Dans la foulée de Toulouse, la « capitale » marseillaise était la deuxième étape de l’opération Agissons pour Emploi. Après un job-dating réunissant 800 candidats autour de 500 offres d’emploi, un débat réunissait les acteurs majeurs de l’emploi en Provence-Alpes-Côte d’Azur, invités à discuter des solutions à la poussée du chômage dans la région, à commencer par les PME innovantes. Un même souffle a traversé tous les intervenants, qu’ils soient patrons, élus, acteurs publics ou engagés pour l’innovation : celui de l’ambition et de l’esprit de reconquête. Retour sur un mistral gagnant.
Les intervenants :
- Pierre Allary, Président de la CGPME 13 (Confédération générale du patronat des PME des Bouches-du-Rhône),
- Sabine Bernasconi, Conseillère générale, Présidente du PLIE MPM Centre(Programme local pour l’insertion et l’emploi) et de l’Union Régionale des PLIE PACA
- Philippe Bel, Directeur régional de Pôle Emploi PACA
- Stéphan Brousse, PDG de Brousse Vergez, Conseiller spécial de Laurence Parisot pour les TPE/PME, Président du Medef PACA
- Christian Rey, Directeur de la pépinière Marseille Innovation
- Michèle Tregan, Conseillère régionale, Déléguée à l’emploi, à l’économie sociale et solidaire
« A vous de le faire savoir. » Garo Hovsepian, maire des 13ème et 14ème arrondissements de Marseille qui accueillaient les job-datings de l’après-midi, lançait le débat par une exhortation : pour dynamiser l’emploi à Marseille et tout autour, les acteurs de l’économie locale rassemblés pour le débat doivent faire connaître tout autour d’eux les atouts de leur territoire. Certes, en PACA, les perspectives de l’emploi ne sont pas aussi roses qu’à Toulouse, notamment parce que la région ne dispose pas d’un moteur aussi puissant qu’Airbus (même si Eurocopter – installé à Marignane – suscite beaucoup d’espoirs). Mais la région a de nombreuses forces, elle doit en prendre conscience et mieux capitaliser dessus. Dynamiser et renforcer les entreprises, combattre les préjugés, faire valoir ses atouts : de l’avis de tous, le rebond de l’emploi passe avant tout par l’ambition qui doit unir tout le monde et transcender les clivages.
L’avenir de l’emploi, « ici et maintenant», c’est l’entreprise
Les difficultés sont nombreuses : inadéquation des compétences et pénurie de talents, marginalisation d’une partie de la population qui s’éloigne de plus en plus de l’emploi (outsiders), dépendance aux revenus extérieurs qui fragilisent encore plus la région en période de crise… Plus d’un baisseraient les bras, mais pas les Marseillais. Tout d’abord, « même avec peu de croissance, on peut embaucher (…) ici et maintenant », rassure Philippe Bel. Un exemple concret : « favoriser la création d’entreprise par les demandeurs d’emploi, c’est possible et ça marche ici ».
« Il n’y a pas de limite à l’initiative entrepreneuriale », renchérit Stéphan Brousse, Président du Medef PACA, qui refuse qu’on se résigne à une croissance nulle. Pour le conseiller spécial de Laurence Parisot pour les TPE/PME, la réponse à la poussée du chômage et de la précarité, ce n’est pas le « traitement social » et le partage d’un gâteau inexistant ; selon lui, l’ambition et l’innovation sont la seule issue par le haut. « Il faut nous faire grandir ! » : le leitmotiv de ce fougueux porte-parole des patrons s’adresse en particulier aux acteurs publics, comme la région.
Entrepreneurs, allez à la conquête des territoires et du monde !
Le plaidoyer de Stéphan Brousse est surtout une adresse aux entrepreneurs eux-mêmes : « soyez ambitieux, ayez l’esprit de conquête ! ! » Pour lui, c’est notamment ici que le bât blesse à Marseille : les entrepreneurs doivent prendre conscience que c’est à eux de chercher la croissance, avant d’en appeler au soutien des pouvoirs publics. Et pour réussir à faire croître son entreprise aujourd’hui, un dirigeant doit être curieux de son environnement et en connaître les dynamiques ; ceci implique de s’ouvrir à la fois au monde et à son territoire d’implantation : c’est le fameux « global – local » qui caractérise le monde d’aujourd’hui.
Pierre Allary, à la tête de la CGPME 13, lui emboîte le pas sur le « local » : « L’objectif d’une PME, c’est d’allier compétitivité et emploi dans le but de s’insérer de manière pérenne dans son territoire », lance ce « militant de l’entrepreneuriat », comme en écho à la problématique de l’ancrage territorial des grandes entreprises. Sabine Bernasconi développe : la responsabilité sociale d’une entreprise serait avant tout une responsabilité territoriale, celles qui s’en empareront sauront tirer le meilleur de leurs salariés tout en valorisant leur marque employeur auprès des potentielles recrues.
Croissance, innovation sociale et territoriale : même combat contre le chômage et la pénurie
20 000 chômeurs retrouvent un emploi tous les mois en PACA. Malgré cela, la pénurie de talents frappe fort dans la région : la proportion de projets de recrutements « difficiles », déjà supérieure à la moyenne nationale (46% contre 42,6%) a bondi en PACA en 2012 : +7 points en un an. Selon Philippe Bel, tout le monde doit améliorer sa prise en compte des réalités locales : les entreprises comme les pouvoirs publics ne capitaliseraient pas suffisamment sur les atouts régionaux – comme l’ouverture aux marchés méditerranéens – et les demandeurs d’emploi ne seraient pas suffisamment « proactifs » pour s’orienter vers les activités porteuses dans leur territoire. Pôle Emploi PACA veut inciter ces derniers à « prendre des risques, à changer de métier ». Des reconversions osées sont payantes : au pôle universitaire de Luminy (Marseille), spécialiste de la prothèse vasculaire, les trois dernières recrues sont d’anciens horlogers et couturiers.
@cgpme13 P.Allary: j’ai transformé des cuisiniers en informaticiens. Acceptons tous de changer #agissons #Marseille
— Fondation ManpowerGp (@FondManpowerGp) 12 février 2013
Au-delà des demandeurs d’emploi, Sabine Bernasconi considère que la clé face au chômage et aux pénuries de talents, c’est une innovation sociale adossée à l’innovation technologique pour « faire tomber les tabous », dévoiler la réalité des métiers et « orienter de manière réaliste et vers de vraies opportunités les demandeurs d’emploi ». Pour Stéphan Brousse, le changement de mentalité doit notamment s’incarner dans une nouvelle approche de la diversité, plus humble : « on apprend des valeurs aux jeunes, qui les appliquent différemment de vous », et il faut accepter cette différence pour susciter l’adhésion et l’engagement. Cette ouverture appelle selon lui une autre prise de conscience, et de confiance : il n’y a aucune fatalité « à ce que les salariés gardent toute leur vie un emploi qui ne leur plaît pas » : l’entreprise et l’individu sont des partenaires, épanouissement individuel et croissance collective ne font qu’un.
@le_cg13 @pole_emploi @cgpme13 @marseilleinnov @medefpaca point commun du débat: savoir attirer, combattre les préjugés, faire valoir — Fondation ManpowerGp (@FondManpowerGp) 12 février 2013
L’union des énergies pour l’attractivité du territoire
Pour Michèle Tregan, Déléguée à l’emploi du Conseil régional, la clé du sursaut, c’est de travailler « tous ensemble », notamment à l’élaboration du schéma régional de développement économique et d’innovation. Habitués aux cloisonnements, les acteurs doivent désormais travailler de concert. Les territoires de la région sont engagés dans la recherche d’un cercle vertueux, via des logiques d’écosystèmes valorisant notamment le dynamisme des entreprises innovantes. « Le tissu économique du département, ce sont les TPE et PME, nos premiers employeurs », rappelle Pierre Allary – qui souligne que celles-ci ont besoin d’être accompagnées pour grandir et innover. L’enjeu est vital pour la région, qui doit à tout prix attirer les richesses humaines : « si on ne le fait pas, les talents n’iront pas chez nous, mais à Toulouse ou à Bordeaux », alerte Christian Rey, qui dirige la pépinière Marseille Innovation. Il l’assène même : il faut encourager les « clusters, grappes, mouvements d’entreprises du même métier » et additionner les forces.
En France, une entreprise sur deux ne survit pas dans les cinq ans suivant sa création ; mais 80% des start-ups passées par « Marseille Innovation » sont toujours vivantes passé ce délai. Cet écosystème innovant, rassemblant des métiers très différents, et des acteurs pas toujours habitués à coopérer (des grands groupes comme Eurocopter sollicitent l’appui des PME innovantes), réunit les ingrédients clés pour l’attractivité de la région. Ainsi du nouveau-né l’Hôtel Technopic, premier outil français d’« aide à la création et au développement d’entreprises dans l’optique », qui a déjà attiré une société russe, et d’évènements ponctuels comme le Hackathon Nokia ou des Startup Weekends.
Marseille métropole : le long terme sinon rien
Contre le chômage, les politiques actives de l’emploi (qu’il s’agisse de formation – en PACA, Pôle Emploi forme 14 000 personnes par an – ou d’initiatives visant à améliorer le matching entre offre et demande d’emploi) ne sont pas le seul élément de réponse. Philippe Bel défend la simplification, la lisibilité, et le long terme, loin du stop and go. Pour Sabine Bernasconi, les élus doivent apprendre à « laisser le temps au temps », oser porter une stratégie de développement économique au-delà du seul horizon de la prochaine élection.
Pour elle, ceci est indispensable pour « créer un environnement favorable » à ce développement. Le travail d’accueil des entreprises – zonage et logistique notamment – a déjà permis un foisonnement d’initiatives et d’innovations encore absent en PACA il y a cinq ans. « On ne crée pas que des murs, on crée des synergies », explique Sabine Bernasconi : l’aménagement du territoire doit faire jaillir des zones exclusivement dédiés au développement des entreprises, comme Euroméditerranée.
Point d’orgue de ce mouvement : la future métropole, qui ne devrait surtout pas devenir une strate administrative supplémentaire mais être structurée comme un outil fonctionnel destiné à faire passer un cap à l’ensemble du territoire. Avec les entreprises, lui aussi grandira, et toute la population en ressortira gagnante.