:
Newsletter
HReview
Découvrez nos articles.
Retour à la liste
Partager sur :

Marché du travail : haro sur le contrat?

La « dualité » du marché du travail est considérée par les auteurs de « La Machine à Trier » comme une cause majeure des difficultés d’accès à l’emploi des jeunes en général et l’origine de la fracture entre les « deux jeunesses » : il y aurait d’un côté les insiders, diplômés, de l’autre les outsiders. Face à cela, la question essentielle est-elle celle du contrat?

Quatre raisons expliqueraient, selon les auteurs, l’échec du marché du travail et du système de formation français à résorber les inégalités produites par le système scolaire :

  • Au niveau du contrat de travail, la distinction entre les emplois dits « stables » et « instables » constitue une coupure inefficace et injuste.
  • Les politiques d’emploi en direction des jeunes sont encore trop cantonnées dans la création d’emplois dans le secteur public et n’offrent aucune réelle perspective de carrière.
  • La politique de formation professionnelle, hormis l’alternance, est une faillite, et les jeunes en ayant le plus besoin n’en bénéficient pas.
  • Enfin, les auteurs de l’ouvrage pointent du doigt la faiblesse de l’accompagnement des jeunes sans qualification.

Couverture la Machine à trierVoici une sélection des bonnes feuilles du chapitre 8 de La Machine à Trier, intitulé « Marché du travail : le tremplin ou la précarité », sur la question très débattue du contrat de travail.

Emplois stables, emplois instables : une coupure inefficace et injuste

« La coupure du marché du travail entre des emplois à durée déterminée et des emplois stables ne touche pas que les jeunes. Elle frappe tous ceux qui entrent sur le marché du travail… et qui sont majoritairement des jeunes. En d’autres termes, l’instabilité sur le marché du travail n’est pas une question d’âge, m ais une question d’ancienneté sur ce marché. Or les jeunes ont de facto moins d’ancienneté que les autres. Cependant, en France, cette coupure du marché du travail touche les jeunes plus qu’ailleurs. En 2009, la fréquence des emplois à durée déterminée y était cinq fois plus importante pour les jeunes que pour les adultes.

(…) Historiquement, le développement du recours aux CDD s’est accompagné en France d’une montée du taux de chômage des jeunes, qui culmine aujourd’hui aux alentours de 24 %. (…) Les raisons pour lesquelles les systèmes fondés sur une séparation stricte entre emplois stables et emplois à durée déterminée engendrent autant de chômage sont aujourd’hui bien identifiées : en substance, les emplois stables s’y avèrent « trop » stables et les emplois instables « trop » instables ! (…)

En plus d’être inefficace, ce système est aussi particulièrement injuste, puisqu’il apparaît que les CDD sont un tremplin vers l’emploi stable, surtout p our les plus qualifiés. Une autre source de difficulté provient aussi du fait qu’il est difficile de trouver un logement ou d’obtenir un crédit immobilier lorsqu’on est en CDD, la priorité allant toujours aux titulaires d’un CDI. (…)

Les contrats aidés ne sont pas la solution magique

En Fran ce, le coût du travail au niveau du salaire minimum est parmi les plus élevés des pays de l’OCDE. Cette situation ne présenterait pas de difficultés si nous n’avions en parallèle autant de personnes sans qualification, ni expérience professionnelle. Or, une part importante des jeunes fait partie de ces personnes. Un salaire minimum élevé limite a insi leurs chances d’insertion.

Si l’impact du salaire minimum sur l’emploi en général continue à faire l’objet de débats parmi les économistes, son impact sur l’emploi des jeunes, en France, mais aussi à l’étranger, est bien établi. C’est la raison pour laquelle, dans de nombreux pays, le salaire minimum qui s’applique aux jeunes est fréquemment inférieur à celui qui s’applique aux adultes. Sauf dans des circonstances très limitées, la France n’a pas suivi cette voie et a ouvert d’autres options pour « contourner » le salaire minimum lors de l’embauche d’un jeune.

(…) Plutôt qu e de se focaliser sur des créations d’emplois dans le secteur public, qui creusent les déficits et offrent peu de perspectives à leurs bénéficiaires, il est préférable de favoriser l’embauche des jeunes dans le secteur privé par une baisse du coût de leur travail.

On le voit, les auteurs de « La Machine à Trier » jugent sévèrement le marché de l’emploi dans son incapacité à intégrer les moins favorisés.

code_du_travailFace, notamment, au diagnostic unanimement partagé du « dualisme du marché du travail » (emplois stables / emplois « précaires »), deux écoles semblent s’affronter :

  • Pierre Cahuc et André Zylberberg notamment, deux des auteurs de « La Machine à Trier », sont depuis longtemps d’ardents promoteurs du « contrat unique », l’une des propositions du livre, tout récemment avancée par l’Institut Montaigne sous le nom de « CDI pour tous ».
  • De son côté, l’Institut de l’entreprise soutient une « flexibilité responsable » et considère que la forme du contrat de travail est loin d’être la question essentielle : « une telle vision confond la précarité juridique des contrats avec celle des personnes. Or, la forme du contrat ne préjuge pas de la qualité des emplois : l’équivalence emplois flexibles/précarité des personnes ne résiste pas à l’analyse ; de même, un CDI n’est pas nécessairement synonyme d’emploi de qualité. »

Qu’en pensez-vous ?

> Visuel tiré du stream Flickr de Seattle Municipal Archives (Licence CC)

Partager sur :

Autres articles pouvant vous intéresser