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The Future of Work II : comment la technologie transforme le travail

Après un premier billet sur les transformations du lieu de travail et de la place des salariés dans l’entreprise à l’ère des nouvelles technologies, l’Atelier de l’emploi vous livre ici les éléments majeurs du Livre blanc de l’Aspen Institute sur « Le monde du travail au 21ème siècle » (The Future of Work) en ce qu’ils concernent l’organisation du travail et des entreprises -notamment quand l’information devient surabondante.

 

Pour Jacques Bughin, directeur du bureau de Bruxelles de McKinsey & Company comme pour l’ensemble des intervenants, c’est la liberté qui caractérise le monde nouveau. C’est elle qui guide, selon lui, les transformations de l’orthodoxie du business par les nouvelles technologies :

  • Séparation stricte entre les membres d’une entreprise et les clients de celle-ci –> Partenariat dans la co-création.
  • La possession d’actifs détermine les avantages compétitifs –> Des actifs ouverts et « orchestrés ».
  • Les business naissent sur les marchés traditionnels –> Naissance globale.
  • Payer pour la valeur et le talent –> Libre-accès à la valeur.
  • Recherche du succès de masse –> Des marchés de niches (« minding the tail »).
  • Des produits prêts à l’usage, standardisés –> Des produits qui s’améliorent à l’usage.
  • Pouvoir de la masse –> Autonomisation radicale.
  • Des salariés à plein temps, dans une structure hiérarchique –> Tout le monde peut être un salarié à un instant T.
  • Production en masse, standardisée –> Business en temps réel.
  • « Management « par les tripes » –> Science du management.

NDLR : Cette typologie des transformations recoupe en bonne partie celle établie par ManpowerGroup dans le cadre du Human Age.

 

Le crowdsourcing, nouvelle norme du travail

Procédé d’externalisation du travail au travers d’”appels à projets ouverts” aux internautes, le crowdsourcing est en train de se diffuser comme technique permettant de trouver rapidement et efficacement des solutions pertinentes et innovantes à des problématiques business.

Le crowdsourcing devient un business model à part entière. Par exemple, une entreprise comme InnoCentive, Inc. est une compagnie virtuelle reposant sur des salariés dispersés aux quatre coins du monde, qui joue le rôle de courtier entre des « chercheurs » confrontés à des problématiques de recherche-développement et des « résolveurs » qui proposent des solutions adaptés aux critères spécifiés. Dwayne Spradlin, son PDG, précise qu’ »il ne s’agit pas d’obtenir des réponses gratuites à des enjeux de business, mais de faire travailler les bonnes personnes au bon moment sur les bonnes problématiques ; c’est la faillite de nos systèmes qui a rendu notre modèle nécessaire. » Cette entreprise semble à de nombreux égards préfigurer le futur :

  • La transparence y est totale : la quasi-intégralité de ses informations financières est mise à la disposition de tous et les contrats de travail ne comportent pas de clauses de non divulgation ni de non concurrence.
  • Les salariés y sont évalués en fonction non seulement de leurs résultats (i.e : leur impact sur les marchés de l’entreprise), mais aussi de leurs « compétences relationnelles » et de leurs capacité de leadership.

Ce qui est particulièrement frappant chez InnoCentive, c’est que le cœur de métier de l’entreprise (proposer des idées innovantes) est réalisé par des centaines de milliers de personnes dans le monde entier.

Selon John Seely Brown, du Deloitte Center for the Edge, les technologies pourraient servir d’ « amplificateurs réflexifs » améliorant la productivité des salariés, sur le modèle des dashboards des joueurs en ligne de “World of Warcraft” pour évaluer leurs performances. Selon lui, de tels outils d’auto-évaluation et de feedback sont promis à un bel avenir, en ce qu’ils sont hautement motivants et soutiennent les salariés dans leur effort individuel de formation continue et d’amélioration de leurs pratiques.

 

Quel avenir pour les entreprises?

A l’origine de la prévalence du modèle de l’entreprise se trouve la célèbre théorie des coûts de transaction, formulée par l’économiste Ronald Coase en 1937 : la rationalité économique voulait qu’il soit plus efficient de diriger les salariés et la production à l’intérieur de l’entreprise plutôt qu’en externalisant. Alors que les coûts de transaction ont quasiment disparu avec les technologies de l’information et de la communication, l’entreprise en tant que telle a-t-elle encore une raison d’être ?

Selon Maryam Alavi, vice-doyenne de la Business School Goizueta, la réponse est positive : « les formes d’organisation internes vont se complexifier pour répondre à la complexification croissante du monde extérieur : sur le modèle de la « loi de la variété requise » de la théorie des systèmes, certaines parties des organisations seront plus hiérarchisées à cause des incertitudes avec lesquelles elles doivent ou ne doivent pas traiter, alors que d’autres devront être hautement dynamiques, ouvertes et en permanente évolution ». Ainsi, “le management de cette complexité sera déterminant à l’avenir. C’est la raison pour laquelle la qualité du leadership sera de plus en plus importante pour les organisations. Il est important de comprendre que la hiérarchie et l’ouverture ne sont pas exclusives l’une de l’autre ; elles sont complémentaires“.

 

Vers la fin de l’entreprise traditionnelle

Selon le créateur de logiciels Bill Coleman, c’est l’invention d’outils permettant d’améliorer et étendre l’intelligence collective qui est à l’origine des ruptures fondamentales de l’histoire de l’humanité : après le langage et l’imprimerie, Internet représente à lui seul deux inflexions fondamentales, dans « le volume de la communication ainsi que dans la rapidité de la formation de la connaissance ». Or, la mesure de cette révolution n’a absolument pas été prise.

Pourtant, dès un article daté de 1987, Thomas W. Malone (chercheur au MIT), Joanne Yates et Robert I. Benjamin prédisaient que les technologies de l’information, en réduisant les coûts de coordination, conduiraient à un changement de paradigme majeur : les marchés remplaceraient progressivement les hiérarchies dans la coordination de l’activité économique. Malone suggérait notamment de distinguer la prise de décision « importante » (big decision making) de la « secondaire » (small decision making) car les salariés, connectés, pouvaient désormais entreprendre des « petites activités » de manière indépendante, sans validation, qui auraient néanmoins un impact significatif –sinon mondial. Préconisations largement restées sans suite jusqu’à présent.

L’urgence à nous réformer semble pourtant évidente. Le monde connecté en permanence, où des torrents d’informations circulent continuellement, peut faire craindre la réalisation d’un cauchemar aux accents orwelliens quand on lit l’interview d’Eric Schmidt, PDG de Google, publiée par le McKinsey Quarterly en septembre 2008 :

« Pour les cadres séniors, une vie équilibrée n’est déjà plus possible. J’adorerais en avoir une, mais le fait est que le monde est en train de passer une étape globale : puisque quand je suis censé dormir une crise survient forcément à un endroit de la planète, je n’ai toujours pas trouvé la solution à mes problèmes d’insomnie. Donc oui, je vais choisir comme cadres des gens stimulés par le rush, des gens possédant un goût certain pour les situations de crise, aimant la vitesse. Ce sont ceux-là qui iront tout en haut de l’échelle ».

Une prophétie pas si enthousiasmante, si l’on s’en fie au directeur général d’une firme multinationale qui affirmait que « bientôt, les postes à la tête des entreprises mondiales de premier plan ne feront plus du tout rêver ».

La faille de ces prédictions, selon Thomas Malone, est qu’elles considèrent que les organisations hiérarchisées sont indispensables :

« Si l’on part du principe qu’il doit y avoir une hiérarchie, que celle-ci doit être incarnée, que les organisations vont continuer à croître et que le monde sera toujours plus connecté, arrivera alors fatalement un moment où aucun être humain ne sera en mesure de suivre le rythme. Et les quelques-uns qui seraient capables de s’en approcher ne le voudraient même pas ».

C’est la raison pour laquelle Malone suggère une reformulation de la problématique de la manière suivante : « comment réformer nos organisations pour que la demande externe de connectivité n’excède pas les capacités humaines ? »

En effet, il appartient à la nature des organisations que de chercher à éradiquer tout bruit à l’intérieur de leur réseau, dans le but d’amplifier les informations porteuses de sens –ou signaux ; ceci semble encore plus nécessaire à l’époque d’une information surabondante. Mais comme “le bruit est la seule source de nouveaux modèles et connaissances” (selon Kim Taipale), les entreprises vont devoir lutter contre leurs tendances naturelles pour « apprendre à trouver un équilibre entre le bruit et le signal. »

 

De l’entreprise à la plateforme ?

La réaction standard à cet enjeu repose sur l’horizontalisation et la décentralisation des organisations, de manière à ce que la connaissance et la prise de décision soient elles-mêmes décentralisées. Kim Taipale d’aller plus loin en envisageant que le modèle d’organisation présidant au processus de création de valeur évolue de l’entreprise vers la plateforme. Car l’enjeu des coûts d’interaction aurait peut-être remplacé celui des coûts de transaction puisqu’une interaction simple et efficace entre des participants multiples d’un réseau est devenu le moteur le plus puissant de l’innovation aujourd’hui.

 

>>> Pour aller + loin

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