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Les réseaux sociaux au service des RH : enthousiasme légitime mais…

La circulation de l’information au sein de l’entreprise a toujours figuré parmi les principaux enjeux de management : enjeu de pouvoir pour les individus, d’efficacité pour l’organisation dans son ensemble. Après la généralisation de l’utilisation des e-mails (à un tel point qu’elle est aujourd’hui remise en cause dans la communication interne), le déploiement des réseaux sociaux internes et des outils collaboratifs est désormais en cours. Si leur intérêt manifeste suscite un enthousiasme légitime, leur intégration dans l’entreprise pose un certain nombre de questions de taille.

Une multiplication des canaux

Selon une étude de l’IFOP publiée le 8 juillet, le mail et le téléphone fixe demeurent les moyens de communication interne les plus employés par les cadres français : respectivement 95% et 90% d’entre eux les utilisent souvent ou de temps en temps pour s’adresser à leurs collaborateurs. Mais la moitié d’entre eux a également recours à la messagerie instantanée, et les réseaux sociaux commencent à faire leur entrée dans l’espace de travail : les cadres sont 32% à recourir à Facebook, 27% à Viadeo, 18% à un réseau social interne, et même 12% à Twitter. Ces deux types de communications ne sont pas exclusives l’une de l’autre : chez les knowledge workers (« ouvriers de la connaissance »), technophiles par définition, le e-mail est le point d’entrée central dans un réseau social d’entreprise.

Surtout, d’une façon générale, ils sont 75% à publier de façon collective des informations à destination de leurs collègues, clients ou partenaires : c’est sans doute l’indice d’une modification des comportements en faveur d’une communication plus participative et ouverte. Ce constat est à nuancer : les supports privilégiés de ces informations restent les documents de suites bureautiques (67% utilisent des documents Word), suivis par l’envoi de newsletters par mail (47%), ce qui suppose un souci de maîtriser la diffusion et la liste des destinataires. Il n’en reste pas moins que 42% des cadres déclarent utiliser directement l’intranet pour faire circuler de l’information.

Evaluer les salariés sur leurs publications

Pour 61% de ces cadres, en outre, l’ensemble de leurs publications – documents, courriels, messages instantanés, réseaux sociaux – peut légitimement servir de base à une évaluation de leur travail ; dans l’organisation, communication est action.

Outre-Atlantique, des entreprises pratiquent déjà l’analyse des données des utilisateurs de leurs réseaux sociaux internes -en s’inspirant des technologies qui sont appliquées aux réseaux sociaux publics. L’importation potentielle de ce type de techniques était le thème d’un colloque tenu le 5 juillet à Paris, à l’initiative de L’Atelier BNP-Paribas Group. L’objectif de ces dispositifs est d’évaluer la production d’information des salariés et l’influence de chacun sur ses collaborateurs (cette dernière étant considérée par certains comme l’une des compétences essentielles aujourd’hui) ; ce qui n’irait pas, selon les experts présents au colloque, sans poser certains problèmes d’ordre managérial ou juridique.

Evaluer l’organisation à partir des flux d’information

Mais cette méthode pourrait également permettre d’établir une sorte de cartographie de la communication interne et externe de l’entreprise, en reliant émetteurs et récepteurs. Il serait possible, notamment, d’identifier les principaux producteurs d’information, de repérer les circuits d’échange et, éventuellement, les zones d’ombre ou les connexions manquantes. C’est en partie le thème d’une récente étude réalisée par des universitaires polonais pour l’International Journal of Knowledge Society Research (version de travail gratuite ici).

Les chercheurs ont étudié le très médiatisé cas Enron en analysant les échanges de e-mails (517 430 messages émanant de 150 collaborateurs). A l’aide d’une méthodologie complexe, ils se sont efforcés de reconstruire l’organisation réelle de l’entreprise et d’identifier ses dysfonctionnements. Partant de ce cas-limite, ils concluent que « l’approche par le réseau social de la gestion du problème décrit est susceptible d’améliorer significativement l’efficacité des ressources humaines, en permettant de détecter les anomalies cachées dans la hiérarchie de l’entreprise, et en rendant la communication entre employés plus effective et plus facile. En analysant la sémantique des courriels échangés dans le réseau de l’entreprise, nous pouvons identifier les individus dotés du « savoir caché ».

D’importantes limites à ne pas négliger

Le potentiel des réseaux sociaux et autres outils collaboratifs dans la communication d’entreprise et la gestion des talents semble considérable. Néanmoins, quelques remarques liminaires – dont certaines ont déjà été évoquées au sujet du e-learning – incitent à tempérer l’enthousiasme ainsi suscité :

  • Le temps de déploiement de ces stratégies ne doit pas être négligé : le passage d’un intranet souvent complexe à faire évoluer à un système très décentralisé ne se réalise pas en un clin d’œil. Outre ses aspects technologiques, il implique une réorganisation radicale de la diffusion de l’information dans l’entreprise.
  • Quels modes d’utilisation par les salariés ? La hiérarchie de l’entreprise apparaît-elle dans le réseau social interne ? Les cadres sont-ils dotés d’une position « privilégiée » dans la diffusion de l’information ? Les frontières entre services sont-elles abolies ? En principe, l’information circule dans un dispositif 2.0 de manière horizontale, ce qui suppose l’affranchissement des barrières inhérentes aux systèmes d’information, donc une relative prise de risque dans la « libération » de la communication interne. Non seulement les grandes entreprises ne sont pas toutes prêtes à passer ce cap, mais celui-ci n’est pas nécessairement bénéfique à toute organisation.
  • Une communication interne très décentralisée ne génère-t-elle pas des inégalités entre salariés ? Entre les technophiles et ceux pour qui l’usage de ces nouveaux outils est moins évident, entre les littéraires, à l’aise pour échanger sur leur métier, et ceux à qui la plume rend moins service, entre des salariés surchargés par leurs tâches usuelles et ceux qui peuvent prendre le temps de l’information et de la communication… Une « fracture 2.0 » potentiellement dommageable à la cohésion interne.
  • Comment organiser le temps d’expression des salariés sur le réseau interne? Si le réseau social est utilisé à des fins de partage de best practices, retours d’expérience ou formation continue informelle, il faut normer son usage, guider sa prise en main, objectiver ses bénéfices… Et prévoir le temps de travail nécessaire, inclure les tâches attendues dans les fiches de poste. Des évolutions potentiellement lourdes.
  • Enfin, qui dans l’entreprise sera chargé d’analyser les données, d’identifier des profils, des carences et des opportunités, de tirer des conclusions ? Apparaît ainsi un besoin en investissements, et en compétences.
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