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Emploi dans le tourisme à Paris : l’intelligence sociale pour gagner la bataille des batailles

Mardi 26 février, à Paris, Agissons pour l’emploi clôturait sa tournée d’hiver avec un job-dating qui a vu plus de 1400 candidatures déposées, 1000 entretiens organisés pour pourvoir 300 postes – en CDI ou CDD. Le soir, à la mairie du 18ème arrondissement de Paris, un grand débat a cherché à savoir comment la qualité de service dans le tourisme pouvait devenir une arme puissante de « la bataille des batailles », celle pour l’emploi.

Les intervenants :

Contre le paradoxe chômage-pénurie, créer des passerelles entre l’offre et la demande

Daniel Vaillant - APE ParisDaniel Vaillant, maire du 18ème et ancien ministre, pose l’enjeu d’entrée : le tourisme est un enjeu stratégique en région parisienne, et « l’emploi est la bataille des bataille ». Alors que le niveau du chômage s’approche de son record et où la croissance est nulle, tout le monde est anxieux : les demandeurs d’emploi évidemment, mais aussi les entreprises qui peinent à trouver les bons profils pour embaucher. Ainsi, les initiatives innovantes qui permettent de créer des « passerelles » entre l’offre et la demande sont chaque jour plus nécessaires. Pour le tourisme, un des secteurs les plus frappés par le paradoxe de cette coexistence entre un chômage de masse et une pénurie de talents, il est urgent de trouver des solutions ambitieuses alors que les défis d’un marché mondialisé sont immenses.


Paris peut se targuer d’une attractivité exceptionnelle… mais, comme l’a rappelé Jean-Alexandre Baril (BFM TV), celle-ci est en danger : en 30 ans, Paris a perdu un tiers de ses parts de marché par rapport aux autres grandes métropoles mondiales. Alors que le tourisme devient massif avec l’afflux des nouvelles classes moyennes issues des pays émergents, les difficultés de recrutement de l’hôtellerie-restauration en Ile-de-France constituent une sérieuse menace pour l’attractivité de la capitale : comment développer des services de qualité, comment diversifier l’offre, sans les talents adéquats ?

Pour éviter la fuite des talents, changer de regard sur la qualification et créer de véritables parcours professionnels

Jean-Luc MichaudPour Jean-Luc Michaud (Institut français du tourisme), la « dévalorisation des métiers du tourisme », notamment ceux dits « peu qualifiés », est en cause. Gilles Desbordes (CFDT services) abonde dans son sens : beaucoup de ces métiers, comme agent d’accueil ou serveur, souffrent d’un grand manque de reconnaissance alors qu’ils font appel à des compétences qui sont la clé de la réussite dans le tertiaire : maîtrise des langues, « esprit de service », sens de la relation client qui permet de fidéliser et de déclencher d’autres types de prestations (comme le tourisme d’affaires) … Ces compétences doivent pouvoir faire l’objet de certifications : Anick Delaumenie (Pôle emploi) le souligne, les entreprises du secteur recherchent en premier lieu des salariés polyglottes et faisant preuve de « savoir-être ».

Gilles Desbordes50% des jeunes formés en école hôtelière quittent le secteur après cinq ans d’exercice. Les conditions de travail expliquent en bonne partie ce turn-over et le manque d’attractivité des métiers de l’hôtellerie-restauration, selon Gilles Desbordes – elles sont particulièrement difficiles sur les postes « peu qualifiés ». Souvent, un jeune qui y débute sa carrière change d’emploi – voire de secteur – au bout de deux-trois ans. C’est un véritable gaspillage auquel il faut mettre fin, en sortant les individus de leur solitude lorsqu’il s’agit d’évolution professionnelle.

Le défi est collectif, il ne concerne pas que les entreprises. Gilles Desbordes le souligne avec force, il est vital de développer des partenariats avec les collectivités territoriales pour enrichir les parcours professionnels, créer des passerelles, offrir des perspectives d’avenir. La clé, c’est de s’appuyer sur une logique de filière. Laquelle doit construire de véritables parcours professionnels et les faire mieux connaître, mieux prendre en compte les pénibilités…

La clé : « l’intelligence sociale » et la logique de filière

Jean-Claude EudesJean-Claude Eudes, directeur du Relais de la Malmaison, a trouvé des solutions opérationnelles : la semaine de 30h, qui permet aux salariés de mieux vivre leur travail. Le travail étant organisé en séquences (petit-déjeuner, déjeuner…), les mères de famille débutent leur journée à 9h pour pouvoir emmener leurs enfants à l’école et les étudiants commencent à 6h pour avoir le temps de se consacrer à leurs études ensuite.

Pour Gilles Desbordes, cette organisation du travail est un exemple typique de « l’intelligence sociale » qui serait la clé du redressement. Par exemple, pour avoir un apprenti en équivalent temps plein, il en faut deux : les entreprises et structures de formation doivent organiser cela ensemble, de manière à ce que les apprentis découvrent la vraie réalité des métiers – qui impliquent notamment de travailler le week-end… – et ne subissent pas de cruelles désillusions.

Professionnaliser et remettre à jour le logiciel des formations

Gilles RousselPour relever le défi de la qualité de service, les formations doivent monter en gamme et étoffer les compétences des étudiants spécialisés dans le tourisme, quel que soit leur niveau – du bac pro au doctorat -, estime Gilles Roussel (Université de Marne-la-Vallée) : une meilleure maîtrise des langues, des nouvelles technologies, du management – qui doivent être enseignées de la manière la plus opérationnelle possible. Si l’Université de Marne-la-Vallée dispense des licences et masters professionnels, généralement en alternance en partenariat avec des entreprises du secteur, ce type d’offre de formation n’est pas suffisamment présent sur l’ensemble du territoire francilien.

Bertrand Lecourt Le défi est de taille et ne concerne pas que la formation initiale : Bertrand Lecourt (UMIH) le rappelle, deux tiers des jeunes embauchés dans l’hôtellerie-restauration n’ont suivi aucune formation. La certification des compétences acquises dans leur emploi est donc essentielle. Mais pour faire « monter en gamme » leurs salariés, les entreprises du secteur – essentiellement des TPE et PME – ont peu de moyens à consacrer à la formation. Anne Hidalgo souligne l’intérêt à cet égard d’une mutualisation des ressources ; elle insiste aussi sur l’enjeu de la mobilité et de la portabilité des droits à la formation, alors que les possibilités d’évolution professionnelle au sein d’une même structure sont souvent limitées du fait de la petite taille de la majorité des entreprises liées au tourisme.

Tous les acteurs et experts  sont d’accord : les métiers évoluent, pas le contenu des diplômes – insuffisamment professionnalisants. Pour satisfaire les nouvelles demandes touristiques et faire de cette évolution un levier d’insertion durable, le contenu des formations doit évoluer pour se rapprocher des besoins réels des entreprises. Il faudrait notamment mettre en place des équivalences et des doubles diplômes ; les BTS, par exemple, devraient sérieusement intégrer les nouvelles technologies à leurs programmes. Pour ce faire, il faut construire des partenariats – comme le fait l’Université de Marne-la-Vallée avec l’Institut français du tourisme.

Un défi sociétal : ce qui sert les touristes profite aux Parisiens !

Anne HidalgoMonter en gamme, c’est aussi un enjeu de société. Anne Hidalgo estime que c’est l’affaire de tous les Parisiens que de s’approprier le défi de la transformation de la capitale en  une terre d’accueil et de convivialité (jusqu’à former les taxis à la maîtrise des langues et de la gentillesse ? La question a été posée…). Il faudrait aussi susciter la découverte : mieux communiquer sur les modes de vie, les petits quartiers, les commerces, etc., afin d’organiser une « deuxième étape » du tourisme à Paris, au-delà des sentiers battus. Il deviendrait également nécessaire de développer les offres alternatives (chambres d’hôtes, auberges de jeunesse, …). « Ce qui est profitable aux touristes est profitable aux Parisiens ! », les crèches seraient un bon exemple du cercle vertueux que Paris doit enclencher. Il en serait de même avec la transformation des infrastructures comme le Parc des Expositions de la porte de Versailles en lieu capable d’accueillir de grands congrès internationaux : le tourisme d’affaires est un enjeu de plus en plus décisif de la compétition mondiale.

Notre affaire à tous

La montée en gamme du tourisme à Paris est un enjeu crucial, qui relève autant de la compétitivité économique que de la « compétitivité sociale ». Le défi, c’est celui de la « la chaîne de valeur », assène Gilles Desbordes : un touriste chinois qui visite Disneyland sans parler ni le français ni l’anglais doit pouvoir être amené à passer aussi des nuits à Paris, et vice-versa. « S’il faut former les chauffeurs de taxis, formons-les ! ».


Si Paris veut capitaliser sur son attractivité exceptionnelle, l’Etat doit selon Gilles Desbordes agir comme un stratège et faire travailler ensemble les entreprises, syndicats, collectivités… Sinon, les investisseurs du Golfe continueront de prendre la mainmise sur les palaces parisiens, et ce sont eux qui récolteront les bénéfices de l’image de la France pour se développer sur d’autres lieux.

Comment tirer son épingle du jeu dans le tourisme ? Où sont les débouchés ?

  • Le plus grand nombre de débouchés : au niveau bac pro.
  • L’idéal, pour un BTS, est de poursuivre en licence pro pour devenir spécialiste d’un savoir-faire particulier – comme les usages touristiques des nouvelles technologies ;
  • Les entreprises ont de plus en plus besoin de formations aux métiers de pointe : luxe, événementiel (salons et congrès), tourisme d’affaire…

>>> Pour en savoir +

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