Celle-ci analyse les trajectoires d’emploi et de salaires, selon la nature (CDI ou CDD) et les modes de rupture du contrat de travail (choisies, acceptées ou subies). Elle confirme la forte « dualité » du marché du travail français :
les « emplois durables » (26 % des cas) voient généralement leurs salaires rester stables ;
les « emplois non durables » (15 % ) aboutissent généralement à une sortie du marché du travail.
Selon le CEE,
« il n’est pas rare que les ruptures d’emploi correspondent à des ruptures de trajectoire, faisant par exemple passer d’un emploi stable à une répétition d’emplois courts ou à une situation d’exclusion durable sur le marché du travail. Aussi, aux côtés des notions classiques de « port d’entrée », de « tremplin » ou de « marchepied » – qui ont été développées en référence au rôle supposé des CDD dans l’accès à des emplois stables appartenant à un segment du marché du travail (dit « primaire ») où l’on peut faire carrière –, sans doute faut-il ajouter des « ports de sorties », qui font quitter le marché primaire, voire le marché du travail. »
Ceci est une confirmation de l’hypothèse formulée par l’économiste Paul Krugman en 1994 dans son article « Europe jobless, America penniless ? » : face aux évolutions de la conjoncture, les pays européens ajusteraient leurs marchés du travail par l’emploi (et le chômage) alors que les États-Unis verraient les salaires constituer la variable d’ajustement privilégiée.
Si la portée de l’affirmation a été nuancée par les enseignements d’une étude internationale sur les travailleurs à bas salaires menée par les chercheurs Caroli et Gautié en 2009 (le rôle de la productivité du travail et, plus généralement, de la « qualité de l’emploi » comme variable d’ajustement, ne doit pas être négligé), celle-ci semble demeurer valable : en France, les ajustements via les salaires sont faibles au regard des ajustements par l’emploi. C’est notamment pour contrecarrer cette tendance que le ministre de l’Emploi a lancé l’idée de « pactes compétitivité-emploi. »
L’étude du CEE montre que la « dualité » du marché du travail français se renforce si on prend en compte le caractère « choisi » ou « subi » de la rupture du contrat de travail : les salariés qui ont choisi de rompre un contrat court finissent le plus souvent par obtenir un « emploi durable ».
On apprend également que la mobilité est un atout en termes de salaires : les trajectoires professionnelles marquées par une forte mobilité (39% des cas étudiés) connaissent une stabilité ou une progression salariale dans des proportions équivalentes.