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Smart grids (2/2) : quand l’innovation de rupture appelle l’innovation RH

« Réseau électrique du futur », « nouveau paradigme énergétique », « nouvelle aventure technologique… » , « vecteur fort d’innovation », … : n’en jetez plus ! Les smart grids, ces réseaux électriques intelligents, sont la promesse d’une profonde remise en cause du modèle d’affaires de nombreuses entreprises.

Ce billet est la deuxième partie de Smart Grids (1/2) : révolution des métiers, cas d'école

Enjeux organisationnels, d’évolution des compétences et des métiers,  nouvelles cultures managériales, fidélisation et d’attraction, mobilités, mise en place de politiques santé et sécurité, politiques territoriales, dialogue social, etc. : la RH doit être capable de répondre à cet ensemble de défis spécifiques… Mais on lui demande aussi aujourd’hui ce « quelque chose en plus » : porter une vision globale.

Aligner la stratégie RH à un « business » reconfiguré par de nouvelles technologies, mais aussi par la compétition accrue dans un contexte toujours plus internationalisé, le respect de règlementations environnementales mouvantes, etc. : un défi d’innovation RH aussi exigeant que stimulant. Un cas d’école instructif bien au-delà des secteurs affectés par la vague smart grids, et dont on peut tirer 5 leçons.

1. La diversification du recrutement, réponse à la révolution des métiers

L’émergence des smart grids s’accompagne de nouveaux besoins en compétences considérables, notamment dans des métiers particuliers comme dans le domaine de la gestion, la mise en place et la gestion de réseaux électriques intelligents, voire le domaine de l’éclairage ou de l’électrochimie, notamment pour le stockage de l’énergie. Pour Christophe Carval, directeur Ressources humaines et Transformation du groupe ERDF, les recrutements prévus sont l’occasion de faire entrer dans l’entreprise des compétences nouvelles. Et au besoin de technicité nécessaire pour penser et surtout repenser la manière même dont les réseaux sont conçus, vient s'ajouter celui de compétences d’écoute et de mise en relation : le développement des projets repose énormément sur des « personnes en capacité d’écouter et de comprendre les problématiques des différents acteurs » – élus, chercheurs, autres acteurs privés -, qui jouent un rôle dans ce vaste mouvement d’« adaptation à de nouveaux enjeux énergétiques ». Une problématique-clé pour une filière qui se développe, aussi, à coups de projets d’envergure.

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Il y a donc deux tendances, qui ne sont pas incompatibles, dans ces nouveaux besoins en compétences : la nécessité de recruter des profils très techniques autour d’enjeux émergents, mais aussi celle de disposer de collaborateurs « pluri-compétents », dotés notamment, de ces fameuses soft skills. Cette articulation entre hyper-spécialisation et polyvalence est cruciale pour les métiers liés aux smart grids. « Ce besoin de multi-compétences met en relief la nécessaire évolution des organisations à ne plus raisonner en silo fonctionnel ou technique mais à se centrer sur les fonctions, les besoins clients et donc sur les finalités Smart Grids », note de son côté Florian Ortega, Ingénieur Civil des Mines.

2. Chaires, GPEC, incubateurs, campus de proximité,… : les compétences, le nerf de la guerre

L’intégration de nouvelles compétences dans l’entreprise s’affirme ainsi bel et bien, aux yeux des observateurs, comme le nerf de la guerre de l’innovation via les réseaux intelligents. De nouvelles formations orientées smart grids et des cursus d’excellence essaiment d’ailleurs sur le territoire. Un exemple avec la création d’un cycle ingénieur spécialité Systèmes électriques, piloté par le CNAM, dans lequel la compétence smart grids est présente de manière transverse tout au long de la formation. Depuis 2012, un partenariat entre ERDF et la Fondation partenariale de Grenoble INP a abouti à la création d’une chaire d’excellence industrielle sur les smart grids. Pour l’entreprise, l’enjeu est double : « obtenir rapidement la masse critique en matière de recherche et de déploiement technologique » pour être à la pointe de l’innovation, mais aussi plus globalement « consolider les compétences nécessaires pour faire face aux défis de la distribution électrique ». D’autres cas existent, comme celui de la Fondation Telecom, qui s’est associée à Itron et Texas pour l’ouverture d’un « centre de compétences Smart Grid », en 2013.

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Optimiser la contribution de la fonction RH, sur le volet "compétences", consiste également à faire évoluer la « façon de penser et de faire de la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) », préconise l’étude Comment se préparer aux métiers de demain dans l’énergie. Il s’agit alors d’évangéliser et d’être pédagogue sur la finalité des démarches GPEC, de favoriser les synergies par-delà des spécificités-métiers, mais surtout de mieux articuler l’ensemble de ces démarches avec les orientations stratégiques de l’entreprise, en se concentrant sur les métiers à fort enjeu.

Mais le développement des compétences se pratique toujours plus dans des structures dédiées, à commencer par les universités d’entreprises. Les formations développées dans ce cadre ont d‘abord pour but d’accompagner le management de proximité en transmettant une culture managériale, notamment à destination des ingénieurs. « Au travers de notre université et de la plate-forme e-campus manageur, nous leur donnons les clés pour apprendre à piloter des hommes, à gérer des organisations et à développer leurs qualités personnelles », souligne ainsi Nicole Verdier Naves, directrice dirigeants manageurs et mobilité internationale du groupe EDF. Les plateformes e-learning trouvent ici toute leur place et répondent particulièrement bien aux exigences de rapidité et de flexibilité.

« Renforcer la formation des jeunes embauchés et préparer le renouvellement de ses compétences », notamment dans un contexte plus global de départs à la retraite nombreux et d’impératif de transmission intergénérationnelle, tels sont les objectifs des campus de proximité. ERDF, qui se prépare à renouveler 40% de ses effectifs d’ici 20120, multiplie les initiatives : programmes d’alternance, accompagnement via coaching, recrutements conséquents, mais aussi, donc, ces formations sur-mesure implantées hyper-localement. L'objectif : « rapprocher les lieux de formation des collaborateurs » pour répondre de manière ciblée à des besoins locaux. Une anticipation des besoins pour demain, donc, sur des compétences liées aux réseaux intelligents… mais également pour après-demain : l’objectif est de former « aujourd’hui des profils qui pourront être reconvertis une fois terminé le déploiement des nouveaux compteurs ».

3. Cap sur la "gestion des compétences étendue"

Pour les grandes entreprises, les incubateurs permettent de s’ouvrir aux start-ups, à leurs technologies, comme à leurs talents : ainsi du groupe italien Enel, qui lançait en octobre dernier un incubateur dédié aux smart grids pour « soutenir le développement des start-ups actives dans le domaine » et « rattacher rapidement [les start-ups lauréates du programme] à l'Enel Lab », l'incubateur de talents de l’entreprise.

C’est que, plus généralement, l’innovation des smart grids se déploie dans un réseau d’acteurs très varié. Ceux-ci doivent alors adopter une dynamique partenariale pour évoluer au sein d’un écosystème riche, dans l’optique de coordonner les entreprises, les prestataires de services, les opérateurs, les collectivités locales… Pour faciliter cette articulation mais aussi pour évoluer dans un secteur émergent en proie à de fortes mutations, les entreprises, qu’elles aient le lead sur le projet ou qu’elles soient des prestataires, doivent donc faire agile.

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Les logiques engagées ne sont pas que du ressort de l’externalisation et de la sous-traitance, mais vont jusqu’à l’innovation ouverte, dans le cas d’Alstom, par exemple, ou encore jusqu'à la « co-production » des services. Denis Szkobel, président du SYPEMI, Syndicat Professionnel des Entreprises de Multiservice Immobilier et de Facilities Management, précise : « notre souci, en tant que prestataire, n’est pas seulement de délivrer des services mais de faire en sorte de les intégrer au mieux dans la chaîne de production de notre client. » Les prestataires sollicités souhaitent en effet garantir l’interface entre leurs métiers et les clients, et la tendance est en effet à une vision de moins en moins morcelée des projets. « Notre ambition est de développer la « brique numérique » qui nous permet de garder le contact avec le client final, car nous ne voulons pas nous retrouver en position de sous-traitant » explique  ainsi Guy lacroix, PDG de Cofely Ineo (groupe GDF-Suez). Mais qui dit « entreprise étendue » dit aussi (délicate) « gestion des compétences étendues »

4. Une démarche employeur responsable

Le secteur de l’énergie en général est un secteur où de nombreux enjeux en matière d’organisation du travail (astreinte et travail de nuit), de santé et de sécurité sont particulièrement prégnants. Les RH sont alors amenées à jouer un rôle de garantes des conditions de travail et de conduite des politiques de santé et de sécurité. Luis Molina, directeur compétences et performances sociétales du groupe EDF explique notamment : « le capital humain est important au sein du groupe EDF […]. Chacun est engagé dans cette démarche […] : formation, mixité et impact sur les territoires. Les investisseurs, les salariés et l’ensemble des parties prenantes y sont de plus en plus sensibles ».

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Mais les enjeux concernent également la diversité de la force de travail : malgré des évolutions récentes, le secteur reste en effet très masculin. L’enjeu pour les RH est donc de diversifier le recrutement, de le féminiser et de faire monter les femmes en compétences. La DRH d’ERDF Christine Goubet-Milhaud expliquait en 2013: « on nous appelle souvent l’entreprise aux cent métiers. Or, les femmes ne convoitent pas la plupart d’entre eux. Mon projet est de convaincre [les femmes] de devenir technicienne clientèle ou technicienne d’intervention réseau […]. Etre d’astreinte, travailler de nuit et le week-end, diriger les équipes, c’est par stéréotype un frein pour les femmes dont elles sont les premières à pâtir. Or, une fois engagées, elles sont remarquables dans la résolution de problèmes ». De quoi bâtir des stratégies de recrutement novatrices…

5. Marque-employeur : donner envie de participer à la construction du "monde de demain"

Un autre enjeu RH d’importance est enfin d’améliorer leur performance en termes de fidélisation et d’attraction des talents. Les différents secteurs pouvant tirer profit des smart grids présentent en effet des perspectives importantes de recrutement, sur des métiers ont les compétences requises se « verdissent » et, dans une moindre mesure, sur d’authentiques nouveaux métiers. Un enjeu réside alors à se doter de ces compétences émergentes, avec une très forte problématique d’attractivité sur des métiers restant peu connus ou peu attrayants.

Il y a donc tout un travail de formalisation à faire, non seulement dans la formulation et description des postes et des profils, mais plus généralement sur le plan de la marque-employeur. L’objectif : fidéliser les collaborateurs existants et les mobiliser dans la durée, mais aussi s’exposer, se rendre visible, face à des candidats qui ne connaissent pas nécessairement l’activité de l’entreprise. Ni, toujours, la technologie en elle-même : il y a là une opportunité, pour les entreprises du secteur, à se faire le porte-voix des smart grids. En vulgarisant la notion, donc, mais aussi en embrassant l’aura d’innovation technologique et, surtout, de potentiel de transformation de la société qui l’entoure. Car si les entreprises ont la tentation de la « jouer comme Google » pour dorer leur blason vis-à-vis des candidats, attirer ne peut plus seulement signifier : communiquer sur la participation à un défi technologique moderne qu’une carrière pourra représenter.

Les smart grids sont alors l’occasion d’évoquer le monde d’aujourd’hui… et de demain, en prouvant aux candidats que l’entreprise comprend leurs attentes et partage leurs valeurs. Au-delà de l’attractivité des carrières (et de l'accent mis sur la co-construction des parcours professionnels), Alstom offre ainsi par exemple « des emplois en phase avec les changements économiques, sociaux et environnementaux », quand Vinci s’adresse à ses candidats en présentant son « projet environnemental ambitieux », mais aussi, dans le détail, ce que signifient « consommation intelligente » ou « smart cites ». Stimulant !

Ce billet est la deuxième partie de Smart Grids (1/2) : révolution des métiers, cas d'école

 Crédits image : Ruta N Medellín et Green Energy Futures – David Dodge / Flickr / Licence CC BY NC SA
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