:
Newsletter
HReview
Découvrez nos articles.
Retour à la liste
Partager sur :

Heures supplémentaires : travailler moins pour travailler plus ?

« Travailler plus pour gagner plus ». Ce slogan, marque de fabrique de Nicolas Sarkozy, s’est incarné dans la fameuseloi TEPA, qui exonérait les heures supplémentaires d’impôts et de cotisations sociales. L’idée était d’améliorer le pouvoir d’achat afin de favoriser une dynamique de croissance et d’emploi : les salariés dépenseraient plus, soutenant ainsi l’activité économique et, en bout de chaîne, l’emploi. Mais cette logique vertueuse se grippe en temps de crise, expliquait en 2009 dans Le Monde l’économiste Eric Heyer : « C’était sans doute une idée qui pouvait être soutenable en période de croissance durable et de baisse massive du chômage, mais c’est une politique néfaste en période de crise économique et de forte augmentation du chômage. Inciter les entreprises à faire des heures supplémentaires alors qu’il n’y a plus d’activité est nuisible à l’emploi (…). La loi TEPA vient (…) rajouter du chômage au chômage. »

300 000 emplois détruits ?

Selon Alain Vidalies, ministre chargé des relations avec le Parlement, les heures supplémentaires engendrées par la loi TEPA ont « détruit 300 000 emplois ». Si ce chiffre est sujet à caution, une chose est certaine : la loi TEPA a coûté cher à l’Etat, environ 17,5 milliards d’euros depuis 2007 – une somme importante eu égard à la situation des finances publiques. Et puisqu’aucun pays « ne subventionne les heures supplémentaires, ni par des allègements de cotisations sociales ni encore moins par des allègements fiscaux, il est temps de supprimer l’ensemble »justifiait le député (PS) Pierre-Alain Muet.

Déclaration d'impôt

Un coût en moins pour l’Etat, un coup au pouvoir d’achat de nombreux salariés

Heures supplémentaires - Bilan
Cliquez pour agrandir

Pour les 9,4 millions de salariés concernés, la fin de l’exonération de cotisations sociales et de la déductibilité de l’impôt sur le revenu des heures supplémentaires est douloureuse. Rien que sur la feuille de paie de septembre, une personne rémunérée au SMIC travaillant 39 heures par semaine accuse une perte nette de 43 euros. Sur un an, cela fait 525 euros en moins, soit l’équivalent de 40% d’un salaire mensuel

Premières victimes de ce changement : les quelques deux millions de Français travaillant dans des TPE (entreprises de moins de 20 salariés), dont les heures supplémentaires étaient devenues un élément stable de rémunération. Une étude Harris Interactive réalisée en août pour la CGT montre, en effet, que 40 % des salariés des TPE travaillent 40 heures ou plus par semaine – et 13% entre 35 et 39 heures. Le cabinet d’experts comptables Fiducial a évalué qu’ils perdront 3% de salaire net. 

Les ouvriers sont particulièrement touchés : les études montrent qu’ils représentent 40% des salariés effectuant régulièrement des heures supplémentaires. C’est dans la construction, l’hôtellerie-restauration et la métallurgie que les heures supplémentaires sont les plus fréquentes ; les fonctionnaires sont aussi concernés, notamment les enseignants – surtout du secondaire (et des classes préparatoires). Si l’on observe l’évolution récente du recours aux heures supplémentaires, qui ont généralement chuté avec la baisse de l’activité économique, le manque à gagner devrait se faire particulièrement sentir dans les activités informatiques (+ 12,3 % d’heures supplémentaires au 2ème trimestre 2012) et la distribution d’électricité (+ 5%).

Aucun impact négatif sur les plus fragiles

Abondamment relayés, ces chiffres impressionnent. Mais l’abrogation de la loi TEPA n’aura aucun impact sur les actifs non salariés. Il ne faut pas oublier non plus que les millions de Français qui travaillent à temps partiel ne sont pas concernés. Quant aux salariés non imposables, c’est-à-dire près de la moitié des foyers français, ils ne seront pas touchés par la fin de la déductibilité des heures supplémentaires de l’impôt sur le revenu.

Foyers fiscaux imposables
Cliquez pour agrandir

Baisser le temps de travail pour protéger l’emploi : le chômage partiel

Au risque de l’impopularité, le Gouvernement a fait d’une pierre deux coups : préserver les finances publiques et lutter contre le chômage, sans pénaliser les Français les plus fragiles. Réduire le nombre d’heures travaillées est en effet un élément de « flexibilité interne », une action de modulation du temps de travail destinée à protéger l’emploi. C’est l’esprit du Kurzarbeit qui a permis à l’Allemagne de si bien protéger l’emploi pendant la crise : au lieu de laisser le chômage se développer avec la baisse de l’activité, les partenaires sociaux allemands ont négocié une baisse du temps de travail – et des salaires. C’était aussi l’esprit des accords « compétitivité emploi », qui ne sont pas forcément enterrés.

Face à l’urgence, la fiscalité comme les contrats aidés sont des pansements nécessaires. Il faudrait désormais administrer des remèdes : voilà ce à quoi, espérons-le, les partenaires sociaux vont s’employer dans les jours qui viennent. Début de ces négociations « historiques » le 4 octobre.

Partager sur :

Autres articles pouvant vous intéresser