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L’assurance dans 5 ans (2/2) : les 4 horizons (indécis) de la digitalisation

Ce billet est la deuxième partie de
L’assurance dans 5 ans : de nouveaux métiers, de nouvelles RH ?

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Largement commentée, enclenchée et anticipée, la mutation du secteur bancaire est de ces transformations qui résonnent comme une évidence. « La banque de demain », une transformation qui semble toutefois aussi guidée par l’impératif de survie, notamment depuis qu’une étude de référence, en 2012, annonçait que la moitié des groupes bancaires du monde « développé » seraient obsolètes en 2020

[encadre]Quid de l’assurance, son secteur-« jumeau » ? Va-t-elle emprunter la triple voie de la banque de 2020 : transformation numérique, transparence et externalisation, tel que l’imaginait récemment un groupe d’étudiants mandaté par un groupe de conseil ? A quoi correspond pour le secteur le triple défi d’une proposition de valeur bousculée par le digital, de l’inclusion et l’empowerment des collaborateurs comme des clients et, enfin, de l’agilité organisationnelle ?

Après une période 2000-2010 vue comme « les dix glorieuses » du secteur, l’assurance se présente, dans la perspective de 2020, avec davantage d’incertitude à la vue des différents scénarios qui peuvent déterminer son avenir. Dans une conjoncture économique et un contexte règlementaire extrêmement mouvants – la directive Solvabilité II étant notamment appelée à être mise en oeuvre entre 2014 et 2016 -, et sans parler de l’importance prise par les marchés émergents, elle a en tous les cas une variété de sujets stratégiques à investir. Il y a des processus à industrialiser et optimiser pour pallier la désintermédiation qui banalise le métier d’assureur, des technologies directes à adopter pour parer à la réduction des coûts, des compétences de conseil-client à développer pour doper les forces de vente et enfin, ce qui implique peut-être un mouvement de transformation encore plus radical, une organisation à agiliser pour répondre aux défis du temps-réel et de l’hyper-personnalisation. Au-delà des investissements annoncés ça et , Le mouvement de digitalisation structure tous ces déplacements. Et n’est pas sans poser des questions dont la réponse engage l’avenir des organisations.

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 1. La banque-assurance en ligne… 100% en ligne ?

La plus évidente des facettes de la transformation numérique est la digitalisation des offres. Dans son plan stratégique pour 2014-2017, le groupe BPCE, né de la fusion des Caisses d’épargne et des Banques populaires, se fixe pour objectif de « conduire de grands projets pour atteindre le modèle de relation cible du groupe ». Son approche ? Elle mêle vente multicanale, Internet mobile, intelligence marketing, e-agence mais aussi modernisation du réseau physique. L’horizon : un taux de 80% de clients abonnés à la banque en ligne et plus de 80% de l’offre accessible numériquement. Ses leviers : un programme de simplification et des dynamiques collaboratives en interne, le soutien au management de proximité et la formation numérique doublée en trois ans, l’ouverture du leadership à la mixité pour une meilleure performance RH. Pour relever le défi de la digitalisation, un ensemble de chantiers qui sont loin de se cantonner à la technologie, donc…

Le tout-numérique, on le voit, n’est pas antinomique avec une présence d’un réseau d’agences physiques. Même lorsque l’on se fixe pour objectif le 100% numérique… C’est le cas d’Allianz, en Allemagne, qui, avec ce cap annoncé tout récemment, prend soin de préciser que « les agents feront partie intégrante de [cette] stratégie numérique ». En 2009, un agent intervenait dans 90% des contrats, une part tombée à 50% aujourd’hui : on imagine le défi de taille que constitue le redéploiement d’un réseau de 13 000 agents. Mais aussi à quel point ce capital humain est un facteur de différenciation et un atout, face aux nouveaux entrants : comparateurs de prix en ligne, pure-players (« nés » sur le Web) et, bientôt, Google… Pas anodin alors qu’une étude de 2013 analysait que 67% des consommateurs d’assurances auto, habitation et vie se disaient prêts à s’assurer via des acteurs « non-conventionnels ».

2. L’approche client-centric… pour l’acquisition ou la fidélisation ?

Développer la culture-client à tous les étages de l’entreprise, telle est la mission numéro 1 pour les RH, telle qu’identifiée par l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance. Une mission intimement liée à l’adaptation de l’organisation aux nouvelles attentes de consommateurs connectés, mobiles, agiles. Exemple avec Allianz, qui vise aussi à se rapprocher littéralement de ses clients via des camions-agences mobiles, et qui définissait l’année 2014 comme celle l’année de la « rupture digitale », selon les mots de son PDG. Parmi les priorités affichées, un développement commercial client-centric, avec un objectif initial de 10% de nouveau business généré par le numérique. Un objectif finalement réévalué à 20 ou 25% pour 2016, signe d’une accélération – dominée ? – du changement.

Mais l’approche « client-centrée » n’est-elle qu’un moyen de démarcher de nouveaux clients ? Pour le leader américain MetLife, cette approche client est avant tout orientée sur la fidélisation, pensée en tant que telle comme une « nouvelle méthode d’acquisition ». Le client, à l’ère numérique, est plus volatile ? Il faut bâtir, selon la Vice-Présidente du groupe, non pas nécessairement de nouveaux services, mais une nouvelle expérience-client, dans le but avoué de fidéliser. Concrètement : un marketing multi-canal, et une communication qui fait davantage appel à la rationalité de clients sur-informés.

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3. L’assurance collaborative… sans l’économie du partage ?

Les modes collaboratifs de consommation (partage d’appartements ou de voiture, de pair à pair, trajets en covoiturage, etc.) ou de financement (plateformes de crowdfunding) définissent le partage comme un nouveau monde ringardisant « l’ancien monde des modèles d’assurance ». Airbnb va même jusque créer ses propres polices d’assurance… Un défi insurmontable pour les mastodontes de l’assurance ? Certains y voient plutôt une opportunité, via la création de nouveaux produits d’assurance dédiés à ces nouveaux modes de consommation, sur le modèle hyper-flexible du « pay for what you need » (payez pour ce dont vous avez besoin). Plutôt qu’être cantonné au rôle de « barrière numéro un de la croissance dans l’économie du partage », l’assurance aurait toute sa place dans la myriade de nouvelles activités rendues possibles par l’économie collaborative.

Du côté de nouveaux services et offres aux consommateurs, donc, mais aussi dans le mode de construction même du service. Certains parlaient l’an dernier de l’avènement possible de l’assurance peer-to-peer (P2P). Quelques modèles existent déjà, à l’image en Allemagne de Friendsurance, qui se construit autour d’une communauté de membres qui « versent une partie de leurs primes versées dans un pot commun qui financera l’indemnisation de petits sinistres sans l’intervention d’un assureur ».

Nouveaux challengers, ou inspiration pour la réinvention de son modèle ? Pour l’heure, d’Axa à MACSF ou Humanis, l’assurance se met au collaboratif… en interne (de l’innovation participative aux réseaux sociaux d’entreprise), et cherche à réunifier ses systèmes d’information, comme Generali. Avant de se lancer dans l’économie du partage ? Les mutuelles de la Macif, il est vrai au modèle par nature collaboratif, se sont rapprochées dès 2011 de Deways, le loueur de voitures entre particuliers.

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4. E-santé, objets connectés et Big Data… inéluctable trio ?

A voir comment s’égrainent les domaines d’application du Big Data pour l’assurance, « la gestion de la distribution, l’amélioration de la rétention des clients, la tarification, la gestion des sinistres et la détection de la fraude », on distingue à quel point le métier même est révolutionné par le puissant outil de modélisation prédictive que constitue l’analyse des « déluges » de données. Pourra-t-on seulement y échapper ? Les traces que nous laissons en ligne, et notamment sur les réseaux sociaux, sont autant d’éléments mesurables et exploitables pour déterminer un risque, un ensemble de préférences, un profil. C’est toute la santé qui est appelée à profondément se révolutionner, mutant « d’un système de santé curatif à un modèle préventif grâce aux outils numériques », comme le suggère le think tank Renaissance Numérique dans un rapport publié le 22 septembre.

L’assurance a de plus déjà investi les pratiques émergentes de quantified self, cette possibilité d’auto-mesurer ses données de santé, via des applications, des bracelets, podomètres et de nombreux types de capteurs connectés, jusqu’à, pourquoi pas, composer soi-même son dossier électronique de santé. Les nouveaux chemins empruntés par la  e-santé incite les assureurs à investir dans la recherche. Et la perspective, déjà bien tangible, des objets connectés, déplacent un peu plus encore le champ des possibles : Allianz a ainsi lancé, en juin dernier, un système de type « pay how you drive », qui, placé dans sa voiture, évalue via un boîtier connectéla conduite de l’assuré…

C’est ce qu’un rapport de référence sur le sujet, « Assurance et Big Data – Opportunités et nouveaux écosystèmes », définissait début septembre comme la tarification « comportementale ». La technologie ne fait pas tout, l’avalanche de datas contextuelles, bien au-delà des variables classiques (âge, CSP, etc.), oblige les entreprises à maîtriser ce nouveau flux : « les données sont d’emblée une ressource partagée en externe (prospects, clients, partenaires…) et en interne (SI, marketing, conception des produits…) ». Il s’agit donc de bâtir de nouvelles logiques collaboratives, agiles et de s’ouvrir à son écosystème pour des partenariats qui seraient parus bien saugrenus il y a encore quelques années : bienvenue à l’entreprise-pivot, qui maîtrise l’information-client et est en position de « capter la valeur créée », voire d’optimiser cette création de valeurau sein de « nouveaux écosystèmes d’affaires ». 

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Big Data et assurance : une convergence inéluctable ? Cette année, Allianz s’est rapproché en Allemagne de Deutsche Telekom pour développer de nouveaux services autour de la maison connectée et en France, Axa, en juin dernier, s’était lui tourné vers le fabricant d’objets connectés Withings.

L’assurance est-elle, plus globalement, prête pour ce monde de données ? En 2013, 57% des entreprises du secteur estimaient que leurs modèles opérationnels ne facilitaient pas la digitalisation. Sur le volet Big Data en particulier, les entreprises peinent à se doter des compétences dont elles ont besoin. Axa, qui s’est montré particulièrement offensif sur sa stratégie numérique, notamment via un accord historique avec LinkedIn, a au printemps dernier lancé une Chaire « Stratégie Digitale et Big Data » avec l’école HEC pour se rapprocher des meilleurs talents et développer des compétences déjà stratégiques. Mais le défi des compétences est loin d’être le seul. Comme le suggérait récemment une directrice du digital du secteur, l’organisation agile, réactive et évolutive, est déjà une nécessité. Une transformation qui fait son chemin : « l’iOS 7 est sortie il y a à peine un mois que déjà 60% du parc a migré. C’était inconcevable il y a dix ans ».

Crédits images : Tinkerbots – Flickr – Licence CC-BY
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