution déjà perceptible lors de la conférence sociale, en juin dernier, avec le lancement du « plan de formations prioritaires pour l’emploi »pensé en fonction de la demande et des besoins exprimés par les entreprises pour lutter contre le phénomène des emplois non pourvus.

Outre l’identification de métiers dits « en tension », cette logique de besoins nécessite une approche géographique plus resserrée. Ainsi du développement souhaité de la dimension territoriale de la GPEC (une authentique GTEC ?) et du « conseil en évolution professionnelle », nouveau droit du salarié « de son entrée sur le marché du travail et jusqu’à son départ en retraite », qui devra « garantir un maillage territorial » suffisant pour proposer une « information complète sur les possibilités de formation existante au niveau régional, si possible par bassin d’emploi » (voire aussi le titre « Gouvernance » de l’accord, qui prévoit une « stratégie concertée » entre les différents niveaux d’acteurs en termes d’« anticipation des besoins en emploi et en compétences »).

TEC-Medef
L’observatoire Tendance Emploi Compétence du Medef

3 – Le CPF : sécuriser les personnes, pas les statuts

Dans la traditionnelle opposition entre la protection des emplois et la protection des individus, la réforme semble avoir tranché :

« Les salariés ne doivent plus perdre leurs droits à la formation quand ils changent d’emploi ou quand ils connaissent une période de chômage. Il faut donc attacher les nouveaux droits à la personne elle-même, et non à son statut. »

« Nous vivons moins une crise de l’emploi qu’une révolution du travail » : au-delà du risque accru de perdre son travail ou de la difficulté – elle aussi accrue – d’en retrouver un, nous vivons dans un nouveau monde du travail. Les parcours y sont plus chaotiques : chacun sera amené à travailler dans un grand nombre d’entreprises différentes, pour des métiers différents requérant de nouvelles compétences, avec des statuts différents (indépendant, salarié à temps partiel, etc.).

La formation n’a jamais eu autant besoin d’être continue et « tout au long de la vie », pour garantir l’employabilité des individus au-delà de leur situation à un instant T. La dimension universelle du CPF (« Tous les salariés et demandeurs d’emploi disposent d’un compte personnel de formation à compter du 1er janvier 2015 ») et la volonté d’« augmenter le nombre de bénéficiaires du Congé Individuel de Formation » répondent à ces besoins. La logique d’individualisation, déjà fondamentalisée en 2003 et 2009 avec l’expression « droit à la formation », poursuit ainsi son oeuvre.

4- Dialogue social : le retour de la confiance dans l’entreprise ?

Le dialogue social est visiblement renforcé ; au-delà de la méthode législative, les négociations au sein de l’entreprise sont encouragées ou prévues tout au long de l’accord, notamment en vue de l’élaboration, de la mise en oeuvre et du suivi du plan de formation.

Portant en soi l’objectif de réinjecter de la confiance au sein de l’entreprise, l’idée est aussi d’« améliorer l’efficacité [de la formation] et son opérationnalité, et faciliter son appropriation par les salariés ». Innovation sociale, dialogue et performance : nouveau trio RH pour 2014 ?

> Le texte de l’accord provisoire 

Accord formation professionnelle
Cliquez pour accéder au texte de l’accord (pdf)

> A lire aussi : La formation professionnelle, ce système « complexe, cloisonné, inégalitaire »

> A lire aussi : Et les seniors ? Les oubliés de la formation professionnelle

> A lire aussi : Li-bé-rez la formation ! Vers la fin du cloisonnement école/travail 

> Crédit image :  bartek miskiewicz/Flickr (licence CC)
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