L’Observatoire du travail BPI Group-BVA-L’Express a enquêté sur l’entreprise idéale des salariés de tous les continents, en particulier en Europe. Une bonne nouvelle pour la France : 80% des salariés français prennent du plaisir au travail. Néanmoins, on déplore un certain nombre de frustrations importantes.
En France, l’entreprise idéale favorise l’épanouissement et l’équité
Avec 64% de salariés qui considère que leur employeur est proche de l’entreprise « idéale », la France se situe dans la moyenne des pays étudiés. Les critères de jugement liés à la « qualité de vie » et la « justice » au travail y occupent une place très importante tandis que, dans les pays où les salariés sont les plus satisfaits, la performance et la confiance sont au sommet de la hiérarchie des attentes des salariés.
En Suisse, aux Etats-Unis et au Canada, les trois pays où la proportion de salariés satisfaits au travail est la plus forte, l’entreprise idéale favorise surtout la qualité du travail et celle du service rendu au client. Elle accorde un haut niveau de confiance à ses salariés.
En France, si les salariés attendent aussi qu’une attention particulière soit portée à la qualité de leur travail (76% des réponses), les autres principaux critères de satisfaction des salariés au travail sont bien moins liés à la performance :
- avec 80% des réponses, les conditions de travail sont le principal souci des salariés ;
- l’attention portée à l’équilibre vie privée – vie professionnelle (74%) est essentielle ;
- l’égalité des chances constitue une attente forte : 72% des salariés veulent que leur entreprise offre à chacun la possibilité de progresser quels que soient son origine ou son sexe.
C’est la raison pour laquelle André Dupon, président du groupe Vitamine T, insistait dans l’Express sur la nécessité de « donner du sens » dans une interview à :
« Les entreprises ont pour valeur cardinale la maximisation du profit, le plus souvent au détriment de la qualité de la production et des relations avec l’ensemble de leurs parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, territoires, etc.). Il convient aujourd’hui de réconcilier le salarié avec son entreprise en redonnant du sens à l’action de tous. »
Un propos qui fait écho aux nouvelles attentes des jeunes diplômés, qui s’attachent désormais beaucoup à la dimension « accomplissement » de leur travail.
L’échange et la confiance, talons d’Achille des entreprises françaises
Dans l’Express Christophe Bouruet, directeur de clientèle de BVA Opinion, tirait la sonnette d’alarme sur l’insatisfaction des salariés français quant à l’échange et la confiance dans leur entreprise :
« Les Français sont les moins satisfaits sur trois critères clefs : la qualité de la communication interne, la possibilité de donner son opinion et l’écoute du management. »
En effet, à peine plus de la moitié des salariés interrogés (59%) s’estiment « bien informés » sur la vie de l’entreprise au quotidien (contre 64% aux Etats-Unis et 81% en Chine). Ils ne sont même que 47% à estimer être suffisamment tenus au courant des orientations stratégiques (54% au Royaume-Uni et 66% en Allemagne).
Bref, alors que les salariés attendent des relations de travail plus équilibrées, plus « adultes », surtout depuis la crise, leurs hiérarchies ne leur accordent pas encore suffisamment leur confiance.
Ceci se retrouve dans le peu de confiance accordé par les salariés aux vertus de l’échange et d’une véritable collaboration : seulement 66% d’entre eux estiment que « dire ce que l’on pense permet de trouver des solutions » (contre 90% en Finlande et 80% au Royaume-Uni) et 51% ont l’impression qu’il est mal vu de donner son avis (31% en Finlande et au Royaume-Uni).
Un travers qui semble particulièrement propre à la France : « le relationnel anglo-saxon est peut-être un peu plus prompt à dire les choses, là où en France on pourrait mettre un peu plus de temps », déclarait récemment Patrick Roth en réaction à un article par lequel The Economist vilipendait les managers français.
La solitude des salariés français, source de frustrations
On note également que les salariés français sont ceux qui estiment le plus que leur entreprise attend d’eux qu’ils soient autonomes : seulement un quart d’entre eux (26%) pensent que l’entreprise attache de l’importance à leur esprit d’équipe – contre 46% au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Pascale Portères, vice-présidente de BPI Group, analyse avec ironie dans l’Express : ils estimeraient que leur entreprise veut « qu’ils travaillent vite, bien et seuls! ».
On est donc encore bien loin du nouveau mode du travail. Ce qui n’est pas sans générer de frustrations, car les salariés Français sont pourtant nombreux à afficher leur sens du collectif – 86% sont satisfaits de leurs relations avec leurs collègues et 82% aiment transmettre leurs compétences.
Ce décalage entre les attentes et les pratiques est dangereux pour la performance des entreprises. En effet, une étude récente a démontré une corrélation réelle entre bien-être et performance :
« Le bien ou le mal-être intérieur a un impact profond sur la créativité, la productivité, l’engagement et la propension à travailler en équipe. Les salariés ont bien plus de chances d’avoir de nouvelles idées les jours où ils se sentent le plus heureux. »