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La formation, première réponse au défi de l’emploi des jeunes dans le numérique

Alain Roumilhac est le président de ManpowerGroup France.

Cette tribune a été initialement publié le 06/05 dans Le Monde.

Alain Roumilhac - ManpowerGroupLe chômage bat un nouveau record historique ; 450 000 entreprises françaises déclarent souhaiter embaucher cette année et vont proposer 1 740 000 postes à pouvoir ; et en Europe, 700 000 emplois devraient être vacants dans les technologies de l’information et de la communication (TIC).

Dans ce contexte, les entreprises du secteur numérique sont celles qui souffrent le plus de l’inadéquation entre offre et demande de travail, une inadéquation qui grève leur développement technologique et hypothèque leur croissance économique… Il est urgent de les soutenir et d’inventer avec elles un modèle de formation opérationnel, simple et efficace, au service de la transition numérique de notre économie. »

« Les entreprises du secteur numérique sont celles qui souffrent le plus de l’inadéquation entre offre et demande de travail »

C’est l’ambition de Manuel Valls qui a annoncé, le 6 mars, la création d’une « grande école du numérique ». Un projet dont l’objectif est double puisqu’il s’agit à la fois de soutenir des structures de formation au numérique intensives, courtes et innovantes, et de favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, et en premier lieu de ceux qui n’ont ni emploi, ni formation. Un rapport est attendu aux alentours du 15 mai et le réseau de formation qui constituera cette “Grande école du numérique” devrait voir le jour à la rentrée de septembre.

> Lire aussi : « L’apprentissage est une voie royale sur le marché de l’emploi »

Désacraliser

En tant que dirigeant d’un groupe engagé au quotidien pour l’emploi, j’ai la conviction que la formation est la première réponse au défi de l’employabilité dans le secteur du numérique. Mais elle ne saurait être efficace qu’en respectant deux conditions de succès indispensables : partir des besoins des entreprises et favoriser des formats courts, opérationnels et individualisés.

Concevoir des formations efficaces pour répondre au paradoxe de l’employabilité dans le secteur du numérique en France, c’est d’abord désacraliser le numérique. Le tissu des entreprises et des PME françaises dans le domaine du numérique n’a rien à voir avec le fantasme de la pépinière de start-up : n’est pas Google qui veut !

Méfions-nous de cette sacralisation des métiers du numérique qui risque d’étouffer bien des appétences en renvoyant l’image d’une sorte de caste très masculine, composée d’ingénieurs de haut niveau, venus des quatre coins du monde – ou plutôt d’un monde, finalement très lointain. Oui, les métiers du numérique sont accessibles à tous, sans nécessité de diplôme, ou d’expérience professionnelle au préalable. Oui, une formation cohérente avec les besoins des entreprises permet à des femmes et à des hommes d’exercer de manière pérenne ces nouveaux métiers, d’y progresser et de s’y épanouir.

 » La formation doit partir des besoins des entreprises et favoriser des formats courts, opérationnels et individualisés. »

rendu-piscine-42Pour cela, il est nécessaire de repenser la logique de la formation et de repartir des besoins de l’entreprise. De l’École 42, de Xavier Niel, aux formations déployées par Manpower, nous observons l’émergence d’un nouveau paradigme garant de l’employabilité : ce qui fonctionne, ce sont des formations construites en fonction des demandes des entreprises, c’est-à-dire qui se concentrent sur les besoins en compétences, précis et identifiés, des entrepreneurs et non plus systématiquement sur les aspirations personnelles des individus, trop souvent déconnectées de la réalité économique.

Ce qui ne signifie pas pour autant qu’on ne soit pas dans l’individualisation de la formation, bien au contraire. Car une formation en phase avec les besoins réellement exprimés de l’entreprise ne saurait se borner à une formation de masse. Bien au contraire : nous devons nous recentrer sur le « sur-mesure » et donc capitaliser sur la formation individuelle. C’est le modèle d’action de la Fondation Agissons pour l’emploi, fondation que j’ai personnellement souhaité placer sous l’égide de la Fondation Agir contre l’exclusion (FACE), et qui s’intéresse aux personnes souvent éloignées du monde du travail, pour les former au numérique par le biais de préparation opérationnelle individualisée à l’emploi.

En quelques mois, ces personnes acquièrent les compétences nécessaires pour être immédiatement et durablement employables par des entreprises qui peinent à trouver les compétences dont elles ont besoin, sur un bassin d’emplois donné. Et ça marche !

Formations certifiées

En effet, le taux de transformation en CDI ou en CDD d’un an minimum est de 97 % suite à ces formations, contre 40 % à 50 % pour les formats collectifs. En se recentrant sur des formats individualisés, l’intégration de chaque collaborateur dans l’entreprise est plus efficace et plus sécurisé, un point particulièrement important pour les PME, qui connaissent le prix réel d’un recrutement raté. Cohérence, sur-mesure et formats courts, sont donc les maîtres mots d’une formation efficace.

Il est essentiel de favoriser les formats courts pour soutenir une insertion professionnelle effective. Du dogme de la reconnaissance du diplôme à l’émergence du savoir-faire, il n’y a qu’un pas !

Fort de cette conviction, la SSII Proservia, l’entreprise de services du numérique filiale de Manpower, a mis en place un « Contrat première chance », qui permet à des jeunes non qualifiés d’accéder à un emploi dans l’informatique grâce à des formations certifiées, à des process de tutorat et à un accompagnement sur le terrain. Plus de 400 jeunes en ont déjà bénéficié.

Il est essentiel de favoriser les formats courts pour soutenir une insertion professionnelle effective.

Finalement, demain, la notion de parcours professionnel ne pourra relever de la seule responsabilité individuelle. Oui, l’Etat, les collectivités comme les employeurs auront toujours leur rôle à jouer – c’est d’ailleurs l’une de leurs responsabilités historiques. Mais ce rôle évolue et il incombe à chacun d’adapter sa politique de formation.

> Lire aussi : Externalisation de la formation : « Ce n’est pas la fin du monde mais le début d’une nouvelle aventure »

Mais ce rôle évolue et il incombe à chacun de s’adapter car la formation profite encore trop peu à ceux qui en ont le plus besoin. Aujourd’hui, plus on est qualifié, plus on a de chances de bénéficier d’une formation : il faut renverser le modèle.

La formation doit jouer pleinement son rôle de bras armé dans la recherche du plein-emploi et contribuer ainsi à révéler le potentiel des « parcours professionnels 2.0 », au service de l’emploi, et en particulier de l’emploi des jeunes.

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