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Transitions professionnelles : le changement, c’est tout le temps

En France, 40% des actifs occupent un emploi sans rapport avec leur formation initiale, et plus de 50% ont changé au moins une fois d’orientation professionnelle dans leur carrière. En 2012, une étude de l’AFPA(Association pour la formation professionnelle des adultes), dessinait le visage de Français bien moins hostiles aux reconversions qu’on ne le dit souvent. Parmi ceux qui ont changé d’horizon, 55% l’avaient choisi et 64% l’ont vécu comme un moyen d’ « épanouissement professionnel ».

« Le changement dans les entreprises est devenu une donnée permanente »


Avec ces mots prononcés hier lors de sa conférence de presse, le Président de la République annonçait notamment l’agenda de la conférence sociale qui s’ouvrira en juin, où la formation professionnelle occupera une place de choix. Jusqu’à la consécration d’un « droit à l’évolution professionnelle » ? La question a été posée ce même jeudi 16 mai, lors de la dernière conférence de l’Afref (Association française de réflexion et d’échange sur la formation). « Les reconversions ont lieu tout au long de la vie professionnelle », expliquait Louisa Mezreb (groupe FACEM), qui menait les débats.

« Il n’y a plus lieu de parler de reconversion »

Entre les transitions volontaires, subies (à cause d’une spécialisation dans une activité en déclin) ou forcées par des aléas de la vie (accident du travail, maladie…), se dirige-t-on vers un monde où la reconversion sera la norme? Parmi les 45% d’actifs qui n’ont jamais connu de reconversion, un tiers l’envisagent dans les douze mois à venir – en majorité par choix. Et parmi les deux tiers restants, 66% la refusent uniquement par peur de ne pas retrouver un emploi équivalent.

A une époque caractérisée par la vitesse, le mouvement permanent devient caractéristique de la vie des entreprises, « il n’y a plus lieu de parler de reconversion », tranche Louisa Mezreb. La généralisation progressive des reconversions professionnelles incite plutôt à parler d’un marché du travail « fluide », où les mobilités sont monnaie courante :

  • Des années 1960 à la décennie 1990 : « le temps de l’urgence. »
    La reconversion professionnelle est la dernière étape d’une chaîne de conséquences qui voit le marché de travail prendre de plein fouet les effets des mutations industrielles, la conversion des systèmes de production et la transformation des emplois.
  • Les années 1990 et 2000 : « le temps de l’anticipation. »
    Une prise de conscience naissante aboutit à l’ère de la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), avec le double objectif de préparer les salariés en développant leur mobilité et leur « adaptabilité » professionnelle, et d’anticiper les évolutions des emplois de façon à pouvoir ajuster les compétences aux nouvelles exigences des métiers.
  • Le passage des années 2010 : « le temps du transfert de responsabilité. »
    Si les termes de « transition » ou de « mobilité » professionnelles prennent le pas sur celui de reconversion, c’est que le changement est devenue une donne permanente, rendant difficile toute anticipation. Le salarié est responsable de sa propre employabilité, notamment en maintenant et développant son  « portefeuille de compétences ».

L’employabilité : une nouvelle distribution des responsabilités ?

FormationL’enjeu actuel serait celui de cette responsabilisation : comment l’individu peut-il booster son employabilité ? Les employeurs ont leur rôle à jouer, c’est d’ailleurs l’une de leurs responsabilités historiques. Et même en contexte de crise, où leurs yeux sont rivés vers d’autres horizons, ils ne sont pas dégagés de cette responsabilité :

  • L’anticipation reste possible : le bassin d’emploi toulousain, premier de France en termes d’intentions d’embauches, est tiré par un secteur aéronautique fortement marqué par la culture de l’anticipation et la mis en adéquation des formations avec les prévisions de recrutement. Des initiatives comme le Pacte Pen Breizh, initié par ManpowerGroup, développent des formations sur-mesure, en parfaite adéquation avec la réalité du marché du travail car dessinées en fonction des besoins exprimés par les entreprises.
  • Les politiques de développement des compétences et de pérennisation de l’employabilité des salariés font de l’entreprise un acteur de premier plan de l’accompagnement de la mobilité. Les universités d’entreprise (objet de la précédente conférence de l’Afref) ou les solutions intégrées d’externalisation RH peuvent aider les entreprises à déployer des stratégies de long terme, centrées sur les talents.

A l’heure de retracer son expérience de responsable de formation au sein du groupe bancaire Crédit Mutuel-CIC, Francis Collet trace trois grands facteurs de changement :

  • la complexification des tâches : à la fin des années 1980, le ratio de 70% de postes administratifs pour 30% de commerciaux a dû être inversé ;
  • la mondialisation, qui implique de changer d’échelle : en France, la structure atomisée de la couverture du territoire français par de multiples petites agences bancaires devient de moins en moins supportable face à une concurrence qui oblige à des économies d’échelle ;
  • l’accélération du changement technologique ouvre de nouveaux marchés et pousse l’évolution constante des compétences.

La Génération Y transforme les entreprisesLa génération Y inscrit encore plus le changement dans les moeurs des entreprises : mus par la quête du sens dans le travail, et rejetant le cloisonnement vie professionnelle/vie privée, les plus jeunes sont amenés à connaître une mobilité professionnelle inédite jusqu’ici. Francis Collet évoque le temps – révolu ? – où « certains employés ne voulaient pas changer de ligne de bus » : la mobilité devient normale, elle est aujourd’hui au coeur des enjeux de formation car elle doit être accompagnée pour être aussi choisie que possible.

Adressé à des publics extrêmement variés, l’accompagnement est protéiforme : réponses individualisées (tutorat, e-learning, rendez-vous personnalisés), bilans de compétences, suivis psychologiques de réorientation, sensibilisation et accompagnement à l’entrepreneuriat, programmes visant à « apprendre à apprendre », formations métiers… Plus globalement, le changement permanent implique encore plus qu’avant de développer une « formation tout au long de la vie » : ont même été évoquées des grilles de compétences… dès la crèche !

La bonne personne aux bonnes places

magritte_porteMais attention au vocabulaire : Louisa Mezreb relève que le « management des talents » prend de plus en plus le pas sur « le management des compétences ». Simple glissement sémantique ? « Les compétences sont obsolètes, mais les talents sont faits pour perdurer », oppose-t-elle : contrairement à l’obsolescence programmée de nos compétences, accélérée par les mutations technologiques mais aussi par des structures (organisations, société…) de plus en plus mouvantes, la notion de « talent » l’objectif de pérennité et le souci de l’employabilité. Les employeurs, en s’engageant à développer les talents, « cessent de se focaliser sur les exigences des emplois pour s’intéresser aux talents détenus par les personnes ».

C’est là tout l’enjeu des compétences transversales (ou transférables) : en identifiant le potentiel des talents, les employeurs peuvent envisager de mettre la bonne personne non plus à la bonne place mais « aux bonnes places ». Les objectifs : valoriser la complémentarité, libérer les initiatives et générer de la co-création de valeur. La notion de compétence incluait de prendre en compte les aptitudes des employés dans leur environnement, en situation ; celle de talent couronne le savoir-être et les soft skills : les Hommes, derrière les compétences.

> Image de « une » issue du flickstream de lord enfield
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