« Comment anticipez-vous l’évolution des effectifs de votre entreprise au cours du prochain trimestre, jusqu’à fin décembre 2013, par rapport au trimestre actuel ? »
Pour cette nouvelle vague du Baromètre des perspectives d’emploi, c’est la question qui a été posée, en France, à plus de 1000 employeurs – privés comme publics. Leurs réponses :
- 86% des employeurs n’anticipent aucune évolution de leurs effectifs ;
- 6% prévoient de les augmenter ;
- 6% comptent les réduire.
Au total, après un 3ème trimestre marqué par des prévisions qui étaient négatives pour la première fois depuis 4 ans, la fin de l’année 2013 s’annonce à peine mieux, avec un « solde d’emploi » nul (à 0%). Ce chiffre est révélateur du moral des employeurs français : wait & see, en somme.
« Trop tôt pour observer un mouvement de fond sur le front de l’emploi »
Alain Roumilhac, Président de ManpowerGroup, analyse ces chiffres :
« En un an, le chômage a augmenté de 10% en France. La hausse des embauches observée ces trois derniers mois (+1,6%) et le rebond surprise de 0,5% du PIB au deuxième trimestre constituent évidemment de bonnes nouvelles pour notre économie. Mais, sur le terrain, nous constatons que les employeurs font toujours preuve d’une extrême prudence. C’est pourquoi il est encore trop tôt pour affirmer qu’un mouvement de fond sur le front de l’emploi est à l’œuvre. »
Depuis un an, en effet, impossible d’observer une tendance affirmée, à la hausse ou à la baisse : en France, le moral des employeurs est globalement maussade. En revanche, les dynamiques régionales sont très contrastées. On note avant tout le net rebond du Nord.
- Alors que les prévisions de réductions d’effectifs sont toujours dominantes dans l’Est, le Nord – de la Normandie à la Champagne-Ardenne – a connu en un an un revirement de situation – avec un solde passé de -4 à +5%. L’effet « logistique », celui d’Amazon ou encore de l’implantation de Booking à Tourcoing ? La hausse de l’indice de production industrielle, amorcée le trimestre dernier, n’est probablement pas étrangère au sursaut de la région, dont les usines innovent pour préserver l’emploi.
- -4 en 6 mois pour l’un, -5 en un an pour l’autre : en Île-de-France et dans la région Sud (Sud-Est et Sud-Ouest), les employeurs sont de moins en moins optimistes. L’Île-de-France, qui concentre 44% des emplois dits « stratégiques » de France, reste dans le vert, mais le Sud, à l’image d’une Marseille qui court après les talents, paye-t-il là le prix d’une économie trop « résidentielle » et pas assez productive ?
- À l’Ouest (de la Bretagne au Limousin), rien de nouveau : un marché toujours peu dynamique, loin du solde positif très élevé de fin 2012.
L’énergie chute, la construction redémarre, l’industrie reprend (prudemment) confiance
La hausse surprise du PIB cet été n’est-elle pas, finalement, due à la mauvaise météo du printemps ? C’est l’hypothèse de l’économiste Marc Touati, qui interprète le rebond par « l’explosion de la consommation d’énergie » due au temps exécrable que la France avait connu à l’époque… ce qui expliquerait la chute de 10 points du solde d’emploi du secteur de la distribution énergétique ? Ce solde, à son plus bas historique (depuis le premier Baromètre, en 2004), est aussi le plus faible de tous les secteurs ce trimestre.
Une des plus grandes progressions est à l’inverse à chercher du côté… de l’industrie : les prévisions des employeurs y sont encore négatives, mais en nette amélioration (+7 en un trimestre), dans la lignée de l’amélioration perceptible du climat des affaires.
Du côté des plus créateurs d’emplois, on retrouve les services, l’agriculture et, surtout, la construction : un signe fort pour le marché de l’emploi, corroboré par l’Insee qui percevait en juin, encore au conditionnel, une reprise des mises en chantiers après une année 2012 difficile et un 1er trimestre nuancé en raison… du printemps rigoureux. Investissements, débouchés à l’exportation – et emplois – seraient donc à prévoir.
Du côté des secteurs les plus exposés, outre le commerce et les transports, l’hôtellerie-restauration bouclera l’année 2013 avec un 4ème trimestre dans le négatif (solde de -8). La filière est identifiée par le gouvernement comme un « important gisement d’emplois », largement inexploité ; les difficultés de recrutement, dans le secteur, sont persistantes, et appellent à une amplification des mesures prises pour valoriser la filière.
Reste du monde : prudence, prudence
En Europe, rien de vraiment nouveau : le continent est encore une fois le plus pessimiste du monde, et même le seul où les perspectives d’emploi sont globalement négatives. Les employeurs finlandais, peut-être échaudés par l’annonce début septembre du rachat du géant national Nokia par Microsoft, rejoignent les Espagnols et surtout les Italiens (-13%) sur le podium des employeurs les moins confiants au monde pour la fin de l’année.
Les pays dont la prévision nette d’emploi est en recul sont plus nombreux que leurs voisins optimistes : autant d’un trimestre à l’autre que d’une année à l’autre, l’heure n’est pas (encore ?) à l’optimisme.
Dans un panorama globalement attentiste, les employeurs émergents surnagent et apparaissent comme autant d’opportunités : l’Inde (41%), Taïwan (35%), Singapour (20%), la Turquie (19%), la Chine ou le Brésil (18%) affichent les prévisions les plus heureuses.