En ajoutant un onglet « compétences professionnelles » au profil de ses membres, Facebook avait déjà fait un (petit) pas pour devenir un réseau social qui soit aussi un vivier de talents pour les recruteurs. Demain, il ambitionne de venir concurrencer frontalement des sites bien installés comme Viadéo ou LinkedIn. Le nom de code de cette opération ? Facebook at Work.
Réseautage social ou outil collaboratif ?
Concrètement, ce dernier, encore en version bêta, proposera les mêmes fonctionnalités que la version personnelle aujourd’hui accessible à tous, avec une interface utilisateur unique partagée entre les deux versions. L’utilisateur pourra donc créer une page profil, poster des messages sur son mur ou celui de ses amis, etc. Comme sur Facebook « traditionnel » donc, mais à destination de ses relations professionnelles. Seul le code couleur utilisé permettra de différencier les profils : le bleu pour la partie personnelle, le blanc pour le professionnel.
Mais au-delà de la simple question du « réseautage », Facebook veut aller plus loin et s’imposer dans les bureaux comme un passage obligé, un indispensable. Et pour cela, le groupe a choisi de miser sur le collaboratif. Au vu des chiffres publiés en 2014, on comprend aisément pourquoi : à l’échelle de la planète Facebook compte 1,35 milliards d’utilisateurs, dont 28 millions en France. Un vivier sur qui il espère pouvoir s’appuyer pour pousser les entreprises à opter pour Facebook at Work plutôt que pour un autre outil (comme Slack ou Lync par exemple). A ce jour, une grande inconnue demeure : les entreprises accepteront-elles de livrer une partie de leur données, souvent stratégiques (ne serait-ce que des échanges de messages instantanés entre collaborateurs), au géant des réseaux sociaux ? Rien n’est moins sûr. D’où le pari, risqué mais audacieux, de devenir tant un réseau professionnel qu’un réseau social d’entreprise.
Des outils au service de la culture d’entreprise plus que du recrutement
Avec sa force de frappe, certains pensent que Facebook pourrait très vite s’imposer comme LE réseau social. Au point de bouleverser le recrutement en ligne ? Une enquête Questions RH révélait que si 48 % des recruteurs avaient déjà contacté une personne via un réseau social, ils étaient moins d'un sur trois à avoir effectivement recruté par ce biais. "Les promesses du recrutement prédictif, du Big Data, et même de nouvelles façons de lier contact et de cibler ses recherches, notamment via LinkedIn, ne sont pas de faux-semblants… si on leur accorde leur juste place. Et si 60% des entreprises du Fortune 1000 avaient dès 2013 investi dans des solutions de RH analytiques, savoir dompter l’algorithme, donner du contexte mais aussi accompagner un projet et connaître un client restent l’apanage d’un « big » recruteur en chair et en os.", rappelle Emmanuel de Catheu, Directeur Général d’Experis Executive, cabinet de recrutement par approche directe de ManpowerGroup.
Pour les entreprises, les réseaux sociaux professionnels peuvent constituer une banque de donnée d'informations sur les compétences de leurs collaborateurs. « Certaines grandes entreprises font le constat qu’il y a plus d’information sur les compétences de leur collaborateurs dans LinkedIn que dans leur GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences)», note Arnaud Rayrole, directeur général du cabinet de conseil Lecko.
Si l’efficacité des réseaux sociaux en termes de recrutement est loin d’être démontrée, ils peuvent néanmoins être utiles pour communiquer sur la marque employeur, développer la culture d’entreprise ou encore favoriser l’engagement des salariés. "En maximisant leur présence et leur engagement sur des réseaux sociaux choisis, les employeurs peuvent attirer et engager les bons candidats plus rapidement et de manière plus efficace", précise James McCoy, vice-président de ManpowerGroup Solutions. Le CIGREF a, de son côté, identifié six enjeux principaux pour motiver la mise en place d’un Réseau Social d’entreprise, parmi lesquels le développement de la culture d’entreprise, le partage de l’information et des bonnes pratiques ou encore la transversalité. Un créneau dans lequel Facebook at Work voudrait s’implanter.
> Lire aussi Recrutement : les entreprises actives sur les réseaux sociaux sont plus attractives (et engageantes)
Au-delà des algorithmes
Un bémol cependant : les difficultés liées à la technicité de la recherche représentent un frein non négligeable quant à l’adoption des réseaux sociaux professionnels comme outil collaboratif mais aussi RH. En effet, comme le note le CIGREF, « les projets concernant leur mise en œuvre sont délicats car ils touchent toutes les fonctions de l’entreprise. Le facteur humain étant le carburant de ces outils sociaux dont il est difficile d’imposer l’usage ».
La présence de l'entreprise sur les réseaux l’oblige également à penser à son positionnement et à sa marque employeur pour éviter de générer des candidatures non pertinentes. Cette étape, chronophage, ne bénéficiera pas forcément aux PME et aux métiers de l’artisanat qui recrutent essentiellement par le bouche-à-oreille. De même pour les grandes et moyennes entreprises : rien ne saurait remplacer pour l’instant le networking traditionnel, moyen le plus utilisé et le plus efficace dans la recherche de talents.
Les job boards, enfin, demeurent le principal support de recherche, pour les recruteurs comme pour les candidats. Sans oublier l'importance des relations personnelles et de l’expertise des recruteurs lors du processus de recrutement. Deux aspects qui sont jugés essentiels pour 72 % des répondants à l'étude de ManpowerGroup Solutions The 2014 candidate preference survey. Ainsi, si les réseaux professionnels s’affirment comme un soutien important pour les recruteurs, ils ne sauraient définitivement pas remplacer le réseau de terrain et se substituer à l’expertise humaine. Et pour l’instant, Facebook n’a rien annoncé de ce côté-là…
> Retrouvez les principaux résultats de l'étude The 2014 Candidate Preference survey en infographie :
> Lire aussi Moi, recruteuse depuis 20 ans : « Les technologies se suivent, les bons recruteurs restent »