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Apprentissage : le mépris français

« Si tout le monde a son mot à dire sur l’apprentissage, personne ne donne la parole aux premiers intéressés : les jeunes. » C’est en ces termes que Stéphane Haar, président national de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), présente les résultats d’une enquête inédite, qui révèle la vision que les jeunes eux-mêmes ont de l’apprentissage en France et de sa perception dans notre société.

Cette étude nous apprend – ou confirme – que, malgré certains efforts et une conscience claire de ses atouts, les jeunes perçoivent un réel mépris pour cette filière dans notre pays. Un état d’esprit qui emporte, hélas, des conséquences très concrètes.

« Une voie de seconde zone pour ceux qui n’ont pas les moyens de suivre des formations générales »

« Les campagnes de publicité ne suffiront pas à changer l’image de l’apprentissage », souligne Stéphane Haar : « aux yeux des jeunes, l’apprentissage reste une voie de seconde zone. » L’avis des 1080 jeunes (de 15 à 30 ans, apprentis ou non) interrogés est sans appel : le mépris français pour cette voie de formation est loin d’avoir disparu.

  • Près d’un tiers (31,3%) considèrent que l’apprentissage reste une filière réservée aux élèves qui « n’ont pas les moyens de suivre une formation générale ».
  • Près de 7 sur 10 (68,3%) estiment que les apprentis ne sont ni entendus ni respectés dans la société.

Une perception tristement révélatrice, qui contraste nettement avec celui qui prévaut chez nos voisins allemands et qui fait partie de ses forces. Là-bas, l’alternance est considérée comme Henri Lachmann (président du conseil de surveillance de Schneider Electric) la présente : une « voie d’excellence tournée vers l’acquisition de compétences opérationnelles ».

Un « parcours du combattant » : l’apprentissage perçu comme « bidon » ?

Les conséquences de la persistance du mépris français pour l’apprentissage sont lourdes : parmi les jeunes intéressés par ce type de formation, plus de la moitié (54%) ont abandonné.

Première cause de résignation : la grande difficulté à tout trouver une entreprise. Un jeune sur cinq (18%) a renoncé à l’apprentissage en raison de l’impossibilité de trouver un patron. Plus largement, 61% des jeunes considèrent qu’il est difficile de trouver une entreprise où réaliser son apprentissage, un avis partagé par plus de la moitié (58%) des apprentis eux-mêmes.

Apprentissage - parcours du combattant

L’apprentissage reste donc un « parcours du combattant », résume la JOC. Serait-il encore, malgré les efforts de promotion, considéré comme « bidon » par les chefs d’entreprise ? Espérons que la récente prise de conscience fera évoluer les mentalités comme les pratiques – en particulier à destination des jeunes les moins qualifiés, premières victimes des réticences.

Conditions de travail, salaire, accès au logement : l’apprentissage doit être reconnu à sa juste valeur

Si la nouvelle possibilité de suivre un apprentissage en intérim permettra certainement des progrès, cela ne sera pas suffisant : l’étude montre que de nombreux efforts doivent être fournis en matière de conditions de travail et, plus largement, de vie. Par exemple, 58,7% des sondés estiment qu’il est difficile pour un apprenti de trouver un logement. Analyse de Stéphane Haar :

« Reconnaissance, salaire, conditions de travail et d’étude, logement, offre d’apprentissage…sont autant de sujets qui demandent de vrais changements pour que l’apprentissage soit reconnu à sa juste valeur. »

Les jeunes n’attendent pas passivement ces changements. En effet, les apprentis qui ont participé à l’évènement « Apprentis tous debout ! » organisé par la JOC ont élaboré des propositions concrètes pour redorer l’image de leur formation, faire reconnaître leur filière, améliorer leurs conditions de vie et de travail, leur place dans l’entreprise ainsi que dans les Centres de formation des apprentis (CFA).

Image apprentissage - JOC

L’accompagnement, priorité des apprentis : leurs propositions

Parmi les solutions très opérationnelles mises en avant par les jeunes apprentis, il s’agit notamment d’améliorer leur accompagnement. Une nécessité selon Stéphane Haar :

« A 16/18 ans, on leur demande de s’engager dans une vraie démarche de recherche d’emploi alors que le contexte est particulièrement difficile. Et dans beaucoup de CFA, les jeunes doivent se débrouiller tous seuls ».

Ainsi, pour améliorer le lien entre CFA et entreprise, les jeunes préconisent de systématiser deux à trois visites du formateur dans l’entreprise chaque année, pour évaluer les conditions d’apprentissage. Ils insistent aussi sur le rôle des seniors (« donner la possibilité et le temps aux seniors présents dans l’entreprise de former les apprentis présents ») et du tutorat (« rendre obligatoires les formations destinées aux tuteurs pour les aider à transmettre leurs savoir-faire »).

 

Cette parole donnée aux jeunes doit se prolonger en actes. Car l’apprentissage est au coeur des réformes des dispositifs de formation – initiale comme continue –  qui, en France comme dans le monde entier, doivent notamment lutter contre le gâchis humain provoqué par des systèmes encore mal adaptés aux besoins de notre époque.

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