Dans son livre-choc sur « la crise qui vient », l’économiste Laurent Davezies prône une concentration des forces pour relancer la croissance et l’emploi en France : tout miser sur une « contre-attaque productive », capitaliser sur les territoires qui ont le plus d’atouts pour cela, et les inciter à se mettre en réseau autour de « pôles » performants (qu’ils soient dénommés « pôles de compétitivité », clusters, métropoles…).
Dans ce modèle de développement, les inégalités territoriales, déjà grandes et bientôt béantes avec la crise des finances publiques, devraient encore s’accentuer. Car, c’est presque un truisme, « les secteurs les plus combatifs ne se trouvent pas dans les territoires les plus pénalisés ». Or les appels à la solidarité nationale, toujours plus nombreux, se heurtent à la réduction des dépenses publiques.
Laurent Davezies l’assume, c’est selon lui un choix pour l’avenir : « Si on veut sauver demain notre système d’égalité territoriale, il faut d’abord relancer les zones productives », même au prix d’un accroissement temporaire des inégalités. Que faire, alors, pour les laissés pour compte du redressement productif version Davezies ? Selon lui, il faut leur donner la priorité de la solidarité nationale (via la complexe « péréquation des ressources »…) mais, surtout, faire « se développer de nouvelles formes de solidarité de proximité ».
On pense à la « Big Society » du Premier ministre britannique David Cameron. Mais pour Laurent Davezies, le premier levier de cette solidarité de proximité, c’est l’économie sociale et solidaire, ces coopératives, mutuelles, associations ou fondations qui représentent déjà 10% des emplois français. Leur ancrage territorial en fait une « variable d’ajustement » efficace, déjà investie par les régions et appelée à prendre de plus en plus de poids.
Plus généralement, alors que la crise de la production frappera certains territoires plus que d’autres, ceux-ci échangeront et agiront de plus en plus entre eux, indépendamment de toute initiative politique nationale. La « solidarité horizontale » est un champ à expérimenter, résume Davezies.
Dans ce renouvellement de la solidarité, quel rôle pour les grandes entreprises, dont le lien avec les territoires ne va pas toujours de soi ? La dernière Université d’été « emploi, compétences et territoires » de Montpellier a notamment mis en lumière le levier de leur relations avec leurs sous-traitants. Par le mécénat de compétences, par exemple, le réseau Alizé permet aux grandes entreprises mutualiser leurs moyens humains et financiers avec ceux des collectivités publiques et d’autres acteurs économiques locaux, afin de soutenir le développement des PME.
La Fondation ManpowerGroup pour l’emploi soutient de nombreuses actions de mécénat de compétences, comme celles des Ateliers sans frontières ou de la Jeune chambre économique française (JCE) – qui connaît des déclinaisons locales.