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La technologie n’est pas l’ennemie du bien-être au travail

Essor des réseaux, large bande, télécommunications mobiles…les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont profondément évolué ces quinze à vingt dernières années. La crise n’a pas altéré la poursuite de la généralisation de l’usage des TIC et la croissance de la société mondiale de l’information.

L’impact de ces usages sur notre vie quotidienne, nos modes de consommation et rapports sociaux est immense et suscite un débat vif et permanent. Pourtant, alors que près de deux actifs occupés sur trois utilisent régulièrement les TIC dans leur activité professionnelle, leur impact sur l’exercice du travail est rarement analysé et, à l’époque de la « Grande Transformation », les études concrètes manquent.

Un rapport du Centre d’analyse stratégique (CAS) et de la direction Générale du Travail (DGT), publié la semaine dernière, vient combler ce vide.

Couverture rapport CAS-DGT TIC & conditions de travail

Dans cette étude, les auteurs concèdent que « les effets des TIC sur les conditions de travail sont souvent positifs, par exemple quand elles permettent aux salariés d’accéder plus simplement à l’information et de trouver des solutions rapides et adaptées à leurs problèmes. » Mais ils ont surtout étudié les risques qu’elles présentent pour les conditions de travail en transformant l’organisation du travail et de la production :

Au-delà des conséquences directes des évolutions technologiques, l’étude souligne aussi des « mutations sociétales [qui] peuvent également contribuer à favoriser ces risques ». Elle montre que, si les nouvelles technologies brouillent les repères traditionnels du travail, beaucoup de craintes en matière de conditions de travail ne reposent sur aucune tendance observable – voire sont contredites par les faits.

Les TIC enrichissent les échanges, la solidarité et le libre choix des salariés

Dans de nombreux esprits, les technologies de l’information conduisent à un isolement salariés « derrière leur ordinateur » ; pourtant, dans les faits, « on constate globalement que ces technologies contribuent plutôt à un élargissement des collectifs de travail », indique le spécialiste Jérémie Rosanvallon. Il précise :

« Les utilisateurs sont insérés dans ces collectifs larges, avec de fortes relations d’entraide. Les liens avec leurs équipes de travail se distendent parfois mais toujours au profit d’autres équipes, souvent extérieures à leur service. »

S’il concède que les TIC contribuent parfois à rendre les échanges concrets entre salariés « plus formels, plus brefs et moins personnalisés », Jérémie Rosanvallon montre, études à l’appui, qu’elles « permettent plus généralement d’intensifier et de diversifier les échanges entre collègues, tout en laissant une place à l’informel ». Elles soutiendraient même la liberté individuelle des salariés, qui « adaptent ici souvent leurs usages en fonction de leurs besoins : ils renforcent et enrichissent les échanges avec certains collègues, les diminuent et les formalisent avec d’autres ».

Les nouvelles technologies doivent être « managées »

Le CAS et la DGT mettent en exergue un « brouillage des frontières spatiales et temporelles entre travail et hors travail, ainsi que les effets de la surinformation qui se traduit notamment par l’accroissement excessif du flux des courriels ». En effet, les TIC transformeraient les notions-mêmes de « temps de travail » et de « lieu de travail ».

Avec elles, la vie professionnelle est de plus en plus mobile, de moins en moins clairement séparée de la vie personnelle. Surcharge de travail en cas d’intensification des rythmes issue de l’amélioration de la productivité induite par le progrès technologie, infobésité, augmentation du contrôle, de la prescription et de la standardisation, limitation de l’autonomie : ces évolutions peuvent «agir négativement sur la confiance, la motivation, l’engagement au travail, et induire dans certains cas des logiques de contournements des règles».

Explosion des données mobiles

L’impact direct sur la performance a, en effet, été mis en évidence, en particulier pour « les utilisateurs de TIC avancés» : par exemple, les troubles de la concentration induits par l’irruption incessante de nouvelles informations et l’interruption des tâches sont avérés.

Tout cela est exact…mais il s’agit ici avant tout, montre le rapport, d’une question d’anticipation et de gestion de l’information et d’organisation du travail. Car l’impact des technologies sur les conditions de travail relève avant tout de choix organisationnels et managériaux : bien anticipées par les organisations, partagées et managées, les conséquences des changements technologiques sont extrêmement bénéfiques.

Contrôle des salariés : une question de management et non d’outils

En matière de contrôle, les résultats des études se révèlent « ambivalents ». Il en ressort notamment, par exemple que, si les TIC enrichissent la panoplie des outils, elles ne sont pas à l’origine d’un contrôle accru : là encore, c’est avant tout « le contexte organisationnel et managérial qui est en cause.  Ainsi, la transparence des résultats individuels et les nouveaux modes de management comme le lean management, liés aux changements technologiques, conduisent parfois à « un mécanisme de pression par les pairs (peer pressure), par l’intensification de la concurrence entre les équipes mais aussi par le renforcement du contrôle du groupe sur les personnes » qui peuvent générer du mal-être et une moindre performance, selon l’étude.

Les excès de l’hyper-rationalisation

Quant à la rigidification des procédures, le rapport pointe certains excès : l’usage des TIC conduit parfois à « des formes d’hyper-rationalisation, prescrivant non seulement les objectifs du travail mais aussi les modes opératoires, limitant ainsi fortement les marges de manœuvre du salarié pour organiser son travail ».

Veiller aux équilibres en se focalisant sur les usages

Face à ces risques, dont celui – évident – d’une « dépendance accrue des utilisateurs au bon fonctionnement de l’informatique », le rapport recommande aux entreprises de veiller aux équilibres en se focalisant sur l’analyse des usages des technologies par les salariés. Surtout, il tire la sonnette d’alarme sur le déficit criant de compétences en la matière.

 

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