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#Motsdelacrise : 7- Intervention de l’Etat

Les mots de la criseAvant d’être éprouvée à travers les maux qu’elle produit, la crise est d’abord vécue par les Français à travers ses mots. Denis Muzet, fondateur de l’Institut Médiascopie, analyse leur impact sur nos esprits dans Les mots de la crise – De la crise mondiale à la crise de soi (éditions Eyrolles, collection « La nouvelle société de l’emploi » de la Fondation ManpowerGroup). En exclusivité pour l’Atelier de l’emploi, il décrypte chaque jour un mot ou une expression caractéristique de l’état d’esprit des Français dans la crise et des réponses qui sont attendues de la part du pouvoir politique. Après avoir décrypté le « made in France », la « compétitivité » ou encore la « croissance », Denis Muzet se penche aujourd’hui sur l’« intervention de l’Etat », avec une évidence : les Français sont réservés sur la capacité de l’échelon national à redresser l’économie.

L’Etat, tout en impuissance

Pour le sociologue, les Français croient dans une large mesure que « non, l’État ne peut pas tout », et si les jeunes en sont particulièrement persuadés, c’est qu’ils ont grandi avec la mondialisation. En le plaçant « à large distance de leur quotidien », ils témoignent de leur prise de conscience d’une crise mondiale dans laquelle le seul Etat serait dépassé : particulièrement, la production et de la croissance « ne semble[nt] plus dépendre de notre environnement proche, mais plutôt du bon vouloir d’un contexte global sur lequel notre prise est faible », résume Denis Muzet.

Tout comme les mesures de soutien à l’emploi, l' »intervention de l’État » est dans son ensemble jugée « très modérément rassurante ». La crise de la représentation cristallise une partie des craintes et des angoisses : la dernière élection présidentielle a révélé chez de nombreux électeurs « l’attente d’un État fort et prescripteur, capable de “sortir le pays de l’ornière” ». La crise politique ne guette pas qu’aux marges : les électeurs modérés, pour qui le clivage droite/gauche est « finalement plus faible que l’importance d’agir dans l’intérêt du pays », appellent de leurs voeux l’union sacrée.

L’incompréhension est forte : « par-delà les réflexions sur les partis et les hommes, c’est bel et bien la pertinence de l’échelon national qui est au centre de toutes les interrogations », en conclut Denis Muzet. Potentiellement moins impuissants, la gouvernance européenne est elle jugée « inaboutie » et l’échelon mondial « aux abois ».

Mapping - Réponses du politique

L’Etat ne peut pas tout… mais il devrait voir loin

[encadre] »La nécessaire acceptation de l’ordre difficile des choses par des citoyens résignés et qui se sentent impuissants reste donc aujourd’hui encore – et pour longtemps – la règle », alerte le sociologue. Comme l’exprime un jeune électeur : « Je ne suis pas inquiet, ni très optimiste non plus, mais je ne vois pas ce qu’on aurait pu faire de mieux ». La résignation, seule alternative au risque d’« un mouvement social de grande ampleur » ? Un seuil critique traverse en tout cas l’Europe : cas unique au monde, « le risque de troubles sociaux y est maintenant supérieur de 12 points de pourcentage à ce qu’il était avant le déclenchement de la crise », prévenait récemment l’OIT.

L’Etat, pourtant, n’est pas impuissant : alors que la puissance publique est attendue au tournant – particulièrement dans un pays comme la France, « marquée du sceau de l’Etat » -, elle devrait s’écarter de « l’urgence de la “rustine » et préférer le temps long,

« définir des objectifs de long terme, une vision, un projet, un “grand dessein” à vingt ou trente ans ; bref, imaginer à quoi ressemblera la France de demain (que ce soit en termes d’orientation de la production économique, de vie en société, d’organisation du territoire, d’ouverture des frontières, de son rôle international dans la mondialisation) et […]maintenir un cap. »

« Comment répondre à l’urgence des aspirations de changement, tout en se plaçant dans l’horizon de long terme d’un projet de pays et de société rassembleur ? » Dans ce jeu d’équilibriste, voir loin et anticiper sont deux moteurs d’espoir. Denis Muzet observe ainsi le pouvoir rassurant  de deux expressions : « avoir un cap pour la France dans 20 ans et s’y tenir » et, plus encore que la promesse, « au-delà de la crise, pouvoir entrevoir un avenir meilleur ». Pour donner corps à ce projet, l’Etat doit engager une « définition de choix et de priorités », notamment dans des secteurs d’avenir : « Innovation 2030 », commission récemment annoncée par le Premier ministre, serait-elle une timide tentative dans cette direction ?

La crise que nous décrit Denis Muzet est une crise de sens, à tous les étages. La mondialisation et les grandes mutations économiques nous questionnent sur la place de la France dans le monde, autant que sur notre place dans la société :

Tous les autres mots analysés par Denis Muzet pour l’Atelier de l’emploi :

 

> Image de « une » issue du flickstram de owaief89 (sous licence CC)
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