LeBonCoin.fr, le site de petites annonces, est aujourd’hui le 2ème site d’emploi en France, en termes de nombres d’offres déposées, après celui de Pôle emploi. Selon le cabinet Autobiz, il proposerait « de 2 à 5 fois plus d’offres que les sites spécialisés » – les jobboards. Une révolution ? Plutôt un marqueur des évolutions du recrutement à l’heure des réseaux sociaux et du personal branding : multicanal, interactif, personnalisé.
LeBonCoin.fr : 18 000 annonceurs, 60 000 offres d’emploi
Avec 1,75 million de visiteurs uniques en juin, la section « emploi » du BonCoin.fr se positionne certes loin du site de Pôle emploi (6 millions) en termes de fréquentation, mais assez nettement devant les plateformes classiques d’offres d’emploi, de RegionsJob (1,48 million) à Monster (1 million). Le nombre d’offres d’emploi a été multiplié par deux en un an, ce qui permet d’évoquer un « boom » des sites de petites annonces sur ce marché, en prenant en compte d’autres sites à la démarche similaire, tels que Vivastreet ou TopAnnonces. Selon Autobiz, on trouverait sur Leboncoin « trois à dix fois » plus d’établissements recruteurs que chez la concurrence mesurée, mais encore beaucoup moins que les 100 000 annonceurs de pole-emploi.fr.
A l’ère du global, l’heure du recrutement local ?
Chercher un emploi ou des compétences par l’intermédiaire des petites annonces ne représente pas en soi une nouveauté. Le modèle LeBonCoin.fr concentre toutefois online les caractéristiques traditionnellement réservées aux petites annonces « papier », la proximité au premier chef. Le portail de petites annonces est avant tout un outil de matching de l’offre et de la demande de travail sur une base géographique. Un élément essentiel dans la mondialisation, où le « local » revient en force : à chaque territoire sa vérité sur le marché du travail – c’est pourquoi les spécificités des bassins d’emploi deviennent un élément essentiel de toute politique de lutte contre le chômage. La carte de France divisée en régions, en page d’accueil du site et prémisse à toute recherche, pousse ainsi à se focaliser sur une zone géographique plutôt qu’un poste.
La proximité paye, surtout lorsqu’elle est associé à la simplicité d’utilisation, et plus encore à gratuité. De l’aveu de Bertrand Lamberti, directeur de la stratégie de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), c’est ce modèle qui « secoue » les jobboards (sites d’emplois), « qui font payer pour avoir accès à une audience Internet ».
Le recrutement devient « social » et le marché se fragmente
Le recrutement « social », voire mobile, semble une tendance lourde du marché. LinkedIn, qui vient d’annoncer des résultats trimestriels plus qu’encourageants, réalise d’ailleurs plus de la moitié de ses revenus totaux par le biais de ses « Talent Solutions », outils de diffusion d’annonces d’emploi pour les recruteurs, qui ont cru de 95% en un an. Quant à son nouveau concurrent, Reachable, il observe le marché de l’emploi comme un ensemble de connexions et considère que « la proximité sociale va supplanter la proximité géographique » à l’avenir.
Une enquête Ipsos sur « l’avenir du recrutement à l’ère du web 2.0 et des réseaux sociaux », effectuée pour la conférence « Recrutement mobile et social » (#Rmsconf), montre que 77% des DRH et responsables du recrutement pensent que le rôle des réseaux sociaux professionnels va augmenter dans les cinq prochaines années. Parallèlement, 50% d’entre eux estiment que le rôle des acteurs « traditionnels » du recrutement restera inchangé.
La customisation du recrutement : l’ère du personal branding
Le « recrutement du futur » sera avant tout multicanal, selon la majorité des acteurs. La percée importante des petites annonces dans la diffusion d’offres d’emploi entre dans une tendance à la fragmentation du marché du recrutement. Les canaux se multiplient, et les réseaux sociaux accompagnent ces évolutions en répondant aux besoins marqués d’interactivité et de personnalisation, les deux autres critères les plus plébiscités. Les outils se « sociabilisent », à l’image du récent RegionsJob Social, qui permet de savoir qui, parmi son réseau, travaille ou a travaillé pour l’entreprise qui recrute.
LeBonCoin.fr, en somme, n’est qu’une facette de ce recrutement personnalisé, où employeur et compétences peuvent se rencontrer en se passant d’intermédiaire. Le site permet ainsi un personal branding direct, à l’heure où des experts font presque de cette « marchandisation de soi » une science. Cette nouvelle proximité offre des possibilités que des petites annonces à elles seules ne peuvent pas fournir, et dans lesquelles même Google se fraye un chemin.
Un site comme LeBonCoin.fr peut-il devenir pour autant un modèle ? Alors que les identités sociales et professionnelles tendent à fusionner, que des entreprises font de la e-réputation un critère d’employabilité, que de plus en plus de candidats cherchent le buzz autour d’un CV en ligne ou se mettent en scène par vidéo (comme le viral Please Google hire m.e.), les transformations du recrutement semblent aller plus loin.
Surtout, l’enquête Ipsos révèle que ce sont pour les postes à forte qualification que les employeurs éprouvent le plus de difficultés à recruter (à 59%). Or, si une montée en gamme est observée, LeBonCoin.fr conserve un « positionnement discount » et une « image de plate-forme de services efficace à moindres frais »…
>>> EN SAVOIR PLUS
- Actualisation du classement des sites d’emploi (août 2012).
- L’enquête Ipsos-Viadeo-LinkHumans : « L’avenir du recrutement à l’ère du web 2.0 et des réseaux sociaux »
- « Les adolescents sur Twitter, acte II : la mise en scène frénétique de soi », article du Monde.fr