Après Toulouse l’industrielle, championne de France des intentions d’embauche, l’opération Agissons pour l’emploi fait étape à Marseille le 12 février. La cité phocéenne est typique de ces territoires français où la fragilité côtoie la force : troisième aire urbaine de France au sein de la troisième région qui crée le plus de richesses dans notre pays, elle peut compter sur une forte attractivité et d’importants gisements d’emploi. Mais Marseille, dépendante de sources de revenus extérieurs, est particulièrement marquée par la crise et handicapée par la structure peu dynamique de son économie. Toutefois, la mère du club de football le plus populaire de France ne se résigne pas ; elle semble même se tourner résolument vers l’avenir, portée aujourd’hui par la « bouffée d’oxygène » que constitue « Marseille-Provence 2013, capitale de la culture ». Analyse.
Géographie de l’emploi : PACA, terre de contrastes. Marseille et son département en souffrance
En 2013, Marseille est capitale. Capitale européenne de la culture cette année, la métropole est aussi le centre névralgique de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui est une terre de contrastes :
- en PACA, les disparités sont fortes, les territoires les plus riches sont les voisins des plus pauvres ;
- caractérisée par sa géographie montagneuse peu propice au développement de la ville, PACA concentre deux des dix plus grandes aires urbaines françaises : Nice – qui a franchi la barre du million d’habitants – et, surtout, l’aire Marseille-Aix-en-Provence (1,7 millions d’habitants), au cœur de la région.
Vitalité démographique et jeunesse, solde migratoire, urbanisation : sur de nombreux indicateurs-clés du dynamisme économique, les disparités sont immenses entre les territoires de PACA, autour d’une agglomération marseillaise qui exerce une grande force d’attraction : concentrant près d’un tiers des salariés de la région, elle est la 3ème zone d’emploi la plus peuplée de province.
Mais PACA comme le département des Bouches-du-Rhône sont durement frappés par le chômage. Avec un taux de 11,3% fin 2012, la région est la 4ème la plus touchée de France. Le département, lui, va encore moins bien : son taux de chômage est supérieur à 12%, largement au-dessus de la moyenne régionale. Plus inquiétant encore, c’est dans les Bouches-du-Rhône que le taux de retour à l’emploi est le plus faible de PACA, 40% des demandeurs d’emploi sont au chômage depuis plus d’un an. On est loin des bons résultats des Alpes-Maritimes et des Hautes-Alpes.
Marseille victime de sa dépendance
Si, jusque-là, le « 13 » « résistait mieux à la crise », les chiffres du troisième trimestre 2012 ont révélé un inquiétant « renversement de tendances ». Le département, jusqu’ici relativement à l’abri de la dégradation de l’emploi en cours dans la majeure partie de la région, se trouve « sous pression », entre une contraction des carnets de commande dans le BTP ou la pétrochimie et un recul des volumes des transactions immobilières ainsi que du fret – maritime comme aérien.
Premières victimes : les jeunes (hausse de 5,2% du nombre de demandeurs d’emploi sur un an) et, surtout, les seniors (+14,1%). C’est tout le dynamisme marseillais qui semble en berne : « les créations d’entreprise sont en net recul et les procédures en prévention des défaillances ont été multipliées par trois », s’alarme Maurice Wolff, de l’UPE 13 (Union pour les entreprises du Bouches-du-Rhône).
Le plus inquiétant, selon l’économiste Laurent Davezies c’est que ce qui a fait la force de Marseille jusqu’à présent pourrait, demain, être son premier boulet. Par-delà ses contrastes, l’ensemble de la région se caractérise comme une économie dite « présentielle », centrée sur les emplois dédiés à la population présente sur son territoire (activités touristiques ou liées à la résidence : services à la personne, santé, social, etc.) : en PACA, plus de la moitié des zones d’emploi (11 sur 18) présentent cette caractéristique. Même dans les agglomérations, la carte de l’emploi révèle un profil moins urbain et plus « présentiel » que partout ailleurs en France.
Le problème, c’est que ces si ces emplois sont facteurs de dynamisme, ils dépendent aussi de « l’extérieur » : ils sont donc particulièrement sensibles à la conjoncture (c’est pourquoi ce sont les territoires dont l’économie était diversifiée qui ont le mieux résisté à la poussée du chômage entre 2009 et 2011). Surtout, les dépenses publiques sur lesquelles ils reposent largement sont amenées à se réduire drastiquement avec la crise de la dette…
L’atout numéro 1 : être the place to go en 2013… et après ?
La dépendance est une faiblesse en période de crise, mais Marseille ne doit pas pour autant renier ses forces. Si elle trouve le bon équilibre, la capitale provençale possède de sérieux arguments pour être un écosystème moteur de croissance et d’emploi. Le tourisme « reste une locomotive essentielle, avec un résultat en hausse par rapport à 2011″,pointe Emmanuel Barthélémy, de l’UPE 13. Pour l’avenir de Marseille, il est en effet décisif de mieux valoriser sa grande attractivité.
La promotion des richesses de la région a trouvé son événement dynamiteur : Marseille-Provence 2013, lancé en grandes pompes à la mi-janvier. Le projet, qui a concentré plus de 600 millions d’euros d’investissement, a moins d’ambition sur les retombées économiques directes qu’en termes de dynamique pour l’ensemble du territoire provençal : accélération des projets d’aménagement urbain, création d’emplois (+15% au moins dans le culturel et le touristique) et, surtout, image de marque de la ville et fréquentation touristique. Objectif : franchir la barre des 10 millions de visiteurs annuels. Alors que Marseille-Provence a défini une « ambition Top 20 » à l’échelle européenne pour devenir une « vraie » métropole, la région peut déjà se féliciter d’être la seconde place to go du monde en 2013, selon le New-York Times.
Marseille-Provence 2013 doit être un déclic. Ce « pari sur l’avenir » pourrait s’inspirer des exemples de Lille ou du bassin de la Ruhr, qui ont profité de leur statut de capitales européennes de la culture pour se transformer. Pour que la cité phocéenne devienne radieuse, « le salut passe par le port », assène la Chambre de commerce et de l’industrie (CCI) de la région. L’enjeu est de taille, un rapport de l’OCDE pointait récemment le déclin du premier port français, à la « croissance stagnante » alors que ses concurrents progressent.
Un paradoxe frappe : l’activité du port de Marseille profite davantage… à l’économie francilienne qu’à la région PACA. La réforme déjà à l’œuvre et l’ouverture de nouveaux terminaux ont permis de retrouver le cap du million de conteneurs pour l’année 2012 ; mais pour Jacques Pfister, président de la CCI, « la dimension commerciale, de conquête à l’international n’existe pas ». Le projet Euromediterranée a jusqu’à présent avancé trop lentement, l’Union pour la Mediterrannée – qui a porté de nombreux espoirs – ne s’est pas (encore) concrétisée économiquement.
Toutefois, un signe positif est apparu en septembre 2012 : une nouvelle « charte Ville Port » vise à « réconcilier les collectivités avec le port » et encourager à la fois les activités industrielles et touristiques – croisières notamment. Vers le « Grand port maritime de Marseille » ?
« La région des sachets de lavande ? » Les défis pour l’emploi demain
Si les gisements d’emplois « présentiels » – en l’occurrence touristiques – sont incontournables, ils ne doivent pas faire oublier l’enjeu principal pour la croissance à Marseille : la compétitivité. C’est l’objectif numéro 1 des principaux acteurs de l’économie marseillaise, qui en appellent à une dynamisation du tissu de petites et moyennes entreprises et une concentration des forces sur les emplois stratégiques. Le Président du Conseil régional Michel Vauzelle va droit au but, faisant sienne la devise de l’OM : « On ne veut pas être la région des sachets de lavande et de la spéculation immobilière ».
Concentrer les forces tout en capitalisant sur la diversité des moteurs du développement économique, l’équilibre est difficile à trouver. Mais Marseille peut relever le défi. A suivre…
>>> En savoir plus :
- « Forces et faiblesses économiques des zones d’emploi de la région PACA » (INSEE)
- « Paca en manque de souffle » (Note conjoncturelle de l’INSEE)
- « Une économie locale en proie au doute » (pdf) : baromètre UPE 13 pour le 4ème trimestre 2012
- L’interview de Jacques Pfister, Président de la Chambre de commerce et d’industrie régionale, par MarsActu