« Lors de l’année 2011, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec de nombreux leaders du monde de l’entreprise et des RH. Ils ont tous entendu parler d’une thématique commune : nous avons besoin de rendre nos organisations plus agiles. Il est pour nous nécessaire de concevoir différemment l’entreprise si l’on veut apprendre plus rapidement, mieux communiquer et être plus réactif au changement. Cette quête de l’entreprise plus agile a changé la nature même de ce que nous appelons un emploi. »
Dans un article publié par le site Entreprise collaborative, Josh Bersin, expert en développement du leadership et en management des talents, prédit « la fin du travail tel que nous le connaissons ».
Le travail tel que nous le connaissons, c’est celui défini ainsi :
« Un rôle fonctionnel défini par un ensemble de responsabilités, des compétences fonctionnelles, c’est-à-dire les compétences nécessaires pour atteindre des objectifs donnés, un intitulé de poste, un niveau et une carrière. »
Ce travail-là, et l’organisations qui lui est attachée, serait en voie de disparition.
Des emplois de plus en plus spécialisés, des cloisons qui tombent
Le premier changement notable, selon Josh Bersin :
« Les emplois sont de plus en plus spécialisés, les gens travaillent en groupes et abattent les cloisons entre fonctions ; le succès est redéfini par les compétences et non pas par l’étendue des responsabilités des cadres. »
La fin de « l’employé moyen » ?
Conséquence : « les gens qui n’ont pas de compétences spécifiques à proposer à l’employeur ont de plus en plus de difficultés à trouver un emploi. » C’est, selon le gourou du marketing Seth Godin, « la fin de l’employé moyen ».
L’enjeu central : l’employabilité. Les compétences, critères de la réussite.
Le monde a d’autant plus changé que l’heure est au travail à distance et à l’externalisation, parfois vers l’autre bout du monde :
« Aujourd’hui, grâce aux technologies de la communication, les gens peuvent faire leur « job » partout et n’importe où. Nous collaborons à travers le monde aussi aisément que si nous étions dans la même pièce. »
Le « lieu de travail sans frontières » redéfinit ce qu’est un emploi
En effet, Josh Bersin développe la notion de « lieu de travail sans frontières » -une transformation qui était l’un des objets principaux du livre blanc « The Future of Work » de l’Aspen Institute :
« Un concept qui explique comment les salariés travaillent de manière transparente avec des gens de leur entreprise ou extérieures à l’entreprise de manière continue. Et ce renversement a permis une redéfinition de ce qu’un « emploi » est réellement. »
Des rôles plutôt que des « emplois », des missions et projets, plutôt que des fonctions
Au coeur de cette redéfinition : on attribuerait désormais aux individus « des rôles et non des « emplois » », des « missions et projets, pas des fonctions ».
« Dans le monde d’aujourd’hui, les gens ne sont plus embauchés pour un poste mais plus pour des rôles qu’ils vont occuper. Ils sont responsables de « missions » et de « projets » et plus simplement une « fonction ». »
Les compétences, le « nerf de la guerre »
La conséquence de ces évolutions : les compétences sont le « nerf de la guerre ».
« Les gens ne progressent [désormais] pas toujours « vers le haut », mais souvent de manière transversale ou alors elles approfondissent leurs expertises. […]
Si vos compétences s’atrophient, vous êtes morts professionnellement parlant. Votre employeur pourra sûrement trouver ces mêmes compétences chez un contractuel, lancera un appel d’offre ou trouvera un spécialiste externe à l’entreprise.
Nous avons à faire à une main d’œuvre où les compétences profondes sont leur employabilité, plus seulement leurs expériences professionnelles. »
Une prime aux spécialistes ?
Désormais, selon Josh Bersin, l’individu doit avant tout se demander où se situe la demande pour les compétences qu’il possède :
« Votre valeur en tant que salarié ne réside plus dans l’adage « je suis bon dans ce que je fais » mais plutôt dans la réponse positive à ce nouvel adage « Y a-t-il une demande pour mes compétences ». »
Quelles compétences développer, alors? Une tendance lourde est soulignée par l’auteur : l’hyper-spécialisation.
« Nous sommes en plein processus de spécialisation croissante, un processus naturel au sein des entreprises très performantes. De nombreuses études ont été menées ces dernières années et elles montrent toutes que « les spécialistes performent mieux que les généralistes » jusqu’à 1000%. »
Une pénurie de « rôles spécialisés »?
Selon l’auteur, toutes ces évolutions expliquent la « pénurie de talents » à l’oeuvre :
« Une grande proportion de cadres RH avec qui je me suis entretenu m’ont avoué rencontrer actuellement des difficultés allant crescendo dans les processus de recrutement. […] Cela n’est pas dû au nombre croissant de demandeurs d’emploi, cela est plutôt dû aux besoins de l’entreprise en rôles spécialisés et [au fait] que la main d’œuvre elle-même n’a pas encore pris ce virage. »
Les conséquences de la révolution en cours dans le monde du travail sont immenses. Chefs d’entreprise, managers, salariés, demandeurs d’emploi, responsables politiques : tout le monde doit en prendre la mesure.