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Contribution des Services Publics de l’Emploi à la sortie de la crise. 2 : solutions et réformes

Le marché du travail s’améliore et le chômage baisse partout dans le monde depuis 5-6 mois, revenant à un taux de 8,2% dans la zone OCDE en mars 2010 après être monté à son pic de crise de 9%. Néanmoins, « l’ampleur du chômage reste l’héritage le plus lourd de la crise », indique l’OCDE dans ses dernières perspectives économiques.
Comme le rappelle cette vidéo, le marché de l’emploi reste malade, avec 205 millions de chômeurs dans le monde, soit 25 millions de plus qu’avant la crise. Eric le Boucher rappellait récemment, par exemple, que « le taux officiel de sans emploi dépasse 10% au Moyen-Orient et en Afrique du nord » et que, dans beaucoup d’autres régions, les jeunes continuent de payer le prix de la crise. En effet, « il faudrait attendre 2014 ou 2015 pour retrouver un niveau de l’emploi comparable à celui d’avant la crise » constatait Christian Charpy (directeur général de Pôle Emploi et président de l’Association Mondiale des Services d’Emploi Publics) en ouvrant la conférence mondiale sur « la contribution des services publics de l’emploi (SPE) à la sortie de la crise» tenue les 26 et 27 mai 2011 à Paris dans le cadre de la Présidence française du G20.

Après un état des lieux, la conférence a permis de déterminer en quoi les SPE ont pu accélérer la sortie de crise et d’esquisser un certain nombre de pistes pour relever les défis actuels des marchés du travail.

Les solutions mises en œuvre par les services publics de l’emploi durant la crise

Dans les pays développés

Selon les participants à la conférence, les pays développés ont fait le choix de politiques de l’emploi dites « actives » (actions de réinsertion sur le marché du travail, destinées à préserver le capital humain, plutôt que simple indemnisation). Les exemples ci-dessous montrent la variété des réponses esquissées dans ce cadre :

  • L’Espagne, particulièrement affectée par le chômage des jeunes, a développé des bourses pour les grandes entreprises qui recrutent des jeunes sans qualification et des contrats à temps partiel afin de faciliter les possibilités d’insertion dans le monde du travail.
  • La Suède a aidé les sociétés à faire suivre des programmes de formation continue aux salariés qu’elles licencient. Le service public de l’emploi a bénéficié de recrutements importants (passant de 9 000 à 13 000 personnes, soit une hausse de 44% des effectifs en 18 mois) et a mis en place une organisation souple très adaptée aux besoins locaux, proche des entreprises -et bénéficiant ainsi d’une information rapide.
  • En Russie, le gouvernement a financé de nombreux programmes de formation professionnelle et passé des accords avec les lycées techniques. Le budget fédéral finance ainsi des formations pour 100 000 jeunes sans emploi et le SPE aide les chômeurs à obtenir des subventions pour créer des PME.
  • L’Australie a créé dans vingt zones, des coordinateurs locaux qui peuvent s’appuyer sur des prestataires privés pour s’adapter au mieux aux besoins actuels ou futurs des régions. « Nous essayons de ramener le plus vite possible au travail les nouveaux chômeurs et donnons des primes pour des formations qui conduisent à un travail » témoignait Stephen Moore, chef de service au département éducation, emploi et relations du travail. Une « indemnisation jeunesse » va aux jeunes qui n’ont pas fini leurs études secondaires et leur laisse ainsi le choix « d’apprendre ou de travailler ».

Dans les économies émergentes ou en développement

Cristina Terra, économiste au Centre d’études et de prospective et d’informations internationales (CEPII), a souligné que la crise a été « plus rude pour les pays en développement que pour les pays développés » et insiste notamment sur la difficulté d’adapter dans les premiers des politiques de protection sociale venues des seconds. En effet, comment instituer un système d’assurance chômage quand le secteur informel représente, selon les pays, 30 à 70% de l’activité économique ?

  • La Chine a sévèrement subi la crise : le taux de chômage y a augmenté dans les 2/3 des régions. C’est pourquoi le gouvernement a largement étendu le système public d’emploi (aux campagnes, universités, quartiers) et développé la formation.

Par ailleurs, la crise a été l’occasion de la mise en place de groupes de travail transversaux, mobilisant différent ministères (ressources humaines et éducation) ainsi que des entreprises privées et des syndicats. Dans ce cadre, des plateformes ont été créées pour collecter des informations partout, jusque dans les plus petits bourgs, et des évènements ont été lancés, comme le « mois de l’emploi » ou « le vent du printemps » – qui vise à aider les travailleurs migrants des campagnes à trouver du travail dans les villes.

  • En Afrique, si les taux de croissance sont élevés (5% sur l’ensemble du continent), l’emploi ne suit pas. Dans un pays comme le Cameroun, le secteur informel compte pour 80 à 90% des 4,5% de croissance annuelle ; pourtant, les jeunes n’y trouvent pas de travail. Le Fonds national de l’emploi a donc pour objectif de créer vingt 20 nouvelles agences qui pourvoiront notamment des stages de pré-emploi pour 50 000 jeunes diplômés et des aides à 1000 jeunes créateurs d’entreprises.

Les priorités des services publics de l’emploi à l’avenir : la préservation du capital humain

Dans un contexte de crise financière mondiale, les marges de manœuvre budgétaires des états ont été sévèrement réduites. Ceux-ci ont donc du innover, faire plus avec moins, et certains ont mis en place des politiques qui ont été saluées dans un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT).

« Le petit miracle allemand »

Selon selon John Martin, Directeur Emploi, Travail et Affaires sociales de l’OCDE, le cas de l’Allemagne est « un petit miracle ». Mais en réalité, au-delà du redressement de la compétitivité allemande, ce sont des facteurs issus du volontarisme des pouvoirs publics et des partenaires sociaux qui expliquent, comme l’avait fait l’Atelier de l’Emploi, pourquoi l’emploi avait mieux résisté à la crise en Allemagne :

  • les réformes du marché du travail (lois « Hartz ») qui ont mis en place des politiques «actives» de soutien des chômeurs ;
  • les négociations collectives sur le Kurzarbeit (chômage partiel, également appelé labor hoarding, sur lequel l’Atelier de l’Emploi avait insisté) qui ont laissé en poste des emplois qualifiés, certes avec un temps de travail réduit mais permettant une conservation du lien avec l’entreprise et, donc, de ne pas dégrader le capital humain. « Cette adaptation de l’emploi au cycle de la crise a permis de garder les ouvriers qualifiés, bien utiles quand la reprise survient ».

Raccourcir les périodes de transition professionnelle : la mobilité, clé du retour à l’emploi

« Les spécialistes sont unanimes », rapporte Gilles Bridier sur Slate: « les transitions professionnelles, entre deux périodes d’emploi, doivent être les plus courtes possibles pour éviter un enlisement dans le chômage de longue durée » et une trop grande dégradation du capital humain. Ces périodes sont même l’occasion d’enrichir sa carrière, via la formation. « Dans tous les cas de figure, la clé du retour à l’emploi reste la mobilité », précise le journaliste à juste titre, avant de livrer un aperçu des politiques visant à raccourcir les périodes de transition professionnelles dans différents pays.

D’une manière générale, la mobilité est considérée comme une clé de l’employabilité dans tous les pays :

  • En France, celle-ci augmente régulièrement mais l’orientation semble encore très déficiente puisque 36% des demandeurs d’emploi ne savent pas quelle formation choisir, alors que 73% sont convaincus de son utilité.
  • En Belgique, le gouvernement fédéral a décidé d’intervenir au plus près des territoires pour mieux prendre en compte les réalités économiques de chaque bassin d’emploi, et ce afin de mieux développer le potentiel des individus et promouvoir la mobilité.

Traiter la pénurie de talents et mettre fin à la dualité du marché du travail

N’oublions pas, comme le souligne Eric Le Boucher, que la pénurie de talents constitue un problème de plus en plus grave :

« les situations des marchés de l’emploi présentent un paradoxe croissant entre d’un côté un chômage fort et de l’autre des emplois vacants de plus en plus nombreux. Ce paradoxe est mondial: deux entreprises sur trois en Inde souffrent de ne pas trouver les qualifications qu’elles cherchent, 57% des brésiliennes, 80% des japonaises, 52% des américaines, selon une enquête de Manpower Group.

Le manque de « talents » concerne 34% des entreprises mondiales contre 31% en 2007. Il devrait croître au fur et à mesure que disparaît l’emploi à vie et que se généralise le fait d’occuper plusieurs postes différents dans une vie professionnelle, activant, à chaque changement, le besoin de formations. »

Le même Eric le Boucher insistait aussi sur une nécessité particulièrement forte en France : unifier un marché du travail encore bien trop dual. En effet, alors que la crise et l’application des « lignes de défense » préconisées par le FMI ont trop souvent conduit les Etats à simplement « ajouter des statuts précaires aux anciens emplois qui restent «protégés» », la « dualité du marché du travail » s’est aggravée, pénalisant « grandement les jeunes, comme on le voit en Espagne. ».

En effet, il est devenu fondamental d’assainir et vitaliser le marché de l’emploi dans nos sociétés car, comme le rappelait Raymond Torres lors de la conférence, « dans les deux tiers des pays impactés par la crise, on peut constater une hausse importante de la perte de confiance en l’avenir ainsi qu’un malaise généralement synonyme de tension sociale. » Ainsi, au-delà des revendications démocratiques de la jeunesse tunisienne, c’est surtout la question de l’emploi qui avait mobilisé le pays contre Ben Ali.

 

>>>POUR EN SAVOIR +

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