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Le secteur bancaire, demain (2/2) : les 4 défis (exigeants) de la digitalisation

Ce billet est la deuxième partie de
Le secteur bancaire, demain : oser révolutionner le métier

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C’est acté, l’avenir de la banque passe par la digitalisation. Le secteur bancaire, plus que d’autres, serait même mûr, « digitalement » parlant… Oui, mais comment se concrétise ce vaste mouvement ? De nombreux observateurs font le même constat : le secteur bancaire doit déployer des stratégies de digitalisation via une approche globale à l’échelle de l’entreprise, en vue de créer une expérience client unique et sur mesure. L’objectif : se différencier et rester compétitif dans un secteur à forte concurrence, où les technologies favorisent de surcroît l’apparition de nouveaux acteurs.

Retour, bonnes pratiques à l’appui, sur quatre défis majeurs de cette transformation qui bouleverse l’organisation interne et reconfigure la relation client jusqu’à brouiller les règles du jeu de la concurrence entre banque et banque en ligne.

1. Casser l’organisation en silos pour agiliser la banque

Fini le cloisonnement, les banques passent à un mode de gouvernance simplifiée. La BFI (banque de financement et d’investissement) de la BNP a récemment annoncé regrouper ses activités de marché, jusque-là divisées dans les entités « fixed income » (métiers de taux et change) d’une part, et produits dérivés sur actions et matières premières d’autre part… « Compte tenu des enjeux réglementaires de cette industrie et de l’importance de l’évolution des attentes de nos clients, il me semble naturel d’en être le garant auprès de la direction de la banque, explique Yann Gérardin, nouveau patron de la BFI depuis octobre 2014. Enfin, cette simplification était nécessaire pour nous rendre plus agiles « .

murs de briqueUn décloisonnement qui passe aussi par la formation, comme le prouve la mise en place, avec succès, d’une plateforme LMS (Learning Management System) par le groupe Banque Populaire Caisses d’Epargne (BPCE), et ce dès 2012. L’enjeu, pour le groupe : se doter d’une plateforme unique réunissant des collaborateurs nombreux, issus de deux groupes distincts et géographiquement très dispersés. Désiloter et recréer un langage commun en formant massivement, telle est l’explication d’une certaine banalisation du e-learning, particulièrement dans des organisations en recomposition, fréquentes dans le secteur. Au-delà de la seule formation, le numérique s’est ainsi fait une place dans des domaines où on ne l’attendait guère. Pour mieux faire collaborer 5 000 collaborateurs dispersés dans la France entière, le Crédit Agricole a par exemple créé son propre réseau social. « Ce que l’on cherche à faire, c’est créer des ponts entre les différentes directions SI, créer des collaborations, décloisonner ces directions qui ont encore trop l’habitude de ne travailler qu’entre elles », confirme Daniel Azaïs, animateur de la Ligne Métier Systèmes d’Information. L’objectif : faire communiquer les collaborateurs entre eux et accompagner le client. L’ « intelligence collective », bien plus qu’un buzzword, se trouve ainsi au service de l’enjeu stratégique de transformation organisationnelle des banques, et devient qui plus est une source d’innovation.

S’agiliser, pour les banques, constitue une réponse à des besoins organisationnels forts et permet une adaptation à de multiples changements à l’œuvre dans le secteur, sous l’impulsion conjuguée de la crise, des nouvelles réglementations et des nouvelles attentes des clients. Pour la banque d’investissement de la Société Générale, SGCIB, l’intégration du feedback final du client dans des cycles de développement itératifs pousse le développement de l’agilité « à l’extrême », l’agilité passant par ailleurs par l’automatisation de certains processus afin de « livrer des applications en continu » (« continuous delivery »). Ou comment mettre l’IT directement au service des clients…

2. Dompter l’omnicanal pour répondre aux nouvelles exigences de qualité de service

13380501453_0841bcd902_bLes banques doivent en effet s’adapter à l’évolution des pratiques de consommations des clients. Les nouvelles technologies en sont à la fois la cause et la solution. En effet, habitués à acheter en ligne, via des dispositifs mobile, le client en attend de même pour consulter ses comptes et faire des opérations bancaires. Résultat : nombreuses sont les banques qui proposent désormais des services en ligne accessible via smartphone ou tablette. L’objectif : créer un parcours client personnalisé.

Pour ce faire, les banques se dirigent vers une relation client en omnicanal. Selon le troisième baromètre « Perspectives de la Relation client« , près de la moitié des directeurs de clientèle s’engagent dans cette voie. Et en tête des secteurs les plus concernés par ce changement de paradigme, on retrouve…la banque, suivie du secteur des assurances et des biens de consommation. Le sujet est là encore particulièrement stratégique : passer de la multicanalité (exploitation de plusieurs dispositifs pour la relation) à l’omnicanalité (capacité à gérer les interactions sur plusieurs terminaux) implique de repenser l’organisation même de la banque. Mais la digitalisation des services bancaires ne s’arrête pas là : elle se poursuit au cœur même de l’espace physique des agences.

Pour répondre aux attentes de nouveaux services et de nouveaux modes de collaboration, le Groupe BPCE et ses réseaux de proximité Banque Populaire et Caisse d’Epargne poursuivent la mise en œuvre de leur programme Entreprise Numérique en déployant la signature électronique en agence. Les clients particuliers des deux réseaux du groupe BPCE peuvent désormais choisir de lire et de signer leur contrat sur une tablette numérique, dans leur agence. Mais plus globalement, alors que, dès 2012, leurs clients disaient souhaiter bénéficier d’un « accès personnalisé aux services financiers », les banques tardent à maîtriser le nouveau dogme de l’omnicanal. Preuve en est, par exemple, avec leurs difficultés à jongler avec les différents réseaux sur le volet de l’expérience-client. Car le défi est de taille : comme le suggérait récemment Joseph Trojman, directeur de la stratégie et des études de la banque de détail de la Société Générale, « passer » à l’omnicanal demande l’acquisition de nouvelles compétences en interne. Car l’omnicanal, puisqu’il est lié à un time to market adapté à des cycles courts et à une personnalisation accrue, fait aujourd’hui appel à l’analyse prédictive des données : « il est urgent de constituer des équipes pluridisciplinaires et de recruter des profils capables de « créer des solutions » et des modèles adaptés au Data Mining industriel ».

3. Ne pas tuer l’agence bancaire

13380719734_d1daca0124_oL’essor des banques en ligne, comme ING Direct, a certes bouleversé le métier. Mais l’enjeu majeur du secteur, plutôt que la concurrence physique/numérique, est en fait leur convergence… En effet, les banques de détail traditionnelles apprennent à conjuguer services en agence et services en ligne. Il ne s’agit donc plus d’opposer ces deux visions du métier mais bien de les appréhender comme deux stratégies complémentaires. Les banques traditionnelles placent cependant leur curseur différemment entre ces deux stratégies : alors que certaines, comme « La Banque Postale Chez Soi », ont décidé d’aligner leur stratégie sur leurs concurrents en ligne, d’autres, comme les banques mutualistes, ont choisi au contraire, de miser sur la proximité physique avec les clients. Enfin, certaines, comme la Société Générale se lancent dans l’acquisition de banque 100% en ligne, avec le rachat de Boursorama.

Si le digital est désormais une porte d’entrée des clients – et surtout des nouveaux clients – vers leur banque, l’espace de l’agence reste un élément de fidélisation des clients et devient un facteur de différenciation. Les agences ne sont donc pas près de disparaître, comme le conclue Mike Baxter : elles sont à la fois des showroom combinant les avancées digitales avec les interactions humaines et des lieux de vente pour les produits bancaires complexes. La digitalisation est donc une question d’équilibre : les banques ne doivent pas foncer à n’importe quel prix dans le tout-numérique sans se préoccuper des préférences et habitudes de consommation des clients. Et à l’inverse, le fait que les attentes des clients en termes d’accompagnement restent fortes ne condamne pas le digital : les stratégies numériques ont tout à fait leur place dans ce processus.

4. Bâtir la banque « étendue » : de l’externalisation à la mutualisation

13380718964_e15c61aaa4_bL’externalisation est d’abord considérée par les banques françaises comme vecteur de réduction des coûts et d’optimisation des investissements : alléger les banques de certaines tâches support leurs permet ainsi de concentrer sur leur cœur de métier. L’externalisation concerne en effet avant tout l’informatique alors que RH et comptabilité restent souvent en interne. Un des avantages, et non des moindres, de l’externalisation, consiste toutefois également à avoir accès aux nouvelles technologies et à des champs d’expertises particuliers, le tout dans une optique d’accroissement de flexibilité dans le secteur.

Par exemple, les équipes du SGCIB étant passées aux méthodes agiles ont « dû » externaliser : « pour transformer les pratiques, nous avons décidé d’accompagner les équipes avec des sociétés externes[…], autrement dit des gens qui ont une expertise dans le domaine de l’agilité » se souvient Carlos Goncalves, DSI de la SGCIB. Passer à une méthode axée sur la valeur finale de ce qui est produit invite donc à un changement, parfois, radical, de l’organisation. Et l’impératif d’agilité, qui plus est, pousse en soi à davantage de flexibilité, invitant l’entreprise à se muer en centre de commande, d’abord dirigé sur son cœur de métier, et entourée d’une chaîne de prestataires.

Mais l’externalisation n’est pas la seule voie vers cette entreprise « étendue ». Outre la formation, le groupe BPCE se lance ainsi dans la mutualisation des systèmes et infrastructures entre les Banques Populaires et les Caisses d’Epargne à l’horizon 2015. Cette réorganisation se décompose en trois axes : le regroupement des activités de production informatique du groupe, la mutualisation de l’éditique (édition de documents dont les relevés de compte) et la réorganisation de ses sites géographiques dédiés à l’informatique. L’heure, au-delà des mutualisations « économiques », est à l’authentique « entreprise numérique », en réseau.

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ZOOM – Start-up : pourquoi les banques en ont besoin

13380500093_46533c89f8_oPour gagner en compétitivité, au-delà de la digitalisation en interne ou de la relation client, nombreuses sont les banques qui font enfin le pari d’investir ou de financer des start-up. Comme toutes les entreprises ? La situation, pour le secteur, est particulière, avec notamment le frémissement des « FinTech », ces start-up qui « remettent agressivement en cause les modèles économiques des banques » et dans lesquelles il convient d’investir

« Nous sommes une entreprise très orientée vers la technologie, avec beaucoup d’ingénieurs : nous avons donc un certain tropisme qui nous attire vers les start-up. Mais c’est aussi l’occasion de nous connecter à de nouveaux business, proches des nôtres, ou de réaliser des investissement qui pourront se révéler très rentables » comme l’explique Ronan Le Moal, DG du Crédit Mutuel Arkea et co-fondateur de l’incubateur West Web Valley. La Société Générale suit la même voie en se rapprochant des startups pour se développer son agilité. Le but : coller plus rapidement aux nouveaux usages. Un hackathon a par exemple été organisé en mai 2014 avec l’école 42 « pour accélérer et ouvrir l’IT », comme le souligne Françoise Mercadal-Delasalles, Directrice des Ressources et de l’Innovation du groupe Société Générale. Le groupe va même jusqu’à faire travailler directement des start-up dans ses locaux : Yseop, travaille notamment avec Boursorama sur l’intelligence artificielle et Theodo, forme les développeurs en interne. « Ces différentes collaborations nous ont permis de faire des sauts de géant sur l’IT » conclue-t-elle. L’innovation, dans les mastodontes, reste « compliquée » : et après la BNP Paribas, qui en septembre lançait un programme d’accompagnement pour 150 jeunes pousses, voilà le Crédit Agricole qui ouvrait, en octobre, un « Village », pépinière d’entreprises…

Crédits images : State Archives of North Carolina / Flickr
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