« La France manque-t-elle de travailleurs ? » La question, posée par La Tribune, peut surprendre voire choquer : en janvier, le chômage a bondi pour la 21ème fois consécutive, près de 5 millions de Français (catégories A, B et C, DOM-TOM inclus) sont frappés. Pourtant, l’interrogation est légitime : 460 000 offres d’emplois n’ont pas été pourvues en 2012 : au total, cela représente plus de 15% des offres de Pôle-Emploi, un pourcentage en augmentation constante depuis 2008 (7,2% à l’époque).
Cette réalité est difficile à admettre, elle frôle l’absurdité : aujourd’hui, dans le monde entier, un chômage de masse coexiste avec de grandes difficultés, pour les employeurs, à trouver les profils qu’ils recherchent malgré l’abondance de la « main-d’oeuvre ». La France n’échappe pas à ce paradoxe, loin de là. Sur l’année 2012, parmi les 1,5 million de projets de recrutement dénombrés par Pôle-Emploi, 40% sont perçus comme « difficiles » et les « besoins en main-d’œuvre » non-satisfaits représentent 685 300 postes considérés comme vacants : « la tension monte ».
Près de 2 millions de postes vacants en Europe
Les difficultés d’un recensement global appellent à manier ces données avec une certaine prudence, mais la tendance est forte, et le paradoxe vivace à l’échelle européenne. Le chômage augmente presque partout sur le continent (la zone euro a enregistré 1,9 millions de chômeurs supplémentaires en 2012) mais, en même temps, la Commission observe une « hausse de la demande en main d’œuvre, essentiellement pour les professions hautement qualifiées ». Elle dénombre 1,85 million de postes vacants en Europe, en hausse de plus de 2% par rapport à 2011. L’Observatoire européen des postes vacants met en évidence cette inadéquation « structurelle » entre la réalité de l’économie et celle des compétences de la population active. C’est pour la surmonter que la Commission a mis en place une « Stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois ».
Les « pénurie de talents » font naître de nouvelles réalités sociales, en impulsant des mouvements migratoires. Les talents ne connaissent pas les frontières – leur mobilité devrait augmenter de 50% d’ici à 2020 – et la crise amplifie leurs mouvements : l’Allemagne a accueilli 10 000 Grecs supplémentaires en 2011 et 30 000 autres en 2012, une aubaine pour un pays vieillissant « désespérément en recherche de personnel qualifié ». Grecs, mais aussi Espagnols, Portugais ou Irlandais forment outre-Rhin une nouvelle vague de Gastarbeiter (du nom des « travailleurs invités », immigrés Turcs ou d’Europe du Sud dans les années 60). Mais, explique Le Monde, « la nouvelle génération d’arrivants se distingue de ses aînés. Elle est plus jeune. Et surtout plus diplômée ».
« Les chômeurs ne le savent pas »
Les difficultés touchent en effet particulièrement les métiers du management : selon l’APEC, 63% des recrutements de cadres sont jugés difficiles par les employeurs, un taux qui culmine à 79% pour les fonctions de production industrielle et à 74% pour les fonctions informatiques.
Ces pénuries s’accentuent notamment dans les nouvelles technologies, surtout pour les postes les plus qualifiés. Puisqu’ils deviennent particulièrement difficiles à trouver, une véritable « guerre des talents » est ainsi en train de prendre forme. au total, le secteur cherchera à pourvoir les « 900 000 emplois vacants qui devraient apparaître en Europe d’ici à 2015 », de l’aveu du Président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso, qui a lancé une « Grande coalition ». Si le numérique, gisement d’emplois d’aujourd’hui et de demain, est fortement touché, aucun secteur n’échappe à cette nouvelle donne. La construction d’infrastructures connaît aussi une pénurie d’ingénieurs qualifiés, mettant en danger la forte dynamique de croissance du secteur.
A l’image de l’aéronautique toulousain, qui se dote de dispositifs pour anticiper ses besoins en compétences et former en conséquence, les acteurs ont toutes les cartes en main pour surmonter cette situation paradoxale s’ils travaillent ensemble. Dans l’industrie comme dans l’agriculture, ce défi repose parfois sur un enjeu d’image ou de communication : « Chaque année, près de 12.000 emplois ne sont pas pourvus dans le secteur de l’agriculture, mais les chômeurs ne le savent pas », note ainsi Le Figaro.
85% des Français ne savent pas que le secteur agricole recrute alors que plus de la moitié des demandeurs d’emploi seraient enclins à y travailler. Parmi ceux qui habitent en zone rurale ou périurbaine, ils seraient même près de 70% à se former pour se diriger vers une activité agricole. Des « transitions professionnelles » contre la pénurie ? Une piste déjà empruntée par la SNCF, qui souhaite former et embaucher des ex-PSA et Air France en voie d’être licenciés à Aulnay…
Les opportunités d’emploi en EuropeSelon l’édition de février du Bulletin européen sur la mobilité de l’emploi, qui se base sur les emplois vacants publiés sur le portail EURES (au 1er février 2013), les profils suivants sont particulièrement recherchés en Europe :
La Baromètre Manpower des perspectives d’emploi, qui sera publié mardi 12 mars, permettra d’en savoir plus… |