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Banque-futur

Le secteur bancaire, demain (1/2) : oser révolutionner le métier

« La première action [pour faire face aux bouleversements liés à la digitalisation], c’est d’avoir une vision claire de ce que seront les métiers de demain », expliquait récemment Anne Mercier-Gallay, DRH du groupe BPCE. Même constat au Crédit Mutuel, où l’on suit l’évolution de l’emploi en terme d’effectifs (qui progressaient, en 2013, dans les secteurs de l’assurance, de la technologie et la finance) mais également de nature des métiers, grâce à un Observatoire ad hoc.

Que ce soit dans le secteur de la banque de détail ou dans celui de la banque de financement et d’investissement (BFI), la transformation numérique, longtemps reléguée au second plan par la crise du secteur, est aujourd’hui une réalité. C’est que la période, jugée par les observateurs de « normalisation post-crise », est – enfin – propice à la projection vers la transformation numérique, comme le suggérait récemment Françoise Mercadal-Delasalles, Directrice des ressources et de l’innovation de la Société Générale.

Car si en pleine crise, l’on pouvait parler de la “BFI de demain” sans même évoquer le terme « numérique » ou « innovation », le secteur tout entier peut aujourd’hui se permettre d’attaquer ces chantiers. Avec un climat fondamentalement différent d’avant 2008, comme le relève une étude stratégique récente des Echos, citant plusieurs nouvelles réalités, moteurs d’innovation :

  • Le nouveau visage des clients (volatilité, sur-information, mobilité, et un ensemble de nouveaux modes de consommation et de nouvelles attentes)
  • La montée des contre-pouvoirs (associations de consommateurs, ONG)
  • Les évolutions réglementaires (Bâle III, …)
  • La pression concurrentielle (nouveaux acteurs, notamment pure players)
  • L’environnement économique et l’exigence de rentabilité

La banque s’attache dès lors à développer à de nouvelles stratégies de création de valeur, au point qu’on aille jusqu’à parler de la refonte de son modèle économique, comme l’indique un rapport de référence sur le futur des banques d’investissement. Avec une double manifestation de taille : les métiers se transforment en profondeur… et la RH « bouge ».

Numérique et adaptation des métiers : cap sur de nouvelles compétences

« Plusieurs métiers voient le jour sur la base de l’existant mais en intégrant la composante numérique ». C’est la conclusion du dernier (et très complet) rapport sur le sujet de l’Observatoire des métiers de la banque. C’est aussi ce qu’observe Anne Mercier-Gallay : « un conseiller commercial restera un conseiller commercial », c’est la manière dont il exerce son métier qui se transforme radicalement.

Selon l’Observatoire, dans le marketing, les data scientists font ainsi leur apparition, se situant à la frontière entre l’exploitation des données, domaine jusque-là réservé aux DSI, et du marketing.

Les métiers du risque voient émerger de nouveaux terrains d’expression, liés à l’évolution des régulations mais également aux problématiques nouvelles d’e-réputation. Du côté des BFI plus particulièrement, la nature incertaine des marchés, assortie des risques dans les échanges commerciaux, font de ce secteur un important recruteur potentiel dans ces métiers.

Les métiers de la communication ne sont pas en reste. Priorité à l’accompagnement du changement avec, par exemple, le développement de plateformes collaboratives internes. En matière de communication externe, cap sur les applications mobiles pour faciliter la relation client.

Du côté IT, les compétences en architecture, gestion des données et pilotage de projet sont recherchées. Pour gagner la bataille de l’agilité, de nouveaux besoins en outils apparaissent. Au-delà de l’ingénierie, les DSI sont en fait appelées à s’emparer du nouveau paradigme numérique. Illustration : la branche Corporate & Investment Banking (CIB) de la Société Générale s’est inspirée de Google dans le cadre de son passage au « continous delivery », un procédé qui consiste à mettre en service régulièrement et fréquemment de nouvelles versions des applications. L’objectif est double : automatiser pour tirer profit du digital et se centrer sur l’utilisateur, car in fine, c’est lui « qui choisit, et non l’ingénieur. La boucle de feedback du client final est déterminante pour être sûr que le produit que vous livrez est le meilleur », souligne Carlos Goncalves, DSI de la Société Générale CIB. Une évolution donc non seulement technologique mais de nature d’activité, qui se répercute sur les compétences requises pour un poste d’ingénieur…

Le chargé de clientèle : penser « client » et non « produit »

Le chargé de clientèle, principal interlocuteur du client, voit son environnement et ses tâches évoluer rapidement. Pour l’Observatoire des métiers de la banque, c’est, avec le directeur d’agence et le gestionnaire de back-office, le métier le plus impacté dans la banque de détail. Face à la baisse de la fréquentation des agences et à un client qui veut être informé « tout de suite », l’accent est désormais mis sur la personnalisation du conseil apporté et des solutions proposées. La relation client est également repensée par le biais des outils numériques mis à la disposition du chargé de clientèle. En parallèle, le chargé de clientèle se voit délesté des tâches à faible valeur ajoutée comme la gestion des liquidités et des opérations bancaires.

Le but : instaurer une relation de confiance, accroitre la fidélité du client afin de positionner la banque comme le partenaire qui accompagne tout au long de la vie, et particulièrement lors des moments forts d’une vie (achat immobilier, lancement d’une société, évènements familiaux, etc.). Les conseillers doivent donc penser « clients » et non plus « produits ». Et sur ce point, le numérique apporte d’ailleurs une meilleure connaissance du client, grâce notamment à l’analyse de données de plus en plus précises et variées (big data), permettent ainsi d’aller vers une personnalisation des services et une pertinence des produits proposés accrues.

Les RH « numérisent »

Les nouvelles technologies transforment, on le voit, les compétences dont les banques ont besoin. Ce qui positionne la RH comme un acteur majeur de la transformation… à condition de se saisir d’un certain nombre de nouvelles orientations : renouveler la manière dont on attire les talents, savoir mesurer la performance dans une optique de se rapprocher de la stratégie d’entreprise, mais aussi accompagner et « engager »… Pendant la crise, le secteur de la BFI « n’a pas pu se concentrer sur les sujets RH de rétention et d’attraction des talents », notait il y a peu un analyste. Aujourd’hui, comme on le suggère chez Natixis, la rémunération n’est plus l’élément de motivation premier : la qualité du management et une culture d’entreprise « humble » sont des critères désormais décisifs. Et en parallèle : on recrute de plus en plus sur des « axes comportementaux »…

Elargir sa base recrutement (tout en préservant la culture d’entreprise)

Pour jouer la carte de la différenciation et attirer de nouveaux talents, certaines banques n’hésitent pas à diversifier leur base de recrutement. Pour les métiers de la gestion des risques ou IT, des profils mêlant expertise technique et expérience commerciale sont appréciés. Metro Bank, nouvelle venue dans le secteur, s’aventure même hors des métiers traditionnels de la banque pour recruter et privilégie une approche par compétence. Le plus important pour Danielle Hammer, DRH de Metro Bank ? Préserver la culture d’entreprise alors que le réseau se développe.

Mesurer et améliorer la performance

Un des rôles clés des RH doit être de faciliter l’amélioration de la performance, non seulement via des indicateurs financiers pour quantifier l’efficience opérationnelle, mais aussi en termes qualitatifs : au-delà des seuls KPI, le professeur à HEC Charles-Henri Besseyre des Horts rappelait récemment l’importance du suivi des valeurs proclamées par l’entreprise (éthique, ouverture, esprit d’équipe, orientation client…), seul gage de mesure de la qualité des services fournis. Compétences, attitudes et connaissance du capital humain jouent en effet un rôle crucial pour apporter une meilleure compréhension de la qualité et de la performance de la relation client.

Comment ? En commençant par intégrer les RH à la stratégie de l’entreprise : au-delà du recrutement et de l’évaluation des performances, les stratégies RH incluent en effet la conduite du changement, la création de l’adhésion et de l’engagement des collaborateurs, l’attraction et le développement de talents en interne, la facilitation et l’amélioration du travail en équipe.

Top-talents et formation « massive » : accompagner la transformation numérique et attirer

Surtout, dans la banque, comme dans l’assurance, on « numérise ses équipes ». La formation est, au-delà de la conduite du changement, souvent la première pierre des politiques d’accompagnement. Talent development program chez BNP Paribas Corporate & Investment Banking, Natixis leadership program,… les programmes pour « développer » les hauts potentiels, surtout axés sur l’anticipation et la maîtrise des nouveaux modèles économiques, fleurissent. La Société générale et BNP Paribas ont par ailleurs développé des programmes de « COOC » (corporate open online courses, équivalent interne à l’entreprise des MOOC). Permettant de former « massivement », plus « sociale », mais surtout plus personnalisée, la formation numérique s’est petit-à-petit « fait une place dans les offres de formation », comme l’observait récemment Pierre Berthou (FuturSkill) et symbolise l’effort de formation permanent revendiqué par les entreprises du secteur. La « formation massive » s’affirme comme une priorité, comme chez le groupe BPCE, où le e-learning (dès 2012, notamment avec FuturSkill) et aujourd’hui les classes virtuelles doivent permettre de former, rapidement, 80 000 salariés.

Le « cross business mentoring », chez BNP Paribas CIB, révèle tout particulièrement l’une des orientations majeures de ces différents programmes de formation : le croisement des compétences, la transversalité, avec pour horizon l’ouverture du banquier à son environnement, à ses collaborateurs et à ses clients, et la naissance d’une nouvelle figure, le « banquier-manager ». « On fait confiance à des non-banquiers pour faire la banque de demain », va-t-on jusqu’à résumer chez Crédit Agricole.

Sur le marché de l’emploi, certains profils tirent en parallèle plus que d’autres leur épingle du jeu : parmi d’autres, les professionnels du coverage dotés d’une bonne « maturité comportementale et commerciale »… Le signe, aussi, d’une évolution structurelle des organisations : la BFI est de moins en moins isolée dans les groupes bancaires… et la nature mouvante de son activité, désormais à la fois conseiller en instrument financier et vendeur de crédits aux investisseurs, impacte durablement la nature des métiers cadres recherchés.

Par-delà ces spécificités liés à la finance, construire la « banque de demain » s’affirme comme un authentique projet collectif qui, plus que les seules évolutions de compétences, nécessite, en interne, de l’accompagnement. Illustration avec Cetelem (BNP), qui forme elle aussi ses conseillers dans la transformation numérique. Au programme : 900 conseillers à distance sensibilisés et formés par le biais d’ateliers participatifs. L’objectif de cette expérimentation baptisée « Elan digital » est non seulement de former, mais aussi d’embarquer : identifier les leviers et les barrières de la transformation numérique pour créer de l’adhésion autour d’un projet d’entreprise… Tout en développant et fluidifiant la mobilité interne, à l’image par exemple de BPCE et de son programme de mobilité interne personnalisé, rendu possible par la construction de référentiels métiers communs, à l’échelle du groupe.


ZOOM –  Recrutement : premiers signes de reprise

Du côté du marché de l’emploi, l’Association Française des Banques (AFB) note qu’aucune création nette d’emplois n’a été réalisée en 2013 (environ 13 000 recrutements pour 17 000 départs). De récents engagements, qui découlent en partie du pacte de responsabilité, sont néanmoins à signaler : l’AFB s’est fixée comme objectif de recruter 40 000 à 42 000 personnes d’ici 2017. “Cela ne permettra pas, toutefois, de renouer avec les standards des années 2010 ou 2011“, note cependant Les Echos.

Côté BFI, de premiers signes de reprise de l’emploi se font jour… mais le secteur peine à attirer les talents. Une tendance observable tant dans le monde anglo-saxon qu’en France. Les jeunes diplômés des écoles de commerce lui préfèrent la finance, le secteur du numérique ou le consulting. Les raisons de cette désaffection grandissante ne se résument pas à la simple question de l’attractivité salariale, mais également à des questions d’opportunités de carrière et, plus largement, à un problème d’image du secteur, mise à mal par la crise et quelques scandales… mais également peu associée aux alléchantes sirènes du numérique et de l’innovation.

“Nous avons un enjeu de rééquilibrage de notre pyramide des âges via l’embauche de jeunes cadres, indiquait récemment Cécile Tricon-Bossard, DRH de Natixis : la situation est à l’agenda des politiques RH et les entreprises se mettent en branle pour pallier ce désamour. En se fixant des objectifs de recrutement via des accords sur l’emploi dédiés, ou en prenant des mesures directement liées à la problématique d’attractivité : Goldman Sachs propose par exemple aux jeunes recrues de travailler sur des projets collaboratifs en parallèle des missions plus classiques du métier d’analyste. La nature des métiers, enfin, évolue, et c’est dans une large mesure dans la rapidité à se transformer et à faire évoluer ses besoins en compétences que se joue aussi la bataille de l’attractivité.


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Crédits images : Green Connections, MCAD Library, Tim Pierce, stjnky, jericlcat / Flickr / Licence CC BY NC SA
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