La 2ème édition de la Semaine de l’industrie s’ouvre aujourd’hui. A ce sujet, L‘Usine nouvelle a publié la semaine dernière une interview de Jean-François Dehecq, ancien PDG de Sanofi aujourd’hui à la tête de la Conférence nationale de l’industrie – au sein de laquelle employeurs et partenaires sociaux échangent pour développer la compétitivité et l’emploi.
Par des propos souvent bruts de décoffrage, cet industriel passionné confirme l’importance des territoires et de la coopération entre entreprises pour développer l’emploi . Morceaux choisis.
Compétitivité : « La France est une championne de la recherche, mais pas de l’innovation »
Au sujet de la compétitivité, Jean-François Dehecq souligne les avancées du dialogue :
« Vous avez d’un côté les organisations patronales, qui se focalisent sur la compétitivité coût et réclament des baisses de charges ; de l’autre, les organisations syndicales, qui considèrent que les entreprises se feront plus de marge à bon compte.
Mais nous avons avancé sur la question de la compétitivité hors coûts. Nous avons pu parler de questions clés comme la qualité, la supply chain et l’investissement qui a un retard colossal dans ce pays. Idem pour l’innovation.
La France est une championne de la recherche, mais pas de l’innovation… Quiconque connaît l’industrie sait que l’innovation se fait près des usines, voire dans les usines. Croire que l’on peut supprimer la production en France, et y conserver la R & D, c’est ne rien comprendre à l’industrie ! Il faut aussi parler de l’export qui doit être celui des PME. »
Le président de la Conférence nationale de l’industrie égratigne, au passage, une génération qui, d’après lui, manquerait de pragmatisme :
« Je suis d’une génération de patrons qui voulait que la France existe. En cas de problème, on cherchait des solutions, quelles qu’elles soient. J’ai même reconverti un site en usine de pizzas ! Ce n’est pas forcément le cas de la génération actuelle. »
Emploi : la solution se trouve dans les territoires
Pour l’ancien patron de Sanofi, il n’y a pas de doute : la lutte contre le chômage doit avoir lieu dans les territoires.
« Surtout, tout doit être « fléché » vers la création d’emplois. On ne peut pas se permettre de laisser 10 % de la population sans travail dans notre pays. Toutes ces questions nous ramènent d’ailleurs aux PME, car nos grandes entreprises ont perdu le contact avec le territoire. […]
Il faut donc agir au niveau régional et même au niveau du bassin d’emploi. Aujourd’hui les grands patrons de région en font mille fois plus pour l’industrie que l’État. […] L’industrie doit surtout servir à créer des emplois. »
La coopération au sein des filières, clé de la compétitivité et de l’emploi
Selon lui, l’avenir de l’emploi réside dans la coopération des PME, dans les régions et au sein des filières :
« Quand vous travaillez filière par filière, les réponses sont extraordinairement opérationnelles. […] C’est pour cela que nous nous sommes organisés avec tous ces comités de filières. »
La proximité « charnelle » serait, selon lui, un moyen de protéger l’emploi :
« Dans une petite entreprise, ce n’est pas facile pour le patron de virer des gens qu’il connaît tous personnellement. Du haut d’une tour de La Défense, c’est plus simple. Les patrons de grands groupes sont très mobilisés sur l’international. Il faut qu’ils aient des godasses sacrément tricolores – c’est mon cas – pour vouloir créer de l’emploi ici, payer des impôts en France. »
C’est l’une des raisons pour lesquelles il plaide pour un soutien actif aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), trop peu nombreuses en France, et leur coopération active au sein des comités de filière :
« Il faut agir. Financer et aider les filières à se structurer en regroupant des entreprises. C’est ce qu’essaie de faire le FSI. Certes, il ne faut pas se leurrer : mes amis décolleteurs de la vallée de l’Arve, qui sont formidables, ne sont pas forcément prêts à se regrouper.
L’intérêt de la CNI, dont nous allons accentuer la régionalisation l’an prochain, c’est de permettre aux gens de se parler. Ils s’aperçoivent qu’ils ont les mêmes problèmes et doivent travailler ensemble, notamment à l’export. Un petit groupe d’entreprises de la région lyonnaise a ainsi ouvert un bureau commun de prospection à Singapour. »
Des propos qui font écho à ceux de Ludivine Calamel, chercheuse spécialisée dans la gestion territoriale des emplois et des compétences.
« Il ne suffit pas de signer des chartes. Il faut des gens sur le terrain, avec des programmes concrets. »
Jean-François Dehecq insiste, enfin, sur l’urgence du passage à l’acte :
« Il faut agir. Il ne suffit pas de signer des chartes. Il faut de la mutualisation inter-entreprises. Il faut des gens sur le terrain, avec des programmes concrets. »
Il conclut en annonçant les chantiers prioritaires de la CNI : la formation et l’emploi, les aides publiques et leur efficacité réelle.