Cette semaine a commencé par un cocorico : après d’âpres négociations, qui ont déconcerté plus d’un commentateur, les partenaires sociaux ont fini par trouver un accord pour réformer le marché du travail. Une réforme profonde, qui engage la France sur la voie de la « flexisécurité ». Historique ? C’est ce que pense la presse étrangère, dithyrambique. En France, peu ont vraiment crié victoire.
Pourtant, même des adeptes du France-bashing comme « The Economist », qui aiment à décrire les Français comme des archaïques indécrottables, génétiquement hostiles à la réforme, vivant « dans le déni » ou faisant l’autruche, reconnaissent d’indéniables progrès. The Economist cite… l’économiste Pierre Cahuc : « L’accord est meilleur qu’on ne pouvait le craindre ». L’hebdomadaire poursuit : « Pour la première fois, les employeurs vont pouvoir adapter le temps de travail et les salaires en cas de difficultés. […] L’accord est aussi une preuve importante de la possibilité de réformer la France par la négociation et sans mettre tous les Français dans la rue. » Venant de ces Britanniques, c’est presque une déclaration d’amour.
Vous êtes plutôt flexi ou curité ? Twitter en mode binaire
A l’intérieur de nos frontières, on sait que beaucoup va changer au travail… pour le meilleur ou pour le pire ? Ca discute. Guillaume Duval, rédacteur en chef du magazine Alternatives Economiques, est typiquement dans le « ni-ni ». Le journaliste David Abiker a des doutes :
« Moi je n’en suis pas sûr que ce soit un accord historique, mais ce professeur [Gilbert Cette, expert du marché du travail] assure que s’il ne crée pas d’emplois, l’accord une fois transformé en loi par nos parlementaires pourra sans doute en sauver. Voici ses arguments. »
Sur Twitter, c’est la même hésitation : après le hashtag #negoemploi qui a permis de suivre la négociation à la minute, les commentaires sur #accordemploi fusent, en mode binaire. Normal, nous sommes dans la sphère numérique.
1er round : l’emploi gagne par KO
Angèle Malâtre-Lansac, directrice des études de l’Institut Montaigne, essaie de mettre tout le monde d’accord sur l’accord, qui « constitue un bel exercice d’équilibrisme entre les besoins des entreprises – compétitivité et flexibilité – et ceux des salariés – sécurisation. Le grand gagnant en est l’emploi ». Enfourchant un cheval de bataille de l’Institut Montaigne, elle plaide pour l’urgence d’une « remise à plat » de la formation professionnelle – qui bénéficie avant tout aux plus diplômés.
Les Français et l’entreprise : love story?
Etonnante coïncidence, cet accord qui fait passer la troisième vitesse au marché du travail français a été trouvé au moment où une enquête révèle le visage de Français bien plus favorables à l’entreprise qu’on ne le dit souvent. Elle deviendrait même leur nouveau refuge pendant la crise, le lieu où ils se sentent « quelqu’un » et qui leur inspire de plus en plus confiance. Une révolte ou une révolution? The Economist ne s’est pas encore penché sur la question. Mais la Commission européenne devrait s’en réjouir, elle qui considère l’esprit d’entreprise comme le plus puissant créateur d’emploi de toute l’histoire économique.
Le Danemark, tu l’aimes mais tu le quittes pour trouver du travail
Prochaine étape de la lune de miel : réconcilier les Français avec la mobilité. Il y a du chemin à parcourir. Au Danemark, le ministre du Travail a conseillé à ses compatriotes qui cherchent un emploi d’aller en chercher … chez le voisin norvégien! « C’est la donne du marché du travail moderne. Là où il y a une pénurie de personnel, on peut voyager, que ce soit au Danemark, en Norvège, en Suède, en Allemagne ou ailleurs. » Cet été, le Premier ministre portugais avait défrayé la chronique quand il a conseillé aux jeunes de « faire preuve de plus d’effort, (…), laisser leur zone de confort » en cherchant du travail ailleurs. Comment réagiraient les Français à de telles déclarations ? Mal, probablement.
Dans une étude mondiale, plus de la moitié des personnes interrogées (54.3%) envisageaient de s’expatrier, l’emploi étant leur première motivation. Les Français sont les moins enclins à partir, après les Péruviens, même pour naviguer vers des cieux plus cléments. Si vous cherchez du travail mais ne voulez pas quitter un pays auquel vous êtes attaché : et si vous alliez faire un tour du côté de Toulouse, Marseille ou Rennes ?
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- @SimonGourmellet, auteur de l’article sur la flexisécurité, signalé par @GARREAU75