Le comité de concertation pour l’avenir de l’école vient de rendre son rapport, qui présente notamment le numérique comme « une priorité pour la réussite ». A l’ère des « digital natives », ces enfants nés avec les technologies de l’information, il serait urgent de revoir l’organisation des cours, les méthodes d’enseignement et le rôle des professeurs. Faut-il faire de la classe le lieu d’acquisition de compétences plutôt que de savoirs théoriques ? C’est ce qu’a tenté le Québec avec le « Renouveau pédagogique », lancé en 2000 à la suite d’un « vaste consensus autour de la nécessité d’adapter l’école québécoise aux besoins de la clientèle et à la réalité du XXIe siècle ». Dix ans plus tard, alors que les tous premiers élèves de cette réforme scolaire entrent au lycée, quels enseignements peut-on tirer ? Une telle « révolution » pourrait-elle avoir lieu en France ?
Rendre les enfants autonomes
« Adapter l’école québécoise aux besoins de la clientèle et à la réalité du XXIe siècle » : c’était le leitmotiv des Etats généraux de l’éducation québécois, qui ont fondé le projet de « Renouveau pédagogique ». Plus précisément, l’objectif de cette révolution de l’école était de promouvoir un enseignement plus efficace, mieux adapté aux usages de la nouvelle génération. Désormais, au Québec, les élèves ne subissent plus les cours mais s’investissent et montent des projets. Car l’objectif n°1, c’est de rendre les enfants autonomes, et pour cela, il faut les stimuler, les inciter à participer, à s’engager. Les enfants du Renouveau pédagogique sont d’ailleurs « plutôt plus débrouillards que ceux des générations précédentes », rapporte Télérama. Des têtes moins pleines mais mieux faites, en somme.
En faisant le choix des compétences, l’école québécoise a délibérément reconsidéré la place des savoirs théoriques. Le changement se retrouve aussi dans les vocables utilisés en classe et l’organisation des cours. Les disciplines sont ainsi regroupées en « domaines » dans le secondaire (l’équivalent de notre collège). On parle aussi d’ « univers social » pour l’histoire-géo et la citoyenneté et de « développement personnel » pour le sport, la santé et l’éthique.
Au cœur du Renouveau pédagogique : le savoir-être, donc l’employabilité
Dans la nouvelle école québécoise, les élèves sont évalués sur leurs compétences et leur « savoir-être » plutôt que leurs connaissances. Le savoir-être, c’est la capacité à interagir avec son environnement : se comporter comme il faut au sein du groupe, respecter l’autre, accepter l’autorité, adapter son niveau de langue en fonction des personnes auxquelles on s’adresse… Puisque le manque de savoir-être est un reproche récurrent des employeurs aux candidats les plus jeunes, cette nouvelle façon d’enseigner soutient leur employabilité. L’univers de l’entreprise est codé, on ne parle pas n’importe comment à son patron, à ses collègues ou à ses clients, on doit savoir contrôler ses émotions, les hiérarchies sont loin d’avoir disparu…. En somme, on ne naît pas salarié, on le devient.
Des résultats mitigés, une ambition de long terme : une école adaptée à un monde du travail en mutation
Il s’agit donc d’une réforme ambitieuse, dont la mise en place fut difficile en raison de la résistance ou de la mécompréhension de certains professeurs. Aujourd’hui, le bilan est mitigé. Les élèves – qui sont aujourd’hui des lycéens – sont, de l’avis de tous, plus autonomes que leurs aînés ; mais le Renouveau pédagogique a eu un impact très faible sur la réussite à l’école et le décrochage scolaire. Le Québec compte toujours 20% de jeunes qui quittent chaque année l’école sans diplôme. Les évaluations nationales montrent que le niveau général des élèves ne s’améliore pas non plus – il baisse même légèrement en sciences.
Au-delà de ses résultats à court terme, le « Renouveau pédagogique » vise une redéfinition à long terme du rôle de l’école dans la vie de futurs adultes : comment les armer efficacement dans des sociétés et un monde du travail qui se transforment ? Mobilité, polyvalence, autonomie et capacité d’adaptation sont au cœur des compétences qu’il faut détenir aujourd’hui, et qui seront encore plus importantes demain. Si le Québec semble vouloir tout mettre en place pour mieux préparer ses enfants à leur vie future, la France, elle, resterait attachée à une école des « humanités ». Voire, selon certains, à un modèle assez élitiste qui diviserait notre jeunesse…
Nota Bene
L’élève français : des lacunes réelles et un ennui profond
Le décrochage scolaire est l’une des grandes causes de la division de notre jeunesse. Ce sont en effet près de 150 000 jeunes qui, chaque année, quittent l’école sans diplôme Or, on le sait, le diplôme est en France un « sésame » pour ouvrir les portes du marché du travail. Selon une étude relayée par Microsoft à l’occasion de sa conférence « Quelle école pour demain ? » en avril dernier, près de 2/3 des élèves français (64%) s’ennuient à l’école. Quant aux enquêtes PISA, elles montrent qu’en France, un jeune de 15 ans sur cinq ne maîtrise pas les « savoirs de base » (lecture, écriture et mathématiques élémentaires). Ces lacunes sont parmi les principales causes des difficultés croissantes des jeunes les plus défavorisés face à l’emploi.
Le spécialiste de l’éducation Sir Ken Robinson présente notre système scolaire sans prendre de gants. Nos enfants seraient en classe comme sous sédatif, crouleraient sous les notes, les classements et des programmes toujours plus lourds et abstraits. L’école selon Ken Robinson n’a pas revu son fonctionnement depuis le XIXème siècle : un retard qui devient inquiétant à l’heure du Web 2.0.
Le numérique, arme d’éducation massive ?
Selon une infographie de Microsoft, le numérique servirait une nouvelle vision de l’école :
- les jeunes sont des usagers massifs du web : 99% des adolescents sont internautes ;
- or, en France, on ne compte que 1 ordinateur pour 10 élèves de primaire, et 1 pour moins de 6 élèves de lycée alors que les petits britanniques et danois bénéficient déjà, en moyenne, d’un peu plus d’un ordinateur chacun ;
- les élèves comme les parents et les enseignants se disent prêts à une transition vers une école plus numérique.