L’information a mis le marché du recrutement en ébullition : Facebook pourrait lancer dans les prochaines semaines son propre portail d’emploi. Le réseau social se garde pour l’instant de communiquer. Les jours de LinkedIn et des sites d’emploi sont-ils comptés ?
Depuis l’automne dernier et la signature d’un partenariat entre Facebook, le ministère américain du Travail et des associations d’employeurs, l’entrée du réseau social mondial sur le marché de l’emploi en ligne est attendue…et redoutée. Pour l’instant, le « Social job partnership » consiste en une simple page d’information pour les demandeurs d’emploi ; mais il a également vocation à « explorer et développer des systèmes où des offres d’emploi pourraient être diffusées de façon virale sur Facebook, sans aucun frais ». Ainsi, lorsqu’une dépêche de l’agence Dow Jones Newswires a annoncé, début juillet, le lancement par Facebook d’un véritable « portail, agrégeant des offres d’emploi de tiers, pour les rendre accessible via un moteur de recherche aux utilisateurs de Facebook », le monde du recrutement et la Bourse sont entrés en ébullition ; le premier réseau social d’emploi LinkedIn a vu son cours chuter.
Quelques mois après une entrée en Bourse fracassante et compliquée, Facebook allait-il devenir un ogre du recrutement en ligne ? Avec ses 900 millions d’utilisateurs mensuels actifs, le réseau social mondial possède une force de frappe inégalable. Et en pleine campagne présidentielle américaine, où le chômage est un thème de premier ordre, son image gagnerait assurément à se voir associée à celle des solutions pour l’emploi. De là à tout emporter sur son passage ?
Sur Facebook, un employeur peut toucher tous les Talents
Les entreprises utilisent déjà Facebook pour trouver de nouveaux talents. Unilever, Boeing ou Danone possèdent par exemple déjà leur page « emploi ». Aujourd’hui, trois plateformes de recherche d’emploi en ligne sont déjà associées à Facebook et pourraient développer de nouvelles applications dédiées pour le portail de Facebook : BrancheOut, Jobvite et Work4Labs – que ManpowerGroup France utilise.
La base « sociale » de Facebook pourrait être un outil de « matching » (mise en relation de l’offre et de la demande d’emploi) fort efficace ; elle viendrait probablement marcher sur les plates-bandes de Linkedin (3 millions d’abonnés français), qui se présente avant tout comme un répertoire, un outil de sourcing.
Vers une fusion entre les vies « sociale » et professionnelle ?
Mais selon Doug Anmouth, analyste chez la banque JP Morgan, LinkedIn ne doit pas surestimer la menace Facebook : les internautes utilisent très différemment ces deux réseaux et la grande majorité d’entre eux tient à la séparation entre leurs profils personnel et professionnel en ligne.
L’arrivée de Facebook sur le lucratif marché de l’emploi en ligne – qui génère plus de 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans le monde dont 300 millions d’euros en France – ne bouleverserait pas forcément l’ordre des choses. Lorsque les réseaux professionnels Linkedin et Viadeo sont apparus, on avait aussi annoncé la fin des sites « traditionnels » d’emploi. Or, Monster.com, Keljob ou Cadremploi.fr restent les poids lourds du secteur ; en France, seulement 3% des candidats interrogés par le jobboard RegionsJob ont été recrutés via un réseau social en 2011.
Demain, le recrutement numérique ?
Alors que Monster est à vendre et que les entreprises éprouvent des difficultés croissantes à dénicher les Talents dont elles ont besoin, il est probable que le « recrutement social » va prendre de l’ampleur sur le marché mondial du travail : aux USA, plus de 18 millions de personnes ont trouvé leur emploi actuel via Facebook et 8 millions ont été connectés à leur employeur par Twitter en 2011.
Un bémol toutefois : un tout récent sondage OpinionWay pour l’association « Progrès Management » révèle que, en France, seuls 18% des chefs d’entreprises considèrent que les réseaux sociaux et – plus largement – le numérique vont jouer un rôle croissant dans le recrutement dans les années à venir.
>>> Pour en savoir +
Quelques chiffres tirés de l’édition 2011 de l’enquête « emploi et réseaux sociaux » de RegionsJob :
- 98% des candidats et 87,3% des recruteurs utilisent les jobboards.
- Seuls 30% des candidats ont recours aux réseaux sociaux.
- Bien que 49% des recruteurs sondés utilisent les réseaux sociaux, seuls 22% d’entre eux les placent parmi les 3 outils qu’ils jugent les plus importants.
- Parmi les candidats, certains secteurs sont, sur les réseaux sociaux, surreprésentés par rapport à la demande des employeurs : c’est dans la communication et le marketing qu’on trouve les utilisateurs les plus actifs (47% des sondés utilisent les réseaux sociaux de manière professionnelle).
- La présence en ligne croît avec le niveau d’études. Le profil-type du « social networker » : un homme, en poste, âgé de 25 à 34 ans, citadin, diplômé de niveau Bac + 5.
- Le profil du recruteur sur les réseaux sociaux : petites entreprises de moins de 50 salariés, avec de faibles besoins en recrutements et un budget de RH modeste. Les consultants RH sont les premiers utilisateurs.
En résumé : dans la majorité – écrasante – des cas, les professionnels RH ont recruté moins de 5 personnes sur les réseaux sociaux. Il s’agit surtout de postes difficiles à pourvoir, sur des échelles restreintes. Le réseau social serait donc surtout un outil de complément des modes « traditionnels » de recrutement. L’arrivée de Facebook, qui cible déjà les PME dans son offre marketing, changera-t-elle la donne ?