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Quand l’excellence est un tremplin vers l’emploi : le tourisme en Île-de-France

Pour l’économie francilienne, capter les recettes à venir du tourisme mondial et optimiser ses retombées économiques est un enjeu majeur. Sur le front de l’emploi, il est décisif. Mais le défi ne pourra être relevé que si des solutions nouvelles sont définies pour faire face aux immenses difficultés de recrutement du secteur. C’est aussi l’insertion des jeunes les plus fragiles qui est en jeu.

 

« L’activité touristique, en croissance continue depuis plusieurs décennies et pourvoyeuse d’emplois non délocalisables, constitue un atout majeur pour le développement économique (…) de la région », souligne la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) dans son rapport. Le tourisme est même identifié comme l’une des principales sources de revenus régionales pour les années à venir. Premières cibles, les nouvelles masses de touristes venus des pays émergents, dont les clientèles du Proche et Moyen-Orient (près de 40% d’augmentation des nuitées passées en Île-de-France depuis 2007) et de Chine, nouveau concurrent de nos maisons de luxe mais pourvoyeurs de nombreux « globe shoppers ».

Recettes tourisme international - France en baisse

500 000 postes non pourvus dans le tourisme

La tendance n’est pas bonne. En France, le solde de la balance touristique des paiements a baissé de 33% entre 2000 et 2011, et les recettes progressent moins vite que chez nos voisins espagnol, allemand ou suisse – pour ne citer qu’eux.

Sylvia PinelPour lutter contre cette érosion et redresser la barre à un moment stratégique où le marché s’est véritablement mondialisé, la ministre du Tourisme Sylvia Pinel a fixé trois priorités, parmi lesquelles figure la nécessité d’ « améliorer la qualité de l’offre touristique ». Pour ce faire, elle souhaite tout particulièrement « combler 500 000 postes non pourvus dans la filière touristique et (…) renforcer l’attractivité du secteur et de ses formations auprès des jeunes, pour tous les niveaux de qualification. »

Dans tous les secteurs, de nombreux postes apparemment accessibles à la plupart des demandeurs d’emploi restent non pourvus faute de candidats. C’est particulièrement le cas dans les services, notamment liés au tourisme, l’enquête « Besoins en main d’œuvre » de Pôle emploi Île-de-France le montre bien.
Projets de recrutement 2012 en IDF L’année dernière, les métiers de la vente, du tourisme et des services représentaient plus du tiers (37%) des profils recherchés dans la région ; dans le même temps, les services ont été le seul secteur pour lequel la proportion de recrutements « difficiles » a augmenté (+2,9 points, à 37,1%).

La tension est forte, et ce sont de nombreux emplois qui se perdent : alors que l’hébergement-restauration représente le 3ème plus gros volume de projets de recrutements et que le tourisme francilien faisait partie des plus dynamiques en termes d’intention d’embauche en 2012, Pôle emploi souligne que, au niveau national, « de nombreux recruteurs potentiels s’estiment sans recours face aux difficultés de recrutement : plus d’un tiers d’entre eux préfèrent différer l’embauche ». Ces employeurs sont principalement des TPE-PME, qui constituent la grande majorité du secteur du tourisme…

Un gâchis pour l’emploi des jeunes les plus fragiles

Insertion dans l'hôtellerie-restauration

Cette situation sous-optimale est particulièrement difficile à accepter quand on connaît le potentiel d’insertion des métiers du tourisme. Parmi les quinze métiers qui ont enregistré les plus fortes hausses en termes de projets de recrutement en Île-de-France en 2012, on trouve les aides, apprentis et employés polyvalents de cuisine ainsi que les serveurs de cafés ou de restaurants. Or, ces deux catégories figurent également parmi les quinze métiers rassemblant le plus grand nombre de difficultés. 36% des projets de recrutements de serveurs de cafés ou de restaurants – des postes pourtant accessibles à tous, ou presque – étaient jugés difficiles par les employeurs du secteur.

Les 10 profils les plus recherchés en Ile-de-France

Qui est coupable ? Pour certains, le manque de motivation et de compétences des candidats serait à l’origine de cette inadéquation ; pour d’autres, ces emplois ne seraient pas suffisamment rémunérés et reconnus pour attirer des candidats. La vérité se situe quelque part entre ces deux extrémités, explique la spécialiste Valérie Dufour :

  • Pour les employeurs, « il y a une inadéquation entre les compétences qu’ils recherchent et les formations. Les jeunes qui sortent des écoles seraient moins fiables qu’auparavant, ne savent plus écrire, manquent de culture générale, n’ont pas le goût de l’effort des générations précédentes. » Résultat, le turn-over est très important dans le secteur.

Valérie Dufour

  • « Pour les étudiants et les demandeurs d’emploi, trouver un emploi est un vrai parcours du combattant. Ils sont très mal orientés (…), ne connaissent pas les sources de contacts d’entreprises du tourisme comme le SNAV (organisation nationale des professionnels du voyage), l’ANAE etc, ont une vision réduite de l’ensemble des métiers proposé par les acteurs de l’industrie du tourisme. Ils veulent tous faire du marketing ou être chef de produit et voyager ! Seuls les trentenaires expérimentés de la profession ont le vent en poupe en ce moment, les jeunes débutants (…) ont beaucoup de difficultés à s’insérer dans l’industrie. J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de contrats en alternance sur le marché avec des jeunes perdus dans leur recherche, j’ai souvent au téléphone des étudiants et candidats perdus et découragés par la jungle des formations proposées, ne savent quoi faire après un BTS Tourisme. »

Le résultat de cette inadéquation, c’est que de plus en plus de postes sont occupés par des diplômés, alors qu’ils pourraient bénéficier aux jeunes les plus défavorisés. Surtout dans un secteur – l’hôtellerie-restauration – où, une fois en poste, il est fréquent que l’on exerce des responsabilités supérieures à son niveau de qualification.

Déclassement-surclassement

Faire rencontrer l’offre et la demande

Que faire ? Le Conseil national du tourisme, inquiet – lui aussi – de « la détérioration des retombées économiques de la destination France », juge essentiel de promouvoir les métiers du tourisme et de définir de nouvelles solutions de formation et d’accompagnement dans l’hôtellerie et la restauration. Il suggère notamment de mieux faire connaître les perspectives d’emploi du secteur lors d’ « Assises de l’emploi, du tourisme et des loisirs » et de mettre en place des « Rendez-vous de l’emploi, du tourisme et des loisirs » qui permettraient aux entreprises d’entrer directement « en contact avec les demandeurs d’emplois et les étudiants de dernière année de formation ».

FAFIH_Hotellerie-Restauration en IDF-2010La rénovation du Bac Pro “Restauration” devrait améliorer la situation, mais cela ne suffira pas. L’étude menée en 2010 par l’Observatoire de l’hôtellerie et de la restauration relève un certain nombre de difficultés à résoudre :

  • La localisation des formations est problématique, surtout pour les apprentis : contraintes de transports et durée des trajets entre leurs lieux de résidence, de formation et de travail. Par ailleurs, « le coût des logements à proximité des lieux d’activité pèse également, tant pour les apprentis que pour les élèves ou les jeunes professionnels à l’issue de leur formation, lorsqu’ils souhaitent s’insérer professionnellement. »
  • Surtout, l’Observatoire souligne la « faiblesse extrême de l’offre destinée aux métiers de l’hébergement. Bien que figurant parmi les premières destinations touristiques mondiales, l’Île-de-France ne dispose pas – hormis pour une part des BTS – de capacités de formation en ce domaine. L’essentiel des formations est tourné vers les métiers de la restauration traditionnelle. »

Parce que la montée en gamme du tourisme à Paris pourrait être un gisement d’emploi, il faut définir des solutions pertinentes à cette « Grande Inadéquation ». Ce sujet sera au cœur du débat organisé ce mardi 26 février par la Fondation ManpowerGroup pour l’emploi à la mairie du 18ème arrondissement de Paris.

 

EDIT 28/02 – Le débat : « Emploi dans le tourisme à Paris : l’intelligence sociale pour gagner la bataille des batailles »

La Cour du Louvre

>>> Pour en savoir +

 

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