L’actu
Les big data, du bullshit ? La question, (re)posée cette semaine par The Economist à Kenneth Cutier, co-auteur l’an dernière de Big Data : une révolution qui transformera nos manières de vivre, travailler et penser, ne se veut pas que provocatrice. Pour faire face au gigantesque enjeu business, certes pas démenti par les spécialistes, se pose une question cruciale : comment adapter l’entreprise, son organisation, ses compétences pour minimiser les (authentiques) lacunes de la big data science et tirer profit des opportunités (elles aussi authentiques) ?
Pas le moindre des challenges, comme on pouvait l’entendre au salon Big Data Paris, qui se tenait pour la troisième fois, début avril : « le Big Data est peu soluble dans les organisations des entreprises ». Avec, défi parmi les défis, le recrutement des « bonnes » compétences…
Les données
- Selon Business Analytics Info, 85% des entreprises américaines ont « des projets concrets [de big data], de surcroît soutenus par leur direction ». En 2013, seuls 23% d’un panel de 200 leaders IT de grandes entreprises américaines considéraient leurs projets big data comme « des succès ».
- La moitié des entreprises françaises ont ou projettent de mener un projet big data d’ici à deux ans (Terradata), et 65% d’entres elles rencontreraient « des difficultés pour trouver les personnes compétentes pour mener à bien ces projets ».
- Les difficultés rencontrées par les entreprises proviendraient, selon 85% des responsables, de la capacité à analyser les informations, notamment en temps réel. La création de valeur, et non de la capacité à rassembler des masses de données, est donc critique.
- Dans le cadre d’un challenge sur « Datascience », la plateforme « de rencontre entre data scientists et entreprises en mal de traitement de données », 10 000 € sont par exemple proposés par Axa à celui qui modélisera le mieux « l’impact des conditions économiques sur le comportement des clients ».
- Signe de la criticité des besoins en compétences, 9 des 10 plus hauts salaires des métiers technologiques américains concernent les technologies et compétences dans les big data (gestion des bases de données et langages de programmation spécifiques), selon l’enquête de référence en la matière.
- En 2011, au-delà des compétences purement analytiques, McKinsey anticipait une pénurie de près d’1,5 millions de managers capables de transformer l’intelligence issue de l’analyse des données en décision effective.
> Lire aussi Chief Data Officer, Data Protection Officer : pour les recruteurs, ce sont les métiers… d’aujourd’hui
En un tweet
Tariq Krim, récent auteur d’un rapport sur la valorisation des talents des développeurs français, affirme avec sa nouvelle initiative « Code for France » que la France « a besoin d’une update« . Mais à Devoxx, la « conférence des développeurs passionnés », il s’inquiétait aussi de la bonne compréhension de l’enjeu big data… :
« Moi le big data ça me fait flipper » @tariqkrim à #devoxxfr pic.twitter.com/GU81OFelzy
— Julien Guepin (@chmod0) 17 Avril 2014
Et vous ?
Les défis pour l’entreprise
Un quart des entreprises françaises déclarent chercher « de nouvelles compétences », comptabilisait récemment l’enquête annuelle de référence de Pôle emploi. Au premier chef : les compétences technologiques (dans près de six cas sur dix), bien devant les compétences « vertes » et les profils liés aux nouveaux services aux entreprises. Et en leur sein, les data miners, data scientists et autres data analysts, qui figurent tous dans le référentiel des métiers en émergence de l’Apec sont des profils qui apparaissent comme un nouveau mouton à cinq pattes par les recruteurs, qui cernent encore mal leurs besoins réels pour entrer dans l’ère d’un business « data-drivé ».
Car bien au-delà du seul marketing, les données sont en mesure de driver l’activité des entreprises et organisations de presque tous les secteurs, de l’optimisation de la production dans l’agriculture ou l’industrie au suivi des patients dans la santé et même de certains étudiants, relevait il y a peu Forbes. Avec quels besoins, exacts, en compétences ? Les big data renforcent la nécessité d’une organisation « agile », qui s’adapte et même anticipe les informations incontournables à son activité : le temps-réel impose, au-delà des profils directement en proie aux déluges de données promis, des compétences accrues de « résilience ». Des statisticiens et profils issus de l’ingénierie, oui, mais pas uniquement…
> Lire Les RH en 2018 : de quelles compétences aura besoin l’entreprise agile ?
Attention, prévient de plus la Harvard Business Review, la même qui faisait du data-scientist le métier le plus sexy du 21ème siècle : les authentiques data-scientists doivent rester des data-scientists et ne pas eux-mêmes perdre leur temps à transformer les données auprès des managers, au risque, sinon, de faire de leur métier le plus ennuyeux du monde. Ce qui, à grande échelle, rappelle que le défi ne réside ainsi pas nécessairement dans le recrutement de profils ultra-pointus mais, comme le rappelait l’OCDE, d’un besoin plus global en compétences dites de « traitement de l’information ». Sunand Menon, fondateur d’une entreprise de paiement sécurisé via le cloud et spécialiste des stratégies d’innovation, résume ainsi le mix des quatre compétences requises par l’entreprise de demain, « data-drivée » :
- Notamment pour le leadership, des compétences expertes en « problem-solving », analyse et modélisation de données, et en algorithmique ;
- des compétences de création de nouveaux business ;
- des profils très attachés à la culture d’entreprise, pouvant traduire les idées dégagées par l’analyse de données en décisions liées aux process métiers et au coeur de métier de l’entreprise ;
- des profils non-conformistes, capables de penser « out of the box« , culturellement très différents.
Pas d’armée de data-scientists en vue, donc, mais un besoin de plus en plus prégnant de profils ayant une bonne « data-littératie »…
Bonus :
L’industrie n’est pas épargnée par la vague « big data », notamment autour de l’enjeu de la maintenance prédictive, d’ores et déjà développé dans des projets de traitement et d’analyse de montagnes données. Le Big Data fait d’ailleurs partie des fameux 34 plans de reconquête pour une « nouvelle France industrielle ». Mais au-delà des seules « data-compétences », les difficultés de recrutement touchent plus globalement l’industrie, qui met en oeuvre des initiatives territorialisées de développement des compétences, explique le think-tank la Fabrique de l’industrie :