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Externalisation-Faire-Faire-Faire

« Faire ou faire faire ? », la question qui n’intriguerait pas assez les DRH français

 « Sur les sujets RH et la formation, plus qu’un retour sur investissement, l’entreprise recherche aujourd’hui la performance. Et pour cela, le pilotage du sourcing et de l’organisation des achats se fait de plus en plus souvent à l’extérieur. Le directeur de la formation pourra demain devenir un « directeur des compétences », avec un prestataire qui prend en charge le pilotage.« 

Bénédicte Bailleul, directrice générale de FuturSkill Training

« Visiblement, le sujet [de l’externalisation] préoccupe. Mais les véritables enjeux de l’outsourcing sont-ils bien compris [en France] ? » se demandait l’an dernier le Président de l’European Outsourcing Association (EOA) FranceTony Bocock. À l’occasion de la conférence plénière de l’EOA, tenue à la mi-juin sur le thème « Externalisation : quelles stratégies pour les entreprises françaises ? », le même Tony Bocock concluait le panorama mondial des tendances en la matière par un constat plus nuancé : « Pour améliorer la performance de leurs fonctions supports, les grandes entreprises françaises ont adopté des stratégies différentes par rapport à leurs homologues anglo-saxonnes ».

« Pourquoi se faire hara-kiri ? »

Un euphémisme ? En France, l’externalisation des « processus métiers » (ou BPO, Business Process Outsourcing), bien que devenue depuis une vingtaine d’années une procédure standard pour une vaste partie des entreprises indépendamment du secteur d’activité, se cantonne souvent aux Centres de Services Partagés (CSP), ces entités internes à l’entreprise créées dans un souci d’efficience organisationnelle.

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Tropsime culturel ? Tony Bocock : « La distinction entre CSP et solutions d’externalisation demeure en France, quand elle tend à s’effacer ailleurs. Les CSP sont considérés plus faciles à mettre en oeuvre que l’externalisation, qui concentre un certain nombre de craintes… » Preuve en est, les trois quarts des entreprises du CAC 40 délèguent à des CSP la mise en oeuvre de leurs objectifs de standardisation et centralisation.

Avec, si l’on se concentre sur la gestion déléguée des RH, un bilan « positif mais nuancé », de l’avis récent de l’animateur d’un Club des Directeurs de CSP RH. Reste que, du côté des DRH – comme des DSI -, observe l’EOA, le choix se ferait trop souvent a priori : de décision stratégique, le lancement de ces projets se résumerait de fait à un réflexe face à la question : « pourquoi se faire hara-kiri ? »

L’externalisation RH : évolution « naturelle » de la fonction RH ?

Pourtant, les dernières études publiées sur le sujet le montrent, l’externalisation RH, banalisée dans la culture anglo-saxonne, tend à gagner du terrain en France. La fonction RH serait ainsi déjà la troisième fonction la plus externalisée, devant la comptabilité, la finance ou les ventes.

Une conséquence de la maturité des offres dans un marché qui croit, selon les études, de 8 à 12% par an depuis 10 ans, mais le signe, aussi, de l’évolution de la fonction RH. Celle-ci se rapproche des enjeux business, elle prend à bras le corps l’enjeu de maîtrise des coûts (une priorité pour un tiers des DRH, contre un cinquième l’an dernier, selon le dernier baromètre Défis RH), et se redéfinit comme un pôle de création de valeur.

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Elle a ainsi non seulement vocation à optimiser ses coûts, mais plus globalement, en se rapprochant ainsi de la stratégie de l’entreprise, à s’éloigner de la gestion administrative pour se faire pilote et manager des compétences dans l’entreprise. En 2010, la gestion administrative de la paie représentait ainsi 51% des projets d’externalisation RH, loin devant la gestion des temps et activités (26%).

Sur l’unique volet formation, en 2013, selon une étude Demos – EOA, l’externalisation concernait encore en majorité les fonctions « de type back office » (logistique, administratif, gestion du DIF), dans une perspective de réduction des coûts et, premier motif invoqué, face à la complexification de la législation. En interne, il s’agirait aussi de se concentrer sur le pilotage de formation, considérée comme stratégique par deux fois plus de dirigeants qu’il y a quatre ans (37% contre 19%). Le mouvement est manifeste : au total, en quatre ans, la proportion d’entreprises externalisant un de leurs process de formation a bondi de 15 à 24%.

De la problématique des compétences dans des entreprises en transformation : la centralisation ou l' »entreprise-cloud » ?

S’oriente-t-on vers de plus en plus d’activités stratégiques externalisées, de la construction du plan de formation au pilotage du développement des compétences et du recrutement ? Externalisant rarement l’ensemble du process, certaines entreprises ont néanmoins de plus en plus recours au Recruitment Process Outsourcing (RPO), notamment sur « des problématiques de recrutement de volume sur de courtes périodes et pour des métiers difficiles », commentent Les Echos.

> Lire RPO : pourquoi ? pour qui ? comment ?

Dans un marché du travail hyper-mobile, les « fluctuations de l’activité RH », confirmait Thomas Chardin (Parlons RH) à la conférence tenue par l’EOA, pousse les entreprises « à se tourner vers des prestataires qui pourront absorber l’agilité ». Le développement des technologies dédiées aux RH invitent en effet les prestataires d’offres d’externalisation à déplacer leur rôle de conseil vers celui d’expert technologique, à la connaissance opérationnelle des process RH permettant d’élaborer des offres sur-mesure, hyper-adaptables. « Le rôle de l’externalisation sera mieux défini à l’ère du cloud », analyse un responsable d’activité BPO, selon qui la complexité des enjeux liés au cloud (sécurité, protection des données, interopérabilité,…) et l’ère de l’entreprise agile fait du recours à l’externalisation un accompagnement, stratégique et opérationnel, de la transformation vers une « entreprise-cloud », réactive et à l’organisation en perpétuelle refondation.

Faire ou faire faire

Standardisation, industrialisation, optimisation ? L’enjeu au coeur de l’externalisation des process métiers tels que la RH, ne se situerait en fait plus exactement là, quand bien même des économies d’échelles sont attendues. Performance ? Oui, mais bien au-delà de l’optimisation des coûts. La décision d’internaliser, de recourir à un CSP, d’externaliser – bien souvent, par ailleurs, des solutions mixtes sont mises en place – est dictée par d’autres motifs.

Ainsi de Malakoff Médéric, dont la DRH, explique que son choix de réinternaliser le recrutement « n’a pas été guid[é] par la recherche d’économies ». Dans une entreprise en pleine transformation (fusion en 2010, profonde mutation des métiers, digitalisation de l’activité et refonte des offres, etc.), Valérie de Launay prône une « vue consolidée et centralisée [qui] permet de repérer les pépites, d’affecter au mieux les ressources internes et d’optimiser les mobilités ». Son parti pris : la recherche de la performance par « l’unification des fonctions recrutement et mobilité », avec une très claire préférence pour la gestion des talents internes (montée en compétences, création de postes ex nihilo, cellule de sourcing interne, stratégie de GPEC en concertation avec la DG).

> Lire RH : comment le cloud est en train de devenir votre meilleur allié 

« Make or buy » : l’alternative, et ce qu’elle implique

De manière plus opérationnelle, la question de l’organisation se poserait ainsi finalement dans les termes « make or buy », résume Tony Bocock, qui se décline en fait dans la question : faire, faire-faire, ne pas faire, faire avec ? Issues des problématiques de sous-traitance dans l’industrie, les matrices de type make or buy bousculent les approches de type opportuniste, qui voient dans l’externalisation un choix court-termiste de réduction des coûts. Une approche stratégique de l’externalisation, en phase avec la question devenue critique de l’organisation de l’entreprise, n’en fait pas un choix a priori et s’appuie sur une authentique étude de multiples critères :

  • connaissance du coeur de métier ;
  • analyse des risques ;
  • capabilité technique ;
  • profitabilité : coûts fixes et variables, « cash » et ROI ;
  • maîtrise de nouveaux process ;
  • taille du marché ;
  • relation fournisseurs, etc.

De nouvelles attributions pour des DRH qui sont vouées à s’approprier le sujet « organisation » pour mieux remplir leur attribution de « pilote des compétences » dans l’entreprise ? Pour Thomas Chardin, qui insiste sur la « reprise de contrôle » que provoque une externalisation décidée sur ces critères, le choix en incombe à la DRH, et détermine son positionnement, quelque part entre direction opérationnelle et stratégique, direction des ressources humaines et direction des processus.

Jusqu’ici, l’externalisation de la formation est une décision issue dans 60% des cas de la direction générale, un chiffre jugé encore plus élevé si l’on considère l’ensemble des process RH externalisables.

DigiComp

> Crédit image : Album « Digicomp II », par oskay / Flickr / Licence CC BY SA
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