Le PRISME (qui rassemble les professionnels de l’intérim, services et métiers de l’emploi) a publié hier les principaux résultats de son étude « Trajectoires et devenir de 5000 intérimaires ».
Organisée entre mars 2009 et janvier 2010, l’enquête a notamment a vu quelques 2500 intérimaires répondre à l’ensemble des questionnaires, tous les 4 mois et pendant deux ans, quant à leurs trajectoires professionnelles et leur évolution sur le marché de l’emploi.
Le PRISME rappelle en préliminaire « que le contexte économique et la situation du marché de l’emploi sur cette période [de crise] expliquent certaines particularités des résultats de l’étude et conduisent à la prudence » :
« l’emploi salarié a connu une chute importante en 2008 et 2009, suivi d’une reprise à partir du 2ème trimestre 2010. [Si] tous les secteurs d’activité ont été concernés […], la reprise dans l’industrie a cependant été beaucoup plus lente que pour les autres secteurs [or l’industrie représente plus de la moitié des effectifs de l’intérim].
L’emploi intérimaire, indicateur avancé du marché de l’emploi, a précédé ces évolutions de plusieurs mois : la chute s’est amorcée dès mi-2008, […] ramenant l’emploi intérimaire à son niveau de 1998. Un redressement s’est amorcé au second semestre 2009. En 2010, l’emploi intérimaire a progressé de 15%. »
Surtout, cette enquête confirme les enseignements de « Regards croisés sur l’intérim » sur le profil des intérimaires et fournit des « indicateurs d’insertion (taux d’emploi, type de contrat de travail, etc.) en fonction du niveau de formation, des secteurs d’activité, etc. »
Qui sont les intérimaires?
Les intérimaires interrogés sont représentatifs de l’ensemble de la population intérimaire en France : majoritairement masculine, jeune, diplômée de l’enseignement technique avec un statut ouvrier.
- Une population bien plus masculine (70% d’hommes) que celle de l’ensemble des salariés (52% d’hommes, selon l’Enquête emploi de l’INSEE).
- Une large majorité d’ouvriers, dans l’industrie et le BTP : 79% des intérimaires sont des ouvriers (contre 27% pour l’ensemble de la population salariée), avec notamment 40% d’ouvriers qualifiés, et l’industrie et le BTP représentent respectivement 56% et 17% des effectifs observés.
- L’intérim n’est pas nouveau : près des 2/3 des participants avaient déjà travaillé principalement dans l’intérim lors des douze mois précédents mars 2009, 39% ont même débuté leur vie professionnelle par des missions d’intérim.
Pourquoi l’intérim?
Pour une grande majorité (82%), l’intérim constitue une solution de transition pour trouver rapidement un travail.
- L’intérim est un véritable choix pour 18%, essentiellement les plus diplômés (23%).
Les intérimaires sont motivés par des souhaits d’évolution professionnelle axés sur un changement d’emploi (43% cherchent un nouvel emploi et 45% sont ouverts à d’autres formes d’emploi) ; 68% souhaitent augmenter leur temps de travail.
6 grands profils d’intérimaires
Au vu des résultats de l’étude, les états d’esprits et stratégies des intérimaires peuvent être regroupés en six grandes catégories.
1- Les « intérimaires de carrière » : 1/4 de l’ensemble
24% des intérimaires peuvent être inscrits dans cette catégorie. »Très satisfaits de leur situation, ils construisent principalement leur carrière via le travail temporaire, le développement de la polyvalence, l’accès à la formation, ou l’apprentissage « en situation ». » L’intérim leur permet d’exercer une activité tout en jouissant d’une certaine liberté, raison pour laquelle « ils ne sont pas à la recherche d’un CDI. »
2- Les parcours « heurtés » : 1/5ème
Ces parcours, qui représentent 19% de l’ensemble, alternent missions, périodes de chômage, parfois arrêt maladie, recours aux minima sociaux…
« De faible niveau de qualification, ils se tournent vers l’intérim en premier lieu par nécessité économique et parce qu’ils ne parviennent pas à trouver de contrat par d’autres moyens […]. Ces intérimaires acceptent tout type de mission »
3- « Les jeunes sortant du système d’enseignement : entre insertion professionnelle et déclassement » (17% de l’ensemble)
Dans cette catégorie, on trouve des jeunes (27 ans au +) dont le niveau d’études est au moins égal au baccalauréat et pouvant s’élever jusqu’au Master II. Ceux-ci cherchent à s’insérer durablement sur le marché du travail. Pour eux, l’intérim représente l’occasion d’acquérir de l’expérience professionnelle mais, surtout, un moyen privilégié pour obtenir un CDI. Ainsi, selon une jeune femme de 25 ans, secrétaire de direction dans le commerce:
« [Même s’il est difficile durant cette période de trouver des missions en lien direct avec ses études,] l’intérim permet de se faire un peu d’expérience de travail : on voit tout avec l’intérim, cela permet de présenter davantage d’expériences aux employeurs »
4- « L’intérim pour gérer les périodes de transition professionnelle »
Cette catégorie représente 16% de l’ensemble.
« Les intérimaires composant ce groupe ont la particularité d’avoir articulé leur trajectoire professionnelle autour d’une expérience significative dans un secteur ou un emploi relativement qualifié. Le recours à l’intérim a dès lors pour fonction d’assurer les périodes de transition entre deux CDI.
Les missions sont plutôt longues, les périodes d’intermission relativement courtes. Pour certains, l’intérim est utilisé, au-delà de sa fonction de transition, comme un moyen de reconversion. Ils vivent de façon positive leur situation professionnelle. »
5- L’intérim « pour concilier activité rémunératrice, projets personnels et volonté d’indépendance »
Ces intérimaire, qui constituent 12% de l’ensemble,
« affichent une grande indépendance dans leur recherche de missions et un haut niveau de qualification. Pour eux, le recours à l’intérim est avant tout le moyen de gérer une période de transition pour retrouver une activité professionnelle. »
Pour ces personnes, l’intérim constitue « une forme d’emploi privilégiée en raison de la liberté procurée. Ils couplent ainsi avec habileté leur activité en intérim et leurs projets personnels. » Ainsi, un agent comptable de 40 ans déclare :
« Être en intérim, c’est très enrichissant personnellement. Ca permet de changer souvent de travail, d’être avec des personnes plus jeunes, c’est la meilleure façon de bouger, de travailler dans une autre région ».
Une femme de 54 ans, ouvrière, indique même souhaiter ne rien changer.« Elle refuse toute proposition de CDI pour garder son indépendance », souligne le PRISME.
6- Une voie d’intégration professionnelle pour les étrangers
Ces intérimaires étrangers issus d’une immigration récente représentent 4% de l’ensemble et « voient dans l’intérim l’opportunité de lever leurs difficultés d’intégration professionnelle. L’intérim constitue clairement pour eux un vecteur d’insertion sociale. »
Par exemple, un homme est « arrivé du Cameroun en France avec un niveau bac et deux projets : footballeur professionnel d’un côté, logistique de l’autre. Il n’a pas trouvé d’entreprise où réaliser une alternance pour l’obtention du bac professionnel logistique. Il évoque un frein discriminatoire (« mon accent ») pour justifier cet échec. Il découvre le travail temporaire sur les conseils d’amis. » :
« J’ai fait beaucoup d’entretiens, mais rien. Mais je ne veux pas faire la victime. L’intérim, ça permet de passer des barrières. »
Les trajectoires professionnelles 2009-2010
Entre mars 2009 et novembre 2010, les parcours ont été marqués par trois phases conjoncturelles.
Sur l’ensemble des 20 mois de l’étude, 29% des interviewés ont fait l’expérience du CDI au moins une fois. 38% ont eu accès au CDD.
- L’accès au CDI est plus important pour les jeunes et les profils qualifiés. Ils sont principalement conclus dans le secteur tertiaire (services, commerce, administration).
- Les femmes représentent une large part de l’obtention des CDD (45%).
Zoom sur les jeunes : l’intérim, voie d’insertion
Alors que les jeunes sont les premières victimes du chômage, il est intéressant de se focaliser sur cette catégorie de la population.
Les jeunes de moins de 24 ans représentent un tiers des intérimaires interrogés. A noter : ils sont moins nombreux que le reste des interviewés à avoir le permis de conduire. Ceci semble logique mais constitue une pénalité certaine ; l’enquête montre en effet que la possession du permis de conduire constitue un sérieux atout :
- 30% des personnes ayant obtenu leur permis de conduire pendant la période observée ont conclu un CDI (contre seulement 15% chez ceux qui ne l’ont pas). 21% des personnes ayant signé un CDI possède le permis de conduire.
- La possession d’un véhicule constitue un atout supplémentaire : 22% des chômeurs disposent d’un véhicule, 34% n’en ont pas.
L’enquête confirme le fait que l’intérim représente une voie d’entrée sur le marché de l’emploi avant tout pour les filières techniques de l’enseignement secondaire. En termes de qualification, on observe une diminution de la part des ouvriers qualifiés ou non qualifiés au profit des employés. La répartition sectorielle révèle une part que, par rapport à l’ensemble, les jeunes sont plus présents dans les services et le commerce que dans le BTP et l’industrie.
Le rôle facilitateur des agences d’emploi
Selon le PRISME,
« si l’on observe la situation professionnelle des membres de la cohorte en novembre 2010, l’apport de l’intérim dans la construction des parcours professionnels est manifeste:
- Près d’un interviewé sur deux en CDI a obtenu son contrat à la suite d’une mission en intérim;
- la proportion est de près d’un sur trois pour les interviewés en CDD. »
Le PRISME ajoute enfin que les agences d’emploi sont
« valorisées pour leur rôle de médiation, notamment en matière de mise en relation entre l’offre et la demande. La plupart […] une réactivité et une efficacité perçues comme plus fortes par rapport aux autres moyens de recherche d’emploi. »
Regard des intérimaires sur leur parcours : particulièrement positif pour les jeunes et les intérimaires par choix
Pour près d’un interviewé sur 2 (44%), le parcours est « croissant » (il marque une progression). Ceci est particulièrement valable pour :
- les jeunes qui se définissent comme étant « en insertion » sur le marché de l’emploi ;
- les personnes ayant fait le choix de l’intérim, qui qualifient majoritairement leur parcours de « croissant » ou « stable ».
L’intérim, voie privilégiée d’accès à la formation professionnelle
L’effet positif de la formation sur l’emploi est avéré ; cet effet se retrouve chez les intérimaires, souligne le PRISME :
« en novembre 2010, les bénéficiaires de formation sont plus nombreux à avoir décroché un CDI que ceux n’ayant pas été formés (26% contre 21%). »
Alors que l’on sait que la formation bénéficie trop peu à ceux qui en ont le plus grand besoin (selon une étude de l’AFPA, citée dans ce billet), le PRISME fait observer que
« près de la moitié des intérimaires de la cohorte (48%) a bénéficié d’une formation professionnelle. »
Cette étude montre donc qu’il existe autant de trajectoires professionnelles que de profils d’intérimaires. S’il est souvent perçu comme une solution de transition, l’intérim apparaît au travers de cette étude comme un tremplin vers un emploi en CDI ou en CDD. L’action des agences d’emploi en faveur de l’insertion des jeunes, notamment, apparaît positive.