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Entreprise et compétences technologiques : soyons réalistes, anticipons l’imprévisible ?

L’actu

Selon une enquête menée par Wanted Analytics, 35% des offres d’emploi en ingénierie parues ces 30 derniers jours accordent la priorité aux compétences en imprimerie 3D et technologies de fabrication.  Nombreuses sont les technologies de pointe à s’être invitées dans les besoins en compétences des entreprises. Par exemple, dans le domaine de la cybersécurité, une étude montre qu’à mesure que les attaques se perfectionnent, les entreprises se heurtent à des difficultés de recrutement de profils détenant ces compétences technologiques.

L’enjeu : le déficit de compétences en débat

L’enjeu pour les entreprises : pouvoir identifier les compétences nécessaires à leur activité et leur développement. James Bessen, économiste à la Boston University School of Law, reposait récemment le débat du déficit de compétences, répondant à Paul Krugman, Prix Nobel d’économie en 2008, qui regrettait que les preuves n’aient pas réussi à disqualifier une notion « zombie ». Bessen insiste : le déficit de compétences est le coeur du problème pour les managers et pour la stratégie des organisations. À l’aune des chiffres révélés par l’enquête Pénurie de Talents – en 2014, 36% des employeurs dans le monde signalent des difficultés à pourvoir des postes, le pourcentage le plus élevé depuis sept ans -, Bessen montre comment ces difficultés bien réelles reposent sur la difficulté à faire face à des besoins en compétences qui évoluent de plus en plus rapidement.

Dans des échelles de temps très réduites, les métiers changent, explique Bessen, exemple du métier de graphiste à l’appui. Récemment ceux-ci étaient formés pour créer des produits pour l’impression papier, puis pour le web, puis pour les smartphones. Il y a quelques années, ils travaillaient sur Flash, maintenant sur HTLM5 et sans doute avec un autre langage demain. De nouvelles spécialités et compétences émergent au gré des mutations des technologies et des modèles économiques de publication.

Et tout comme il est difficile pour les entreprises de détecter les compétences nécessaires à leur activité, il est difficile de mesurer les compétences techniques et encore moins celles d’ordre numérique et technologique au sortir de formations supérieures aux cursus sans cesse en reconstruction. C’est au final un vrai problème pour les entreprises : le coût total de la mauvaise gestion des compétences serait estimé à 2,3 milliards pour l’économie française en 2013 selon une étude PwC/LinkedIn, chiffrant ainsi le lien entre, notamment, difficultés de recrutement et mauvaise performance de l’entreprise.

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Les données

ManpowerGroup réalise chaque année une étude sur ce sujet et analyse les compétences clés dont ont besoin les entreprises : plus de 37 000 employeurs ont été interrogés dans 42 pays au cours du 1er trimestre 2014. L’objectif de la 9e édition de Pénurie de talents : évaluer l’ampleur de la pénurie de talents, connaître les profils en tension, étudier l’impact des pénuries de certains talents sur l’activité des entreprises et les stratégies mises en place pour y remédier.Elle révèle notamment que parmi les 36% d’entreprises qui éprouvent des difficultés à recruter,  37% mettent en cause le manque de compétences techniques requises des candidats.

En parallèle, Workforce 2020  est une étude en deux volets menée par l’Université d’Oxford pour regroupant les réponses de 2 700 cadres et 2 700 employés de 27 pays travaillant dans sept branches d’activité différentes, complétée par une trentaine d’entretiens avec des professionnels et des leaders mondiaux. Selon elle :

  • 33% des salariés disent être formés aux dernières technologies ;
  • 1 employé sur 3 pense maîtriser d’ici trois ans le cloud et les technologies mobiles ;
  • De même, plus de 50% maîtriseront l’analyse de données, la programmation et le développement, et les logiciels de bureautique ;
  • 40% redoutent l’obsolescence de leurs compétences et veulent des opportunités de développement et de carrière.

Selon une autre récente étude, 4,3 millions d’Anglais disent ne pas utiliser toutes leurs compétences dans leur travail actuel.

En un tweet

C’est pas moi, c’est toi : 95% des Américains s’estiment qualifiés ou sur-qualifiés, mais ils sont dans le même temps plus d’une moitié à reconnaître que les entreprises font face à un déficit de compétences…

 

Défis et bonnes pratiques

L’étude Pénurie de Talents conclut que le déficit de compétences contraint les entreprises à rechercher plus d’agilité. Certaines bonnes pratiques montrent qu’il n’est pas impossible de transformer son organisation vers plus d’écoute aux métiers de demain :

1. Prospecter et approcher la formation des nouveaux métiers

Voire contribuer à l’émergence de nouvelles formations diplômant à ceux-ci, à l’image par exemple d’Axa, co-créateur avec HEC d’une chaire « Stratégie Digitale et Big Data ». Les métiers qui connaissent une forte croissance n’existaient pas il y a une quinzaine d’années, suggère en effet le Pew Research Center, en prenant l’exemple des spécialistes de réseaux informatiques, des architectes réseaux ou encore des analystes en sécurité informatique. Et la demande dépasse l’offre. Il s’agit plus généralement de rapprocher les formations initiales des besoins en entreprise, voire de faire de ces besoins le point de départ de formations créées sur-mesure, comme l’opération Pen Breizh en Bretagne ou maintenant l’initiative lancée par l’institut McKinsey.

2. Favoriser l’investissement du DRH comme un authentique « directeur des compétences »

…Et particulièrement lié aux éventuels nouveaux Chief Digital Officer (nommés récemment chez L’Oréal, Accor, Nexity…) our ne pas reléguer au second plan la question du besoin en compétences futures.

3. Penser compétences-first

Un récent rapport de France Stratégie sur les métiers en 2022 rappelait que, souvent, un nouveau métier est en fait un métier déjà existant mais dont les compétences évoluent. En conséquence, il s’agit de faire évoluer la définition des postes et les offres d’emploi dans une approche par compétences. Voire recruter sans CV, sur compétences : difficile d’être passé à côté d’une certaine mode du recrutement via hackathon, de Microsoft à Bouygues Telecom, de BlaBlaCar à CDiscount. Même un laboratoire de découpe de viande s’est récemment mis au « recrutement par simulation ».

4. Recruter sur la capacité à apprendre

Plus que des diplômes ou des années d’expérience, la capacité à apprendre sur le tas devient fondamentale, à l’image d’un Google qui dit moins recruter à la sortie des grandes et prestigieuses universités. Comment les recruteurs peuvent-ils identifier cette compétence ? Ils doivent être capables de détecter des aptitudes non cognitives telles que la motivation et les facilités d’apprentissage des candidats et des collaborateurs.

5. Se saisir des outils

Notamment de ceux qui facilitent une approche stratégique de la recherche de profils qualifiés. Les outils cartographiant ou synthétisant les (nouvelles) compétences requises se multiplient : exemple parmi d’autres avec Techneo, une base interrégionale de recherche de compétences mise en place par la BPI France (Banque Publique d’Investissement) et les Réseaux de Développement Technologiques (RDT) qui référence les compétences des équipes d’organismes publics, parapublics ou privés contractuelles ou agrées Crédit d’Impôt Recherche, à même de venir en appui aux projets innovants des entreprises.

6. Anticiper : le faire mieux, ou à moins long terme

La réforme de la formation professionnelle faisait récemment passer la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences dans le rayon des dispositifs vus moins comme une obligation que comme une opportunité. Au-delà, le directeur associé du cabinet Solucom envisageait récemment une GOEC, une gestion cette fois opérationnelle, moins prospective et plus en phase avec l’activité de l’entreprise. Et de proposer : « Face à la mutation quasi constante des métiers, pourquoi ne pas enfin créer une réelle capacité de workforce planning? ». Reste aussi la GTEC, ouvrant cette fois la gestion des compétences à la notion de territoire

7. Former, tout le temps

Pour garder (à niveau) ses meilleurs talents, et en palliant la difficulté à investir lourdement dans la formation en continue par la souplesse offerte par des nouvelles méthodes d’apprentissage. Les acteurs informatiques, de Teradata à Accenture, particulièrement touchés par la problématique, montrent l’exemple.

Crédits image: Flickr / Pawel Loj / License CC BY

 

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