Dans le contexte d’une ouverture croissante des frontières et de la mondialisation des marchés, le nombre de Français vivant une expérience d’expatriation augmente de 4% par an en moyenne. Aujourd’hui, ils sont environ 2 millions d’expatriés à travers le monde (1,4 étant officiellement recensés par le Ministère des affaires étrangères). 32 % résident en Europe occidentale, 25 % en Asie et en Océanie et 21 % en Amérique (les destinations phares étant la Suisse, les Etats-Unis et le Royaume-Uni).
Alors que cette tendance se développe et qu’un jeune européen sur deux est prêt à travailler à l’étranger, les résultats de l’Observatoire de l’expatriation publiés récemment par l’Institut BVA constituent une source d’information très enrichissante pour mieux connaître les réalités de cette expérience ainsi que le profil de ceux qui la tentent. Il apparaît clairement que l’expatriation constitue un moyen privilégié de développement de la sensibilité interculturelle ainsi que de la capacité d’adaptation –des éléments de plus en plus essentiels à l’époque de la mondialisation et de l’accélération des changements. Néanmoins, l’enquête souligne aussi les lacunes de la valorisation de l’expérience des expatriés par les entreprises.
Le profil des expatriés : plutôt jeune, diplômé, masculin, et ayant déjà été sensibilisé à l’expérience interculturelle
69% des expatriés sont des hommes et appartiennent très majoritairement à des tranches d’âge jeunes : si 26% d’entre eux ont moins de 30 ans, la proportion des plus de 45 ans n’est que de 15% au sein de la population globale.
Quel que soit le stade du projet d’expatriation, le niveau d’études est particulièrement élevé : 99% des interviewés ont un niveau d’études au moins équivalent au Bac. Auprès d’un échantillon national représentatif, cette proportion est de 57%. Près des 3/4 des expatriés (72%) ont même un niveau d’études supérieur ou égal à bac +5.
Les gens déjà sensibilisés à la diversité culturelle sont particulièrement représentés parmi les expatriés. En effet le fait d’être issu d’une famille en contact avec l’étranger ou d’avoir suivi des études à l’étranger favorise l’envie de travailler à l’étranger ; par exemple, presque 40% des personnes qui ont fait le choix de l’expatriation avaient déjà étudié à l’étranger, et une proportion équivalente est issue d’une famille en contact avec l’étranger.
Cette importance de la sensibilité à l’expérience interculturelle explique que les motivations de l’expatriation visent au moins autant l’enrichissement culturel que l’expérience professionnelle.
L’expatriation : un projet personnel et professionnel
D’une manière générale, le projet d’expatriation s’inscrit très clairement dans un cadre familial : 85% des expatriés vivant en couple partiront avec leur conjoint ; 79% des expatriés ayant des enfants partiront avec leurs enfants.
Néanmoins, l’expatriation poursuit avant tout des objectifs professionnels : pour plus de 9 expatriés sur 10, il s’agit d’uneoccasion de progresser professionnellement. Pour presque la même proportion, l’expatriation est aussi une opportunité à saisir et une occasion de s’enrichir culturellement.
Les attentes professionnelles sont fortes, ce que confirme le fait que l’intérêt de contenu du poste et le niveau de responsabilités sont des éléments essentiels des motivations d’expatriation. Comme le souligne l’observatoire, « l’importance de ces attentes et de l’évolution du poste constituera un élément qui contribuera à rendre plus complexe la gestion de carrière de l’expatrié à son retour ». Nous y reviendrons.
Une expérience enrichissante sur tous les plans
L’expérience de l’expatriation ne déçoit pas. Elle semble en effet ne présenter que des effets positifs selon les expatriés en cours d’expatriation :
- Les conditions de vie (logement, confort de vie, conditions de vie des enfants, qualité de vie) sont satisfaisantes pour plus de 4 interviewés sur 5.
- Le constat est similaire en ce qui concerne la vie professionnelle, que ce soit l’intérêt du poste, les conditions de travail ou le niveau de responsabilité.
- Parmi ces critères pour juger la vie professionnelle, la rémunération suscite un taux de satisfaction légèrement en retrait des autres, mais près de 3 interviewés sur 4 en sont néanmoins satisfaits
Les apports professionnels de l’expatriation : adaptation et enrichissement interculturel
Les expatriés ont appris à s’adapter, qualité essentielle dans un monde qui change aussi vite que le nôtre. Par ailleurs, dans la globalisation, les expatriés se retrouvent enrichis d’une meilleure connaissance de leur environnement culturel : près de 8 expatriés de retour d’expatriation sur 10 ont été d’accord avec l’affirmation « le contact avec d’autres cultures m’a amené à remettre en question ma propre culture ».
Au final, les expatriés ont beaucoup appris :
Leur expérience les a profondément enrichis :
- « J’ai le sentiment que beaucoup de choses ont changé en moi » (68% )
- « Après l’expatriation, je ne suis plus tout à fait la même personne » (60%)
Par conséquent, 90% des expatriés au retour souhaiteraient réitérer l’expérience de l’expatriation. C’est l’une des raisons pour lesquelles le retour est généralement difficile : seuls 35% envisageaient de rentrer dans leur pays d’origine, 30% souhaitant rester travailler dans le pays d’expatriation et 35% travailler dans un autre pays. Mais cette raison, ce goût de l’altérité et/ou du voyage développé par l’expatriation, n’est pas la seule cause de difficultés.
Un retour particulièrement difficile en termes professionnels
Toutefois, le retour au pays et la nécessaire réadaptation sont particulièrement difficiles à vivre, surtout pour les expatriés originaires d’Europe de l’Ouest : les entreprises connaissent des difficultés à proposer aux expatriés de retour un poste en adéquation avec leur évolution professionnelle. L’Observatoire relève d’ailleurs que « la tendance à penser que l’expatriation est un tremplin professionnel diminue clairement» une fois l’expatrié revenu au pays.
Le retour d’expatriation nécessite une période de réadaptation perçue comme difficile par 42% des expatriés de retour, en particulier pour les Européens de l’ouest (62%) ; en revanche, les Asiatiques, pour qui l’expatriation a davantage constitué une obligation, sont en revanche quasi unanimes (71%) à estimer que la réadaptation a été facile.
Or, les expatriés ne sont pas aidés par les entreprises : seulement 50% s’attendaient à ces difficultés et 55% déclarent que personne n’avait évoqué avec eux ces difficultés avant leur départ. Ceci illustre la perte du lien avec l’entreprise qui frappe souvent les expatriés à leur retour : près d’un expatrié sur deux (47%) a changé d’entreprise depuis son retour, une proportion qui s’élève à 62% pour les Européens de l’Ouest. Les motifs de la desaffection sont nombreux :
- L’accompagnement par l’entreprise de l’expatrié au retour est jugé de manière plutôt négative : seuls 19% des expatriés originaires d’Europe de l’Ouest estiment que leur entreprise les a aidés dans la démarche de réadaptation (71% pour les Asiatiques).
- Plus particulièrement, l’entreprise prend rarement en compte les souhaits de l’expatrié en termes de poste à son retour (seuls 35% d’avis positifs)
Les principales difficultés ressenties tiennent à la manière de valoriser son expérience internationale dans la structure organisationnelle de l’entreprise et à reconstituer ses réseaux. Ainsi, comme le souligne le Nouvel Economiste, « ces expatriés voient la richesse de leur expérience bien mal exploitée et leurs connaissances acquises sur le terrain absolument pas capitalisées ». En effet, « il y a rarement un accompagnement des managers expatriés par des mentors qui, au siège, les aident à réussir leurs missions, les politiques de formation à tous les aspects de ces séjours comme les dimensions culturelles indispensables à s’approprier sont le plus souvent négligées », déplore Patricia Glasel, directrice de Berlitz (commanditaire de l’Observatoire de l’expatriation).
Sans compter qu’il semble qu’aucune exploitation n’est faite de tout ce que les expatriés ont acquis à l’étranger : aucun transfert de savoir, alors que nous sommes à l’ère du travail collaboratif et du partage de l’intelligence : « personne ne se soucie de formaliser ces connaissances », de les conceptualiser pour ensuite les transmettre » ; ainsi, selon Nouvel Economiste, « tous ces acquis sur le terrain sont en fait perdus, on gaspille le meilleur« .
Une enquête qui ouvre des pistes de réflexions importantes pour les entreprises qui veulent faire de la mobilité un avantage compétitif et non un facteur de dégradation de la performance.
>>> Pour en savoir +
- Télécharger l’Observatoire (pdf).
- Lire l’article du Nouvel Economiste.
- Lire l’article : « Au-delà des expats : pour des managers locaux sur les marchés émergents ».