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Jeunes – Voyage au pays de la débrouille

Ces « emplois aidés » que sont les contrats d’avenir concerneront très majoritairement conclus dans les administrations et associations et s’adresseront en priorité aux jeunes sans diplôme issus des « zones urbaines sensibles » (ZUS), qui semblent condamnés au chômage alors que l’économie ne crée pas d’emplois actuellement. Une enquête du Céreq vient dévoiler une réalité plus ensoleillée, celle de jeunes de l’Est-Var qui ont eux aussi quitté l’école sans décrocher le bac. Ce voyage au pays de la débrouille bouscule bien des idées reçues.


Au coeur de l’été, le Gouvernement annonçait une hausse de 3% du budget de l’emploi – spectaculaire en temps de crise. Priorité : lutter contre le chômage des jeunes non qualifiés en créant 100 000 « contrats d’avenir ». La grande majorité de ces contrats seront conclus dans les administrations et les associations – c’est une tradition partagée par la gauche comme la droite en France.
Dans la Machine à trier qu’est notre pays, ceux qui quittent le système éducatif tôt sont-ils aujourd’hui perdus pour le travail au point que des contrats aidés hors de l’économie seraient le seul moyen de les raccrocher à la vie active ? Quand on n’a pas le baccalauréat en poche, chercher à gagner sa vie le plus vite possible est-il un rêve envoyant tout droit vers des années de « galère » ? Discrètement parue en juillet, l’enquête du Céreq sur les jeunes inscrits à la Maison de l’emploi de l’Est-Var vient donner un éclairage très concret à la question. Elle remet en cause bien des idées reçues – parisiennes notamment.

Arrêter l’école et « gagner ses propres sous »

Âgés de moins 22 ans, ils ont arrêté l’école avant le bac pour de multiples raisons. Première d’entre elles : l’envie d’être indépendants sur le plan financier, et vite. Ce « choix » paraît aussi une nécessité poussée par la difficulté et le coût de la mobilité dans la région. Isabelle Fotia, chargée de mission au sein de la Maison de l’emploi de l’Est-Var, décrypte pour l’Atelier de l’Emploi :

« Quand vous vivez à Marseille et que vous voulez poursuivre des études supérieures, c’est assez simple : vous prenez le métro. Mais ici, tout est plus compliqué. En somme, faire des études, c’est un investissement que peu de jeunes peuvent se permettre. Ajoutez à cela des familles bien moins riches qu’au niveau régional : les jeunes dont nous parlons voient donc le travail comme une clé de sortie, un moyen immédiat pour gagner de l’argent et leur indépendance. »

Pas étonnant donc que les 14,1% des sondés qui se déclarant sans activité soient « en majorité des jeunes issus de familles plus aisées que celles des autres sondés ». « Ils disent vouloir se donner du temps pour réfléchir à ce qu’ils veulent faire. » Une sorte de luxe que tout le monde ne peut s’accorder.

Près des 2/3 des jeunes actifs interrogés ne souhaitaient pas poursuivre leur scolarité à la rentrée 2011. La première volonté de 40% d’entre eux, c’est de travailler – alors que 16,5% étaient surtout « lassés des études » et que 9,2% étaient « dans une section qui ne les intéresse pas ».

Jeunes fillesIsabelle Fotia témoigne :

« Lorsqu’on se déplace dans les collèges et lycées, on rencontre des ados, et parmi eux, une majorité de filles, qui, bien avant l’âge légal de fin d’études (16 ans ndlr), souhaitent quitter l’école. Pourquoi ? Parce qu’ils n’aiment pas ça, tout simplement. »

Des jeunes pragmatiques et audacieux

Les jeunes interrogés par le Céreq n’ont pas quitté l’école naïvement, bercés d’illusions : « ils sont très lucides sur la réalité du marché de l’emploi : la moitié a déclaré savoir que leur insertion ne serait pas facile ».

Parce qu’ils cherchent à gagner leur vie tout de suite, ils vont là où ils décrocheront vite un job. Près des 3/4 d’entre eux pas eu recours au service public de l’emploi (Pôle emploi et mission locale entre autres). Isabelle Fotia explique leurs réticences : « ils hésitent à s’inscrire au Pôle Emploi car ils imaginent que, n’ayant jamais travaillé auparavant, ils n’auront aucune chance de trouver un poste. »
Ces jeunes sont pragmatiques : plus de la moitié d’entre eux ont trouvé leur emploi en sollicitant leur famille ou leurs amis, et leur premier réflexe, c’est de « s’inscrire dans une agence d’intérim » dès la sortie de l’école, explique Isabelle Fotia. L’audace, aussi, est bien récompensée : pour près d’un jeune sur cinq, les candidatures spontanées ont payé.

La débrouille paye et les « jobs » insèrent mieux qu’on ne le croit

Ces jeunes ont confiance, parce qu’ils « voient leurs grands frères et sœurs ou leurs amis se faire embaucher par le magasin où ils ont travaillé comme vendeurs tout l’été. Ce qui les encourage à tenter leur chance eux aussi ». L’étude montre en effet que les « jobs », l’emploi saisonnier ou occasionneldébouchent sur des embauches stables plus souvent qu’on ne l’imagine généralement : c’est le cas d’1/3 des jeunes en poste interrogés. Pour une très forte majorité (près de 90%), c’est même l’établissement dans lequel ils ont effectué leur premier job qui les a embauchés « véritablement ».

Ces jeunes occupent des emplois « peu qualifiés » – de service notamment – dans des magasins de bricolage, de décoration et autres grandes enseignes, dans des restaurants ou des hôtels, bref dans l’économie dite « présentielle » ou « résidentielle » (les « activités essentiellement destinées à servir les besoins des populations locales permanentes et des touristes » – voir Insee -, par opposition notamment à l’économie « productive ») irriguée par la zone commerciale de Puget sur Argens. Un recrutement local qui ne peut que séduire ces Varois désireux de vivre auprès de leur famille, dans une région où l’on tient à sa « qualité de vie » !

Bonne surprise : 1 jeune sur 3 est en CDI, alors qu’en France plus de 40% des jeunes sortant du système éducatif sans diplôme sont au chômage trois ans après la fin de leurs études. Dans 1 cas sur 4, ils ont même trouvé leur emploi dès leur sortie du système scolaire. Qui dit mieux ? Pas eux : près de 60% déclarent que leur emploi correspond à ce qu’ils envisageaient et plus de 90% veulent rester en poste là où ils sont.

Jeune : finis ce que tu as commencé !

L’enquête du Céreq montre une réalité loin de l’image d’Epinal de jeunes désœuvrés, fainéants ou « à côté de la plaque ». A l’heure où on présente le diplôme comme le seul rempart contre le chômage, ces parcours devraient donner confiance et espoir à ceux qui n’ont pas obtenu ce sésame – même si l’on ne peut oublier les près de 25% de ces jeunes qui auraient préféré pouvoir poursuivre leurs études. La réalité de la Machine à trier reste toutefois bien ancrée en France : les jeunes qui ont été jusqu’en terminale ont trouvé un premier emploi plus rapidement. Et même au pays de la débrouille, ceux qui ont achevé leur cycle de formation sont nettement préférés aux autres par les entreprises.

 

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