Compte-rendu de notre live LinkedIn du 17 octobre 2022 avec Marjolaine Grondin et Alain Roumilhac.
Marjolaine Grondin, CEO et co-fondatrice de Jam, et Alain Roumilhac, président de ManpowerGroup France, ont échangé le 17 octobre dernier lors d’un live LinkedIn consacré à la pénurie des talents dans un monde en pleine transformation. Flexibilité, solidarité, réalisme et anticipation sont quelques-uns des mots clés qui ont scandé la réflexion de nos deux intervenants autour de cet enjeu aussi capital que complexe. Compte-rendu.
« Je ne rencontre pas une entreprise qui ne me dit pas qu’elle a d’énormes problèmes de recrutement. » : le constat d’Alain Roumilhac pour ouvrir notre live du 17 octobre dernier consacré à la pénurie des talents en France est sans appel et largement partagé. Taux d’emplois vacants au plus haut, Grande démission, « quiet quitting » … Alors que l’offre et la demande ne parviennent pas à se rencontrer, les schémas du passé semblent révolus et une question demeure : comment mettre fin à la pénurie des talents, en répondant à la fois aux nouvelles attentes de ces derniers et aux besoins du marché ? C’est à cette problématique que le président de ManpowerGroup France a cherché à répondre avec Marjolaine Grondin, CEO et co-fondatrice de Jam, lors d’un échange de 45 minutes orchestré par Caroline Loisel.
1 – Nouvelles attentes des talents : n’oublions pas les cols bleus
Marjolaine Grondin comme Alain Roumilhac soulignent que la pénurie des talents qui concernait jusque-là essentiellement les « cols blancs » touche désormais également les « cols bleus ». De fait, les aspirations des seconds rejoignent désormais celles des premiers. Alors que les « cols bleus » semblaient s’être résignés à travailler dans la douleur, ils sont de plus en plus conscients de leurs droits et de la légitimité de leurs attentes, et accordent autant d’importance à l’équilibre vie professionnelle-vie privée que les cadres supérieurs. Pourtant, si leurs aspirations sont semblables, le point de départ diffère : seuls 40% à 50% de la population active peut télétravailler. Pour nos intervenants, il est donc nécessaire de trouver un équilibre, qui passe par le management intermédiaire, en lien avec les équipes et le terrain. Répondre aux légitimes exigences de flexibilité et de bien-être au travail des collaborateurs est d’abord un enjeu de culture managériale.
2 – Formation : apprenons à chercher, et anticipons
Seuls des managers correctement formés seront en effet en mesure d’accompagner les nouvelles attentes des collaborateurs. Pour Marjolaine Grondin, la figure du manager « pushy » n’est plus d’actualité et laisse progressivement sa place à celle du leader inspirant, celui qui embarque plutôt qu’il n’ordonne. Pour la co-fondatrice de Jam, cet état d’esprit doit être inculqué dès l’école : alors que l’étude Discuter, Agir, Changer… pour l ‘éducation de l’été 2022 dont Jam est partenaire indique que 83% des jeunes de 18 à 28 ans trouvent que le système éducatif est en décalage avec les enjeux de l’époque, il est impératif d’apprendre à chercher plutôt que de réciter par cœur ou de s’exercer sur des outils qui ne seront plus d’actualité lorsque les étudiants seront entrés sur le marché du travail. Si Alain Roumilhac considère également que l’éducation nationale a une marge d’amélioration, son analyse se concentre davantage sur la nécessité que les sciences soient plus présentes à l’école, afin de nous préparer aux métiers de la transition écologique. De manière générale, pour le président de ManpowerGroup France, l’anticipation est clef pour faire face à l’évolution des filières. A l’heure de la voiture électrique, que dire à celles et ceux qui travaillent dans des fonderies ? Pour Alain Roumilhac, le bon dirigeant est celui qui est doté d’un « strabisme divergent » : capable à la fois d’appréhender les temps courts et les temps longs, il réussit d’autant plus qu’il anticipe.
3 – Inclusion : élargissons nos critères de recrutement
Marjolaine Grondin et Alain Roumilhac se rejoignent sur un constat clair : avec la pénurie des talents, le savoir-être a pris du galon et l’élargissement des critères de recrutement est plus impératif que jamais. Pour Marjolaine Grondin, il y a tout à gagner à défendre les soft skills : en développant l’esprit d’entrepreneuriat, en mettant fin au syndrome de l’imposteur et en agissant par-là même en faveur de l’égalité femmes-hommes et contre l’âgisme. Pour Alain Roumilhac, un premier préalable est d’admettre que certaines personnes sont éloignées de l’emploi pour des raisons objectives (sujets de santé, handicap, addictions, problématiques de gardes d’enfant…) avant de tout mettre en œuvre pour les accompagner, à l’aide d’associations spécialisées. Deuxième préalable : accepter qu’on ne trouvera pas immédiatement exactement la personne dont on a besoin. Le manager sera alors dans un état d’esprit propice à un recrutement efficace, en s’intéressant à une personne qui, au bout d’un certain temps de formation, donnera satisfaction dans son travail. Pour cela, le management intermédiaire est une fois de plus un échelon capital.
Dans ce moment inédit de basculement, pour nous intervenants, la culture managériale, la formation et l’inclusion sont des leviers décisifs afin de permettre à l’offre et à la demande de se rencontrer. S’il n’existe pas de formule magique ou toute faite, cet échange nous enjoint à concilier ouverture d’esprit et réalisme, flexibilité et anticipation et à considérer l’entreprise comme un organisme vivant, à appréhender en accordant une importance particulière à chacune de ses composantes.