ANALYSE. Attractivité, croissance, création d’emploi, la région Midi-Pyrénées est un modèle de réussite à plusieurs égards. Son paradoxe ? Un des taux de chômage les plus élevés en France. État des lieux.
Face à la vague de désindustrialisation dont souffre la France, la région de Toulouse continue de résister et d’étonner par son dynamisme : les entreprises continuent d’y créer plus d’emploi qu’elles en suppriment, que ce soit dans les services ou dans l’industrie. En 2015, l’activité industrielle régionale devrait encore progresser de 2,9% selon les dernières prévisions de la CCI de Toulouse. Présence d’Airbus, réseaux de productions agricoles, dynamisme dans le numérique, les initiatives sont multiples et font de la région un modèle à plusieurs égards.
Pourtant, la région affiche aussi un taux de chômage de 10,4%, qui lui vaut de figurer dans les 10 régions les plus touchées de France. Paradoxe ? L’Atelier de l’Emploi se penche sur le phénomène.
Toulouse, précieuse pour l’emploi… future capitale de la région ?
Emploi, attractivité, évolution démographique, formation supérieure, R&D…Toulouse concentre une bonne part du dynamisme de la région : les 453 communes qui composent son aire urbaine totalisent plus de 1,250 millions d’habitants soit 43 % de la population régionale. Ce chiffre en fait « la 4e aire urbaine de France, après celles de Paris, Lyon et Marseille, et dorénavant devant celle de Lille » selon l’INSEE. Mieux : la réforme territoriale se concrétise et Toulouse a été choisie comme chef-lieu provisoire pour devenir la capitale de la future région Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées, au détriment de Montpellier.
La zone d’emploi de Toulouse est la locomotive de la région : elle se caractérise par une attractivité productive incontestable, au même titre que d’autres zones d’emploi comprenant une capitale régionale, comme Lyon ou Bordeaux, mais avec une particularité : la prédominance de l’aérospatial moteur de son tissu économique, qui représentent un emploi salarié sur dix. Le secteur séduisant les cadres comme les personnels de conception-recherche fait ainsi de la zone d’emploi de Toulouse celle qui attire le plus d’actifs qualifiés au niveau national proportionnellement au nombre d’emplois.
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Déjà versée dans l’économique numérique, la ville a obtenu fin 2014 le label French Tech : « C’est à la fois la faiblesse et la force de notre dossier : notre diversité. Il y a à Toulouse et dans sa région une multiplicité d’acteurs dans le numérique. Il a fallu dépasser la bataille d’égo pour fédérer tout le monde autour d’une ambition commune, explique Philippe Coste, directeur de l’école Epitech et directeur délégué French Tech Toulouse. « À Toulouse, notre « identité » sera basée sur l’expérimentation. Nous espérons attirer 20 % de start-up étrangères en plus en 10 ans. C’est un vrai pari », poursuit-il. Benjamin Böhle-Roitelet, fondateur d’Ekito et ambassadeur French Tech, précise : « Si une entreprise doit tester une application dans un avion, un restaurant ou une maison de retraite, nous devons lui mettre à disposition ce lieu pour qu’elle se confronte le plus rapidement possible à son marché« .
Source ADAFEC
Le champ d’attractivité de Toulouse s’élargit également sur les territoires limitrophes, provoquant un regain de dynamisme dans les villes moyennes. La force de la région réside également dans le maillage territorial par des pôles urbains dynamiques et attractifs : hors Toulouse, ce sont en effet 11 grandes aires urbaines qui abritent près d’un quart de la population régionale.
Si l’aéronautique occupe la part belle à Albi ou Rodez, les industries chimiques ou pharmaceutiques sont également bien implantées, à l’exemple des laboratoires Fabre à Castres. « L’implication des acteurs locaux est forte, rappelle Alain Di Crescenzo, le premier vice-président de la CCI régionale et le président de IGE-XAO. Nous faisons tout pour enraciner l’industrie dans le territoire, à Toulouse mais aussi à Foix, Rodez, Albi, Montauban… dans le monde économique, l’union fait la force ».
Des atouts : 4 secteurs structurants, entre spécialisation et diversification
A la fois spécialisée et diversifiée, l’économie de la région tire son épingle du jeu. Quatre principaux secteurs, qui structurent la région, se démarquent :
Agriculture et agroalimentaire : 80% de PME qui constituent le premier employeur régionale
Avec 100 000 emplois salariés, le secteur agricole et l’agroalimentaire est le premier employeur régional devant le secteur hospitalier public et l’aéronautique. Spatialement, l’agriculture représente 52 % du territoire. La région se caractérise par la diversité de ses productions agricoles : cultures d’oléagineux et de céréales sont présentes dans la vallée de la Garonne, les élevages de bovins, d’ovins et de caprins sont situés dans les coteaux et les montagnes, et le maraîchage ou l’arboriculture dans l’Ouest. Au total, sur 1 349 établissements, 1 052 comptent moins de neuf salariés et seuls 2 dépassent les 500 salariés notamment Andros, avec sa filiale Tradifrais et Euralis.
L’aéronautique : une spécialisation à forte cadence de production… et de recrutement
Depuis 2010, le secteur enchaine les années fastes. Résultats : les carnets de commandes des avionneurs sont bien remplis, les cadences de production s’accélèrent et le secteur recrute. Connu pour être une spécialité toulousaine, la filière est certes concentrée autour de la ville rose mais irrigue tout le territoire régional : ce sont en effet près d’un millier d’établissements, œuvrant dans les domaines tout aussi variés que la construction, la métallurgie, la mécanique, la fabrication, la maintenance ou la logistique qui se répartissent le territoire régional (et même au-delà puisque plus de 600 entreprises et sous-traitants sont implantés en Aquitaine et même en Pays de la Loire). La région sera d’ailleurs présente en force au salon du Bourget 2015 : 76 entreprises se rendront à la prochaine édition, soit 22 de plus qu’en 2013).
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Les services aux entreprises : des petites structures qui misent sur l’effort de recherche
« Le tissu économique de Midi-Pyrénées est majoritairement constitué de petites structures. Leur activité est le plus souvent tournée vers les services administrés, le commerce et les services aux entreprises », explique l’INSEE. Un secteur qui concerne 151 300 salariés 39 955 établissements. Si le transport et l’entreposage arrivent en tête, ils sont suivis de près par l’informatique, l’ingénierie et les services de l’information. Dans la région, les services aux entreprises ont donc largement pris le tournant de l’économie de la connaissance en mettant l’accent notamment sur la R&D. Midi-Pyrénées se distingue en effet par son effort de recherche qui le place sur le podium européen des régions qui investissent le plus dans ce domaine.
Bâtiment et Immobilier : un dynamisme incertain
Depuis 2009, les entreprises des deux secteurs connaissent, à l’image de la dynamique nationale, une baisse importante de leur activité. Si la reprise avait pointé son nez dès 2011, chiffre d’affaires, création d’entreprise et embauche connaissaient depuis une évolution en dents de scie. En 2013, le secteur du bâtiment comptait 29 365 établissements, 49 072 salariés, 5 061 intérimaires (ETP), 7 606 jeunes en formation dont 3 853 apprentis pour 19 113 logements mis en chantier. La Haute-Garonne, département moteur du secteur, totalise à lui seul 50 % de la production totale dans la région.
Le défi de l’attractivité : le chômage, revers la croissance ?
Revers de la médaille, ce regain d’activité et d’attractivité dans plusieurs secteurs se traduit concrètement par des difficultés de recrutement, très fortes autant dans les métiers peu qualifiés que très spécialisés. Serge Lemaître, directeur régional du Pôle Emploi Midi-Pyrénées commentait récemment la montée du chômage :
Midi-Pyrénées connaît un important dynamisme du fait de son tissu économique porté par l’industrie aéronautique. C’est aussi l’une des rares régions à voir son emploi salarié croître en 2014. Pour autant, l’attractivité du territoire a pour conséquence l’accroissement de la population. Selon l’Insee, Midi-Pyrénées devrait rester la deuxième région en France dont la population active augmentera le plus dans les dix prochaines années. Or, un actif qui trouve du travail ici emmène avec lui son conjoint…
Une attractivité à double-tranchant pour une région promise à fusionner avec le Languedoc-Roussillon, une des régions les plus touchés par le chômage en France (13,9%). « La nouvelle région issue de la fusion de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon se trouve renforcée dans sa position de première région créatrice d’emploi », souligne David Cousquer, créateur et gérant de Trendeo et de l’observatoire de l’emploi et de l’investissement.
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Pour la région Midi-Pyrénées, le défi est donc clair : réussir à ce que l’attractivité de l’offre et la demande d’emploi se rencontrent. Zoom sur les stratégies de la région pour surmonter les difficultés de recrutement dans la suite de notre dossier.
Crédit image : Pistolero31, Desperado31, gald, Laurent Jégou / CC BY 2.0