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« L’entreprise devrait assumer qu’elle travaille à l’employabilité de ses salariés, et le dire ! »

D’ici à 2020, la mobilité professionnelle pourrait augmenter de 50%, affirme une étude de PWC. Multi-activité, mission courte, freelancisation, management de transition… de nombreuses tendances témoignent d’une vraie transformation des façons de travailler. Mais comment les entreprises peuvent-elles continuer d’attirer les talents – et les garder – à l’ère du travailleur nomade ?

« Le numérique déplace le pouvoir », a expliqué Daniel Kaplan, Délégué Général de la Fing lors de la dernière édition des Matinales de la Transformation organisées par ManpowerGroup Solutions le 4 février 2016. Avec les mutations croissantes du travail et des métiers, le pouvoir de déterminer son orientation de carrière et ses compétences se déplace de plus en plus des entreprises vers les salariés, qui sont invités à se réapproprier toujours davantage leurs parcours.

Une dynamique d’empowerment qui encourage les salariés à mieux connaître leurs compétences, et à chercher à en acquérir de nouvelles tout au long de leur carrière. Un grand pouvoir pour les salariés… et une grande responsabilité pour les entreprises ? C’est l’avis de Daniel Kaplan.

Comment attirer et fidéliser des travailleurs de plus en plus mobiles ?

42% des emplois seraient menacés par la robotisation, rappelle Daniel Kaplan. Si l’histoire nous apprend que ce type de bouleversement crée plus d’emplois qu’il n’en fait disparaître, il ne faut pas se voiler la face : la transition risque d’être douloureuse et peut durer plusieurs décennies. La première implication d’une telle transformation du marché du travail, c’est l’accompagnement des trajectoires d’évolution de tous ces travailleurs vers d’autres métiers.

Autrement dit, pas de transformation sans révolution du développement des compétences – et de la mobilité professionnelle. Car, aujourd’hui, ce ne sont pas que les entreprises qui se transforment, c’est aussi le rapport qu’entretiennent les travailleurs à leurs compétences et à leurs carrières. Des travailleurs de plus en plus mobiles :

« Le temps de passage moyen dans une entreprise aux Etats-Unis est de 4 ans, et ça n’est pas si différent en France où l’on observe, de façon croissante, le développement de l’emploi indépendant, le poly-emploi, et le raccourcissement toujours plus important de la durée du passage moyen ».

Un vrai changement de paradigme qui fait que des experts comme Denis Pennel (Ciett) annonce même la « fin du salariat », et résumait récemment, dans les pages de la HReview, l’ampleur de la transformation : « Mon père a travaillé toute sa vie dans la même entreprise. Moi, j’aurai eu sept emplois différents au cours de ma carrière. Nos enfants vont avoir sept emplois, mais en même temps ! »

 

Pour mieux garder les talents…  et s’il fallait risquer de les perdre ?

Ce désir de mobilité professionnelle, il ne faut pas le craindre, selon Daniel Kaplan, qui invite, au contraire à revoir le rôle des RH pour leur donner un sens nouveau : « Et si c’était justement pour contribuer à améliorer le destin de ses salariés, les aider à gérer leurs carrières, à enrichir et valoriser leurs compétences ? »

Lors d’un atelier organisé par la Fing sur la transformation du travail et le rôle des RH, les participants les imaginaient en véritables guides, sorte de coach de carrière au sein même des entreprises, qui pourraient aider les salariés à mieux évaluer leurs compétences et leurs valeurs. Pour Daniel Kaplan, cette tendance n’est pas une menace, mais une opportunité de repenser le rôle ressources humaines :

« L’entreprise doit assumer qu’elle travaille à l’employabilité de ses salariés, et le dire ! Nous avons imaginé des scénarios où des salariés quittent une entreprise puis y reviennent… on peut imaginer une sorte de diaspora d’entreprise ! »

Une idée surprenante face aux politiques traditionnelles de fidélisation des talents mais qui peut se résumer ainsi : pour mieux garder ses employés, il est temps d’oser prendre le risque… de les perdre !  Une stratégie à adopter rapidement car, ajoute Daniel Kaplan, « ce qui est certain, c’est que si vous ne le faites pas, quelqu’un le fera à votre place… et ce ne sera pas forcément amicale ».

 

« Permettre aux individus d’activer eux-mêmes leur mobilité professionnelle sans attendre »

Pour transformer la gestion des talents, il est donc impératif de développer des « systèmes d’évaluation de toutes compétences, notamment sur le digital, savoir-faire et savoir-être ». Bilan de compétences, VAE, logiciels de gestion RH, module d’innovation ouverte, les dispositifs ne manquent pas pour être sûr d’aider les salariés à développer de nouvelles compétences et de s’assurer que l’entreprise ait une connaissance approfondie et dynamique de celles qui sont à sa disposition.

« Il faut travailler à fond cette question d’individuation des parcours » affirme Daniel Kaplan, et encourager la création d’outils pour que chaque salarié soit acteur de sa mobilité professionnelle en interne comme en externe, et assurer une sorte de portabilité des compétences :

« Est-ce qu’on saurait recréer, aujourd’hui, l’équivalent de la musette du travailleur qualifié du XIXe siècle ? C’est lui, et nul autre que lui, qui concevait ses outils et les preuves de son art, et c’est ça qui permettrait à des individus d’activer eux-mêmes leur mobilité professionnelle sans attendre. Si chacun est maître de sa « musette », ça change absolument tout en matière de compétences, de curriculum, de réseau… »

La question dépasse alors le cadre de l’entreprise, pour rejoindre le débat sur le Compte Personnel de Formation (CPF). En conclusion, Daniel Kaplan s’interroge : « Saura-t-on imaginer un outil collectif pour donner le pouvoir aux salariés sur leurs propres compétences ? ». Un défi à relever dans les années à venir.

Crédit image : Swanny Mouton / CC BY-SA 2.0

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