Lundi 12 septembre, le Conseil d’analyse stratégique organisait un colloque international : « la croissance de demain ». Si le programme semblait, à première vue, porter avant tout sur la politique industrielle et les enjeux financiers, les facteurs humains sont loin d’avoir été négligés –notamment au cours de la matinée.
Tout d’abord, Michel Barnier (commissaire européen en charge du marché intérieur) a prononcé un discours d’ouverture rappelant les principes directeurs de son action post-crise : « les marchés financiers doivent servir l’économie réelle, et l’économie réelle doit être au service du progrès humain » (un propos qui fait écho à la conclusion de l’éditorial récent de Jacques Attali : « Le chômage n’est pas une fatalité. Encore faut-il faire de chaque homme, de chaque femme, la vraie priorité de la politique. »).
Considérant que la force principale de l’Europe, « qui lui vaut le respect de pays comme les Etats-Unis ou la Chine », résiderait dans son grand marché de 500 millions de consommateurs, Michel Barnier a insisté sur la nécessité d’une dynamique intégratrice européenne.
Dans cette perspective, il a souligné un certain nombre des 50 propositions et 12 leviers de l’Acte pour le marché unique de la Commission européenne :
- La réforme du brevet européen, qui affaiblira largement son coût (alors que le dépôt d’un brevet coûte actuellement 10 fois plus cher en Europe qu’aux Etats-Unis en raison de l’obligation de traduction dans différentes langues) afin de soutenir l’innovation.
- Le soutien à l’entrepreneuriat social via un fonds d’investissement solidaire.
- L’allègement des charges administratives pesant sur les entreprises. Il s’agirait notamment de simplifier les contraintes pesant sur les PME dans les procédures d’appel d’offres (actuellement, 17% du PIB européen passe par la commande publique ; or, les coûts administratifs des dépôts de dossier sont évalués à 30% du montant des appels d’offres!).
- Le soutien au secteur des services, via la normalisation (comme en France, ce secteur tire l’emploi en Europe : entre 1998-2008, l’emploi dans le tertiaire s’est accru de 2 % par an -contre 1 % dans l’ensemble de l’économie européenne) et le développement du « marché unique numérique » par, notamment, la reconnaissance mutuelle de l’identification et de l’authentification électroniques.
Parmi les leviers identifiés par la Commission européenne, l’Atelier de l’emploi rappelle celui de la mobilité des travailleurs, non cité par le commissaire lors du colloque mais déterminant pour l’économie et l’emploi dans l’Union européenne -chantier « d’autant plus urgent que de nombreux postes hautement qualifiés ne sont pas pourvus » ; il s’agit notamment de la modernisation des règles de reconnaissance des qualifications professionnelles ainsi que de la création d’une carte professionnelle européenne.
Après une conclusion insistant sur le fait que l’Europe devrait renforcer son unité si elle ne voulait pas devenir « un sous-traitant de la Chine ou des Etats-Unis », les tables rondes portaient sur :
- Politique industrielle et innovation
- Compétitivité prix et hors prix des entreprises françaises et européennes
- Impact de la crise sur les instruments de politique économique
Innovation, politique industrielle, compétitivité : doit mieux faire
Au cours des deux premières tables rondes, il a été notamment rappelé que l’industrie ne représente « que » 15% de la croissance : pour soutenir la croissance et l’emploi, l’innovation doit aussi se développer dans les services. Concernant la France, les évolutions récentes visant à soutenir l’excellence industrielle ont été unanimement saluées (il faisait consensus que c’est en visant le « haut de gamme » que la France améliorera sa compétitivité); mais une lacune a aussi été unanimement pointée : les PME, moteurs de la croissance et de l’emploi, ne bénéficient pas suffisamment des dispositifs.
Face à une désindustrialisation dangereuse pour l’emploi, faire évoluer l’assiette des charges sociales
Alors que le débat sur les méfaits de la désindustrialisation de la France divise, Patrick Artus (directeur de la recherche et des études de Natixis) a indiqué que cette tendance serait inquiétante notamment parce qu’elle détruirait des emplois de moyenne gamme dans le secteur industriel, lesquels ne seraient pas recréés plus haut mais plus bas et en nombre insuffisant dans l’échelle des gammes.
Au même sujet, sous l’angle de la compétitivité, la question du « décrochage de la France face à l’Allemagne » a été assez vivement discutée, notamment en termes de coût du travail. Un consensus semble avoir émergé parmi les intervenants qui se sont prononcés sur cette question : les charges sociales devraient faire l’objet d’un transfert pour moins peser sur le facteur travail.
Dans sa conclusion, Christian de Boissieu (président du Conseil d’analyse économique) a notamment salué les réformes récentes de l’enseignement supérieur et de la recherche tout en reconnaissant l’importance des facteurs non technologiques et de la formation informelle notamment. A ce dernier sujet, il a aussi été souligné que l’évolution du coût de la formation, négative en France par rapport à l’Allemagne pendant la crise, aurait tendu à dégrader la « compétitivité hors-prix » de notre pays.
Un discours du premier Ministre François Fillon a clôturé cette journée, au cours duquel il a notamment souligné que la qualification de la main d’œuvre française constitue l’une des bases d’une élévation de la croissance, donc de l’emploi, dans notre pays.
Dans son prochain billet, l’Atelier de l’Emploi reviendra notamment sur la présentation qui fut faite par un chef d’entreprise sur « les critères de compétitivité d’une entreprise de taille intermédiaire européenne » : celui-ci considérait que la croissance future des entreprises passe par les talents et un changement radical du mode de management des entreprises.