Panique sur l’Amérique : le New York Times voit parallèlement s’envoler le niveau de compétences demandé sur le marché du travail (à gauche ci-dessous) et le niveau moyen de sa main-d’oeuvre peu s’améliorer. Pire, les jeunes Américains seraient les moins bons en maths de tous les pays de l’OCDE (en bas à droite ci-dessous).
Bosse des maths ou bosse tes maths : Français et Américains à la traîne
[encadre]Le sujet est grave : « les maths sont le plus grand épouvantail psychologique d’une Amérique en crise de confiance », écrit Quartz, dans une longue tentative de destruction du mythe : « de toute façon, je suis mauvais en maths… » Les maths, cela n’a rien de génétique, le travail paye… Et il y a intérêt à s’y mettre : pour le média américain, les compétences en mathématiques sont « de plus en plus importantes pour trouver un emploi aujourd’hui ».
Les « perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 » permettent d’y voir plus clair : pour la première fois, l’organisation internationale a étudié et comparé les compétences des adultes de plus de 20 pays en lecture, maîtrise des chiffres ou en « résolution de problème dans les environnements à forte composante technologique ». Au petit jeu des comparaisons, Français et Américains sont en-deçà de la moyenne des pays OCDE, tant en maîtrise des chiffres que de l’écrit :
Plus frappante, cette visualisation qui permet de comparer les compétences mathématiques de l’ensemble des adultes (axe horizontal) à celles des jeunes de 16-24 ans (axe vertical) : loin du peloton de tête finlando-japonais, France et Etats-Unis sont très nettement au fond de classe, juste devant les bonnets d’âne espagnol et italien.
Savoir traiter l’information
Dans son panorama global, l’OCDE multiplie les réflexions :
- sur la corrélation niveau de diplôme/compétences (« Même si le niveau de formation est lié aux compétences, à niveau de qualification égal, la maîtrise des compétences varie considérablement entre les individus »),
- les défis politiques que posent ces résultats (« les pays peuvent influencer le niveau et la répartition de ces compétences au sein de la population en modifiant la qualité et l’équité des opportunités de formation »),
- la fracture numérique n’est pas une fatalité (« les pays nordiques et les Pays-Bas ont davantage su créer un environnement où la plupart des adultes ont l’habitude des ordinateurs et où rares sont les citoyens qui ne possèdent que des compétences de base en informatique ») et l’obsolescence des compétences représente un risque réel de gâchis (« Inutilisées, les compétences représentent un gaspillage : gaspillage de compétences, mais aussi de l’investissement initial pour les acquérir »)
- ou le défi de la participation des plus « compétents » au marché du travail (« Certains pays parviennent à mobiliser leur population adulte hautement qualifiée bien plus efficacement que d’autres : en Norvège, environ 9 % des adultes [les plus compétents] ne participent pas au marché du travail ; en Corée, cette proportion se monte à 32 % »), et plus généralement, de l’inadéquation des compétences (« 21 % des travailleurs sont surqualifiés et 13 % sont sous‑qualifiés pour l’emploi qu’ils occupent »)
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Une observation en particulier témoigne d’une grande transformation du marché du travail : le traitement de l’information est « devenue une compétence inestimable dans les économies du XXIe siècle », note l’OCDE, qui observe l’importance considérable prise par les compétences transversales (relations humaines, problem-solving, créativité, etc.), pilier de l’employabilité… qui manque parfois aux profils les plus techniques, pourtant souvent « chassés » par les recruteurs.
A monde numérique, compétences technologiques
95% des employés de grande entreprise (85% pour les entreprises de taille moyenne, 65% dans les petites entreprise) utilisent Internet dans le cadre de leur travail, mais l’introduction de la technologie dans le lieu de travail a transformé les niveaux de compétence requis : dans une économie dite de la connaissance, où la part des services dans l’emploi total a bondi (voir l’évolution depuis 1980) même les secteurs peu qualifiés, comme l’agriculture, utilisent des technologies avancées (biotechnologies, informatisation de la fonction commerciale).
Mais la technologie« a bouleversé la structure-même de l’organisation du travail« : le changement est devenu une donne permanente (près de 30% des Français observent ainsi, dans les trois dernières années, des bouleversements significatifs dans leurs environnements de travail), appelant de nouvelles compétences d’adaptation. Plus structurellement, la part d’emplois mobilisant des profils très qualifiés, comme le New York Times l’observait pour les Etats-Unis, a bondi dans la majeure partie des pays de l’OCDE :
Les Etats ont déjà commencé à s’adapter, eux aussi, observe l’OCDE : en utilisant à meilleur escient les compétences des employés les plus qualifiés, mais surtout en luttant contre les déséquilibres de compétences entre formation initiale et un monde de travail dont les besoins évoluent toujours plus vite… Une certitude, néanmoins : la bosse des maths n’est pas décisive pour trouver un emploi… mais elle peut aider !
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