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Semaine de l’emploi #25 – La cacophonie du bonheur

Samedi – dimanche – lundi : la fin des cloches a-t-elle sonné ?

Le week-end de Pâques a redonné du baume au coeur des blagueurs, qui avaient un temps craint de se retrouver orphelins de leur source d’inspiration au caramel.

Mais l’embellie pourrait être de courte durée :

Le Premier ministre aurait décidé, d’un commun accord avec le Ministre du Travail, « de supprimer le jour férié de Pâques dès l’année prochaine. » Raison invoquée :

« Pâques coûte chaque année trois milliards d’euros, soit 0,1 point du PIB français. Outre ce jour férié, les entreprises subissent une perte de productivité durant les trois jours qui suivent. »

« Le peuple se prépare à se soulever » aux cris de « rendez-nous notre chocolat! », alerte le blogueur Guirec. La crise nécessitant de nombreux efforts, l’information sème un – léger – vent de panique dans la tweetosphère – certains oubliant que le lundi de Pâques était aussi un 1er avril… Qui a dit que les Français de la crise ne croient plus aux mobilisations collectives ?

Mardi – « Des lueurs d’espoir et des armes »

Michel Sapin à l'AssembléeLe débat s’engage à l’Assemblée nationale pour donner force de loi à la réforme du marché du travail négociée par le patronat et la majorité des syndicats. Le Monde le couvre en direct, le ministère du Travail propose un livetweet du discours de Michel Sapin qui, face à l’opposition d’une partie de la gauche de la gauche et de certains syndicats, le Ministre du travail se lance dans un vibrant plaidoyer.

En effet, l’accord va faire évoluer de nombreux aspects du travail. Et s’il ne changera probablement pas la donne du chômage à court terme, il lutte contre un mal très français : le dualisme entre insiders et outsiders – c’est pourquoi l’Atelier de l’emploi considère qu’il fait passer « la troisième vitesse » à notre marché du travail.

Mercredi – Le bonheur, c’est la confiance en soi

« Les Français ont 20% de chances en moins d’être heureux » : c’est le diagnostic posé par l’étude de Claudia Senik, professeur à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris (PSE, Paris School of Economics). Ce qu’elle explique sur Rue 89 est aussi inquiétant que rassurant : les Français auraient une propension au bonheur bien plus faible que les autres citoyens du monde… mais les gênes ne sont pas en cause, on peut agir : la première explication de cet état de fait serait à trouver dans « l’élitisme » de l’école de la République.

Claudia Senik précise sa pensée au journaliste Mathieu Deslandes : cette tendance à moins facilement se sentir « heureux » serait issue d’une « contradiction dans le système français entre élitisme et égalitarisme. On dit à tout le monde : il y a égalité des chances. Mais on a un système super élitiste et unidimensionnel. On demande aux gens d’appartenir aux 5% des meilleurs. » La solution serait de s’inspirer des modèles qui poussent à l’estime de soi :

« L’école française a plein d’avantages, elle produit des gens très bien formés, mais ce n’est pas l’école du bonheur. On connaît un autre extrême : une école où l’on dit sans arrêt aux enfants « c’est bien », « c’est merveilleux », « c’est formidable », « tu es vraiment génial », « great », « wonderful », « gorgeous »… Et ça produit quoi ? Ça produit de l’estime de soi et de la confiance en soi. Précisément la base du bonheur. »
 

Au coeur du bien-être « au travail », la confiance devient décidément un idéal… Faut-il aller s’expatrier au Bhoutan pour les trouver ?

Jeudi – Le travail, c’est la santé. Et la crise, la dépression ?

Le changement ne sera pas forcément pour maintenant : nous serions naturellement conservateurs.

Philosophie Magazine… philosophe avec Ruwen Ogien : le bonheur est-il vraiment LA question aujourd’hui ?

Il y a tout de même de quoi angoisser : un sondage de Viavoice confirme le diagnostic de Denis Muzet70% des Français ont le sentiment de vivre une « dépression collective ».

Alors que le sociologue décrit nos concitoyens comme désorientés et se repliant sur eux faute de « sens » donné par le politique, l’analyse du sondage de Viavoice conclut que ce sentiment « découle davantage d’une perte identitaire que de difficultés individuelles ou de contraintes économiques et sociales ». Dans toutes les langues, le constat inquiète :

 

Les deux ne seraient-ils pas liés ? « La mondialisation » n’est-elle pas une donnée « économique et sociale » entraînant une redéfinition de l’identité, et expliquant le repli sur soi puisque nous n’aurions pas confiance dans nos capacités – individuelles comme collective – à faire face ? La confiance, encore et toujours… mise à mal par l’affaire Cahuzac et les révélations qui s’en sont suivies. La colère gronde.

http://www.youtube.com/watch?v=qmuy85NC8Lo

Pendant ce temps-là, lueur d’espoir : après de longs débats, l’article 1er de la loi sur la réforme du marché du travail est adopté. Malgré des intérêts assez divergents, il généralise la complémentaire santé à tous les salariés.

Mais cette avancée ne suffira pas. La question du sens taraude les Français, notamment celui du travail :

Votre travail a-t-il encore du sens? Philosophie Magazine« Le burn-out est-il le nouveau mal du siècle ? (…) Le monde professionnel est plus que jamais frappé d’incertitude. Comment s’y retrouver ? Traditionnellement, le travail représentait pour Aristote, Marx ou Arendt le moyen de se construire soi-même en façonnant le monde. Bref, de réaliser la condition humaine. Mais lorsque nos œuvres sont éphémères, instables, lorsque nous travaillons sur des flux d’informations et non sur des objets concrets et palpables, nous avons l’impression que le monde que créent nos mains et nos cerveaux se liquéfie, disparaît. Ne percevant plus la finalité de notre activité, nous nous sentons désorientés. »

Pour François Dupuy, c’est l’organisation actuelle du travail qui est en train de nous épuiser. Le sociologue accuse l’abandon du taylorisme qui « avait le mérite de protéger les salariés, qui n’avaient pas besoin de coopérer entre eux. » La coopération, un malheur ? En quelques sortes : elle ne serait pas naturelle et coûterait aux salariés. C’est ce nouvel environnement qui leur ferait perdre repères et confiance en eux.

« Les gens sont mis en dépendance les uns avec les autres. La souffrance vient de là. C’est comme être tout nu au milieu des autres et être jugé individuellement. »

Après la confiance, c’est l’indépendance qui serait la matrice du bonheur. Pas évident de s’y retrouver : « les autres » sont-ils l’enfer ou le paradis ?! Le docteur François Baumann, auteur du Guide anti burn-out, nous invite à raison garder dans nos questionnements :

« Beaucoup de gens travaillent pour être aimés et se trompent de cible. Plus les gens s’investissent ainsi, plus ils risquent de faire un burn-out. »

Vendredi – Et si le bonheur était dans l’action ? Osons !

Comme un bras d’honneur à la crise et aux discussions socio-philosophico-psychologiques, le Forum « Osons la France » met le doigt – du bonheur – sur ceux qui agissent. On n’y discute pas du sexe des anges, mais le registre de la foi n’est pas loin.

Refusant la résignation dépressive, Aude de Thuin – initiatrice de l’évènement – veut croire que le meilleur est à venir, témoignages à l’appui. Parmi « ceux qui ont osé », la fondatrice de l’agence de communication BETC Mercedes Erra témoigne : pour retrouver le chemin du bonheur, il faut regarder les mutations en face afin de comprendre comment évoluer. Pour d’autres, le salut de la croissance et de l’emploi viendra de la coopération – encore elle – entre grandes entreprises et PME.

Cette semaine était à l’image de la France et des Français dans « la crise » : désorientée, entre ombres et lueurs d’espoir. « Dans notre société recroquevillée, où les mots du politique ne mobilisent plus, la défiance et la résignation dominent. Quelle sera la France de demain? Qui suis-je, que puis-je, moi, petit individu, face à cette montagne de l’économie, à ces grands groupes, à cette dette accumulée, à ces agences de notation toutes puissantes ? », demande Denis Muzet. Tentatives de réponse aux prochains épisodes.

Chansons de la semaine : la mélodie du bonheur, c’était mieux avant ?

Il y a quelques années, Benjamin Biolay chantait une mélodie du bonheur assez mélancolique. Signe de temps où « c’était mieux avant » devient un slogan ? Bien avant, Georges Brassens, moquait la glorification des racines ; qu’aurait-il chanté aujourd’hui ?

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> Image de Une issue du flickrstream de hlanchas (sous licence CC)

Les Français en dépression ? Enquête et analyses de Denis Muzet

« Les mots de la crise » : en exclusivité, un mot/expression décrypté chaque jour par Denis Muzet

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