La presse s’est fait l’écho de ce chiffre impressionnant : dans ses « Tendances mondiales mondiales de l’emploi des jeunes 2012 », l’Organisation internationale du travail (OIT) comptabilise 75 millions de jeunes au chômage dans le monde et ne prévoit pas d’amélioration avant 2016. Pour éviter le « sacrifice » d’une génération toute entière et la mise en péril du bien-être de tous, il n’y aurait pas d’alternative : l’emploi des jeunes doit devenir une priorité politique absolue. C’est pourquoi le Forum mondial sur l’emploi des jeunes s’est ouvert hier à Genève.
Au-delà du de l’état d’urgence, que faire ? Si le retour de la croissance est indispensable, celle-ci doit impérativement voir son « contenu en emplois » des jeunes s’enrichir profondément.
L’Atelier de l’Emploi se fait l’écho du diagnostic et des solutions de l’OIT.
L’OIT a recensé 75 millions de jeunes (âgés de 15 à 24 ans) qui sont officiellement au chômage dans le monde. Un nombre qui a augmenté de 4 millions en 5 ans, alors même qu’il ignore ceux qui, faute de perspectives, abandonnent leur recherche d’emploi ou prolongent leurs études ; en prenant en compte cette « face cachée », le taux de chômage des jeunes s’élèverait à 13,6%.
La crise, dont les jeunes du monde entier ont été les premières victimes jusque dans la florissante Asie orientale, est évidemment à l’origine de cette profonde dégradation. Mais le mal est bien plus profond. Ekkehard Ernst, responsable de l’unité « Tendances de l’emploi » de l’OIT, confiait ainsi au Monde que « le problème du chômage des jeunes et du décrochage de toute une génération est en train de se pérenniser. De conjoncturel, le problème est devenu structurel ». Chiffres à l’appui, il développe son propos dans la vidéo ci-dessous :
Génération scarifiée, génération sacrifiée ?
La combinaison de tendances aujourd’hui bien identifiées a fait de l’épidémie liée à la crise un mal désormais endémique : le dualisme du marché du travail, l’ampleur du « décrochage » et le développement du « skills mismatch » font craindre le spectre d’une « génération sacrifiée ».
- On le sait, toujours plus de jeunes « décrochent » du système. En France comme dans l’ensemble de l’Europe, près de 13% des jeunes sans emploi ne suivent ni études ni formation (les « ni-ni » ou « NEET », en anglais) et, dans des pays comme l’Italie, l’Espagne, l’Irlande ou la Grèce, plus d’un jeune sur cinq est concerné. Exclus de systèmes « obsédés » par le diplôme, cette « deuxième jeunesse » se radicalise.
- Longtemps considéré comme un sésame vers l’emploi, le diplôme n’est plus un rempart absolu face au chômage – qui se répand à tous les niveaux de qualification. La cause de cette nouvelle tendance a été identifiée par McKinsey : un nombre croissant de formations ne sont plus pertinentes, ne correspondent plus aux besoins des employeurs. Une analyse confirmée par l’OIT, qui s’inquiète notamment d’un phénomène de « surqualification » qui devrait s’aggraver avec l’allongement de la durée des études dans les pays développés.
- Les jeunes sont les premières victimes du « dualisme du marché du travail » : alors que les « formes atypiques d’emploi » sont les moins protégées (notamment en France, d’où l’appellation médiatique d’« emplois précaires »), près des 2/3 des jeunes du monde entier travaillent soit à temps partiel, soit en interim.
Selon l’OIT, ces phénomènes combinés pourraient faire d’ un nombre toujours croissant de jeunes des victimes à vie de la crise : « l’effet de scarification » (scarring effect, issu du mot anglais scar : cicatrice) se faisant ressentir sur le long terme, la « marginalisation » les guetterait selon le rapport.
La croissance, nécessaire mais insuffisante
Comment éviter, alors, qu’une génération toute entière ne soit perdue ? L’OIT prévient que « à eux seuls, l’enseignement et la formation ne suffisent pas à créer des emplois » : à court et moyen terme, seule la croissance permettra de redresser la situation – probablement pas avant 2016 selon ses calculs.
Mais, pour réellement inverser la tendance, les politiques publiques doivent faire de l’emploi des jeunes une priorité absolue et s’attaquer à ses maux structurels. C’est pourquoi le Forum mondial s’est ouvert hier, pour la préparation duquel l’OIT a engagé un vaste processus collaboratif afin, notamment, de recenser les meilleures pratiques.
Il en ressort que trois piliers, présentés par José Manuel Salazar-Xirinachs (Directeur exécutif du secteur Emploi de l’OIT), sont incontournables :
- les systèmes d’enseignement et de formation doivent combiner théorie et pratique (alternance) ;
- l’esprit d’entreprise doit être soutenu ;
- le rôle des professionnels de l’emploi doit être appuyé et leurs actions coordonnées.
L’Atelier de l’Emploi analyse ces piliers dans son prochain billet.
Pour en savoir +
- Téléchargez le rapport « Tendances mondiales de l’emploi des jeunes » (pdf, en anglais)
- Téléchargez la synthèse en français (pdf)
- Visitez la version française du site du Forum mondial sur l’emploi des jeunes
- Suivez et participez au Forum mondial sur Twitter avec le hashtag #YEF
- Lisez le billet de l’Atelier de l’Emploi : « Si on perd une génération, c’est tout un pays qui va perdre sa compétitivité »